L'infirmière Libérale Magazine n° 305 du 01/07/2014

 

COORDINATION

L’exercice au quotidien

SOPHIE MAGADOUX  

Prescriptions médicales approximatives, erronées, irréalistes… L’Idel Marie-Christine Gourdré, installée en zone rurale, au sud-est de Toulouse, depuis ses débuts il y a vingt-six ans, témoigne.

Voilà des prescriptions de ces derniers mois : une intra-musculaire (IM) pour un patient sous antivitamine K, une série d’injections d’antibiotique en IM avec un produit en intra-veineuse (IV), un traitement à renouveler deux fois mais sans précision de fréquence ni de durée, une perfusion par voie IV où il manque le set à perfuser et le pied – heureusement, j’avais récupéré un set lors d’un arrêt chez un autre patient et je l’ai accroché à un clou au mur. Ou encore, pour huit jours d’anticoagulant par voie sous-cutanée, le patient m’informe le sixième jour que le médecin l’a appelé pour interrompre le traitement : j’ai dû contacter le médecin afin qu’il valide sa prescription par écrit. Face à ces situations, il faut rester vigilant et réactif pour pouvoir administrer le traitement prescrit sans se mettre en danger professionnellement. Le système D a ses limites.

Habitués à avoir tout à portée de main, les prescripteurs hospitaliers méconnaissent souvent nos contraintes : horaires, jours d’ouverture de la pharmacie, éloignement du domicile du patient. De leur côté, les médecins traitants réalisent-ils la difficulté de certains patients à se rendre au cabinet infirmier pour un soin quotidien, voire biquotidien, et ce, plusieurs jours de suite ? Prescrire un produit ne suffit pas pour qu’il soit administré correctement ! La prescription d’un soin paramédical doit comporter nombre d’informations indispensables à la continuité des soins, à leur prise en charge par la Sécurité sociale et les mutuelles, et à la rémunération du professionnel : date du jour, nom et prénom du patient, nom du produit, mode d’administration, voie d’abord, fréquence, durée, lieu, professionnel concerné, dimanches et jours fériés au besoin, à renouveler ou non avec les mêmes items. Les médecins ont rarement connaissance des contraintes logistiques, organisationnelles et administratives de notre profession. Pour ces raisons, avec des collègues, nous avons constitué un groupe de travail pour améliorer la sécurité du patient à son retour à domicile et la communication avec les prescripteurs. »

Avis de l’expert

« Apprendre à travailler collectivement »

Dr René Amalberti, conseiller sécurité des soins à la Haute Autorité de santé, travaille pour la prévention médicale à la MACSF

« 20 à 30 % des sinistres actuels sont dus à une mauvaise coordination, et on atteint 50 % lorsque la discontinuité des soins est prise en compte. En se modernisant, le parcours du patient s’est complexifié. Le patient passe de plus en plus vite d’un intervenant à l’autre, dont le nombre s’est multiplié et les fonctions se sont spécialisées. La chirurgie ambulatoire accélère d’autant le problème. Il y a un besoin d’outils, que ni le dossier patient informatisé, ni les capacités de communication actuelles ne parviennent à satisfaire. La culture élitiste constitue un frein. C’est une source de risque. Les professionnels doivent apprendre à travailler collectivement. La formation continue (DPC), la création de structures pluridisciplinaires et la mise en place d’une chaîne de paiement valorisant la coordination apporteront un changement de fait de l’organisation et des mentalités, par effet générationnel. »