Dr Christiane Vaugeois, médecin thermal à Ussat-les-Bains (Ariège)
La vie des autres
Christiane Vaugeois, médecin thermal depuis trente ans, défend une approche non médicamenteuse qui place la personne au centre du soin. La recherche clinique, développée depuis quinze ans et à laquelle elle prend part, confirme l’intérêt du thermalisme.
Il y a vingt et un ans, dans une vallée encaissée des Pyrénées à mi-chemin entre Toulouse et la ville d’Andorre, Christiane Vaugeois, Ariégeoise d’origine, accroche sa plaque de médecin thermal à la porte de son cabinet. Elle participe au redémarrage des thermes situés dans la commune d’Ornolac-Ussat-les-Bains. Faute de décrocher une place à l’internat de pédiatrie, sa vocation première, elle a en effet opté pour un diplôme d’hydrologie et de climatologie médicale, « une spécialité où l’on soigne des personnes et non des pathologies ». Son tout nouveau diplôme en poche, elle vient de quitter Paris, avec mari et enfants, à la recherche d’une autre qualité de vie. Toutefois, en femme de conviction, parallèlement au thermalisme, la praticienne travaille avec la Protection maternelle et infantile (PMI) toute sa carrière durant. Par nécessité les quatre premières années, puis par choix. « Avant de soutenir ma thèse, j’effectuais déjà des vacations à la PMI de Paris et j’ai continué en Haute-Ariège jusqu’en juin 2012. Hors-saison thermale, je travaillais à plein temps pour la PMI et, pendant la saison, en fonction de mes disponibilités. »
À la mode infirmière, jours fériés, week-ends, elle consulte. « Pour tout dire, j’ai commencé à exercer un 1er mai. Et les patients entamant leurs dix-huit jours de cure le lundi, il faut avoir reçu vingt à trente personnes au cours du week-end, à leur arrivée à Ussat. »
L’an dernier, de mars à novembre, lors de la saison thermale, environ huit cents patients ont franchi sa porte. Affections neurologiques, psychosomatiques ou gynécologiques, sur prescription de leur médecin traitant, les patients sont pris en charge pour l’une des trois orientations de la station thermale, ou parfois pour deux d’entre elles. « Je les reçois au minimum trois fois, en consultation initiale, de suivi, puis pour le bilan. » Christiane Vaugeois prescrit les soins thermaux adaptés à leur pathologie : bains, douches, jets locaux, massages sous l’eau, compresses thermales, cure de boisson… Les qualités de l’eau thermale sont associées aux bénéfices des traitements en cours. « Les consultations visent à connaître la personne au niveau médical, mais également son mode de vie, son état général. Il y a beaucoup de prévention, sur le tabac, l’alimentation… Le lundi, je déjeune avec l’infirmière et elle me tient au courant de ce qui a pu surgir au cours des soins. » La disponibilité des curistes pendant trois semaines permet d’améliorer leurs habitudes. Le bilan de dernière consultation leur précise la conduite pour les mois à venir. « Nous faisons de l’éducation thérapeutique du patient depuis toujours. »
Alternative non médicamenteuse, la crénothérapie
À la fin des années 1990, dans le collimateur de la Caisse primaire d’Assurance maladie, les stations thermales ont développé des programmes spécifiques valorisant leurs compétences. « À Ussat, nous nous sommes d’abord spécialisés dans la prise en charge des malades parkinsoniens. Grâce à une étude pilote, le Pr Jean-Louis Montastruc, chef du service de pharmacologie médicale et clinique du CHU de Toulouse, a démontré l’intérêt médico-économique de notre protocole. » Christiane Vaugeois, membre de la Société française de médecine thermale depuis ses débuts, assistait aux Journées annuelles en 2004. « Le Dr Olivier Dubois, psychiatre et médecin thermal, présentait un projet d’étude sur l’anxiété. Intéressée, j’ai proposé d’y participer. » Les thermes d’Ussat ont alors collaboré à l’étude du suivi de l’efficacité du thermalisme à orientation psychosomatique dans le trouble anxieux généralisé (2006-2007)
(1) La crénothérapie, du grec krêné (source), est plus connue sous l’appellation de thermalisme.
« Je fais parfois appel aux Idels dans le cadre de la médecine générale, par exemple pour les personnes handicapées, pour une prise de sang… De façon générale, je pense qu’elles peuvent avoir un rôle de conseil auprès de leurs patients chroniques quant aux bénéfices du thermalisme. Cela peut passer par une formation. Il s’agit d’une démarche personnelle. La formation d’agent thermal, qui leur est ouverte, peut leur apporter des notions de base. Au sein des thermes d’Ussat-les-Bains, une infirmières salariée a aussi un rôle en éducation thérapeutique. Elle anime la réunion d’accueil et, depuis cette année, les ateliers de relaxation, à raison de deux fois deux heures par semaine. Sa présence au quotidien est précieuse. Elle me transmet ce qu’elle peut observer au fil des trois semaines du séjour. »
En 2002, le Conseil national des exploitants thermaux a vu le jour et, en 2004, l’Association française pour la recherche thermale était créée afin de permettre l’évaluation du service médical rendu par la médecine thermale. Depuis, trente-trois projets ont été retenus et financés. Les premiers résultats font déjà référence dans leur domaine sur les thèmes suivants : rémission complète du cancer du sein, surpoids et obésité, arthrose du genou et trouble anxieux généralisé. En 2008, un livre blanc a fixé les orientations de la profession, des propositions concrètes pour s’orienter vers la prévention, les soins de suite et l’accompagnement du vieillissement et de la chronicité. La France compte 105 établissements thermaux en activité, la plupart rénovés au cours de ces dernières années grâce à 10 à 25 % du chiffre d’affaires annuel réinvesti. Chaque année, les thermes délivrent neuf millions de journées de soins, pour seulement 0,14 % des dépenses de l’Assurance maladie.