L'infirmière Libérale Magazine n° 305 du 01/07/2014

 

Cahier de formation

Au domicile de Mme B., 85 ans, pour préparer son pilulier hebdomadaire, vous remarquez que ses chevilles sont gonflées. Vous lui demandez si elle s’est récemment pesée. Elle vous confie que son pèse-personne s’est cassé, et que son fils doit lui en apporter un nouveau.

L’autosurveillance pondérale est un pilier de la prise en charge de l’insuffisance cardiaque. L’apparition d’œdèmes est un signe d’alerte souvent corrélé à une prise de poids rapide. Vous recherchez d’autres signes d’alerte comme une dyspnée et des palpitations avant de prendre contact avec son médecin. Une consultation médicale s’impose.

SURVEILLANCE CLINIQUE

Surveillance du poids

→ L’infirmière doit insister sur l’importance de l’autosurveillance du poids (de préférence le matin à jeûn, après avoir uriné) au moins une à deux fois par semaine, voire trois fois par semaine ou plus aux stades III ou IV (voir tableau p. 34). De même, elle peut vérifier auprès du patient qu’il contrôle régulièrement son poids.

→ Une prise de poids de deux à trois kilos en une semaine doit conduire à une consultation médicale rapide.

→ Une perte de poids rapide doit évoquer une déshydratation liée aux diurétiques, surtout en cas de forte chaleur ou de diarrhées, et aussi amener à une consultation médicale.

→ En cas de forte chaleur, il faut conseiller au patient de s’hydrater correctement et de se tenir au frais, et l’orienter vers son médecin généraliste qui appréciera son état clinique et pourra décider d’une éventuelle adaptation des posologies des traitements.

Surveillance de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque

L’infirmière peut les contrôler pour apprécier l’efficacité et la tolérance du traitement. Si le pouls est inférieur à 45 par minute, il faut prendre contact avec le prescripteur. Une baisse de la pression artérielle entraînée par le traitement ne doit pas inquiéter (jusqu’à une pression systolique à 90 mm Hg) si la tolérance clinique est bonne (pas de voile noir devant les yeux, de vertiges ou de lipothymie).

SURVEILLANCE BIOLOGIQUE

→ L’infirmière libérale insistera auprès du patient sur l’importance du respect du rythme des contrôles biologiques (ionogramme sanguin et bilan rénal tous les trois à six mois).

→ Elle s’attachera à la surveillance de la natrémie (normale entre 136 et 145 mmol/l) et de la kaliémie (normale entre 3,5 et 5 mmol/l), qui peuvent varier sous l’influence des diurétiques, IEC ou ARA II. Or une dyskaliémie (hypo- ou hyperkaliémie) expose le patient à des troubles musculaires, à des troubles du rythme cardiaque graves, en particulier en cas de traitement par digoxine, et une hyponatrémie peut être à l’origine d’une confusion mentale, surtout chez le patient âgé.

Les dyskaliémies

→ Définies respectivement par une concentration plasmatique des ions potassium supérieure à 5 mmol/l, ou inférieure à 3,5 mmol/l, l’hyper- et l’hypokaliémie ont pour principales conséquences cliniques des troubles du rythme cardiaque (à type d’arythmies ventriculaires, voire d’arrêts cardiaques en cas d’hyperkaliémie et de torsades de pointe en cas d’hypokaliémie), ainsi que des troubles musculaires (faiblesse musculaire, paralysies). Par ailleurs, l’hypokaliémie potentialise les effets indésirables des médicaments allongeant l’intervalle QT à l’électrocardiogramme, bradycardisants et digitaliques.

→ Les facteurs de risque d’hyperkaliémie sont l’altération de la fonction rénale, l’insuffisance surrénalienne, un syndrome de lyse tumorale consécutif à un traitement par chimiothérapie anticancéreuse, l’association de plusieurs médicaments hyperkaliémiants (sels de potassium, diurétiques hyperkaliémiants comme la spironolactone et l’éplérénone, IEC, ARA II, digoxine, anti-inflammatoires non stéroïdiens, etc.). Attention, certains médicaments renferment du potassium dans leurs excipients, à l’exemple du Transilane en poudre, un laxatif de lest (272 mg de potassium par sachet).

→ Les facteurs de risque d’hypokaliémie sont les pertes digestives de potassium (diarrhées, vomissements), les pertes rénales (hyperaldostéronisme ou hypercorticisme), l’association de plusieurs médicaments hypokaliémiants (diurétiques de l’anse et thiazidiques, corticoïdes, laxatifs stimulants, etc.).