L'infirmière Libérale Magazine n° 306 du 01/09/2014

 

E-SANTÉ

Actualité

VALÉRIE HEDEF-CAPELLE  

TÉLÉMÉDECINE > Le déploiement de ces nouvelles pratiques à distance soulève de nombreux questionnements chez les infirmières libérales, concernées au premier plan.

La 8e édition de l’Université d’été de la e-santé, qui s’est tenue à Castres (Tarn) début juillet, l’a bien montré : les Idels sont parmi les professionnels de santé les plus impliqués dans le champ de la e-santé. Qu’elles utilisent, via leurs tablettes ou smartphones, des applis mobiles en lien avec leur exercice professionnel (sur la prise en charge et le suivi des plaies, la douleur, la gestion personnalisée du planning, les calculs de doses…), qu’elles télétransmettent des feuilles de soins électroniques ou des données de santé sécurisées ou qu’elles participent à des projets de télémédecine. D’autant qu’une part non négligeable de leur patientèle - malades chroniques et personnes âgées - s’avère une “cible privilégiée” de son déploiement.

Gain de temps

Dotées d’une tablette tactile, les Idels du Compiégnois (Picardie) ont ainsi, depuis avril 2013, la possibilité, dans le cadre d’une téléconsultation en dermatologie, de prendre des clichés d’une plaie leur posant problème pour demander une expertise auprès d’un médecin spécialiste du centre hospitalier de Compiègne. L’objectif est d’éviter au patient de se déplacer en consultation et d’adapter si besoin sa prise en charge. « La tablette est un dossier ; on peut voir l’évolution du pansement et avoir un avis professionnel médical en direct. Il s’agit d’un pivot technique dans l’instant avec un gain de temps indéniable. C’est aussi pour nous une forme d’expertise car on est toujours avec le médecin. Pour les patients, c’est rassurant et ils sont très partants », a témoigné par visioconférence Franck Perez, expert en soins des plaies et vice-président de l’Union régionale des professions de santé (URPS)-infirmiers de la région lors de la table ronde “L’infirmière au cœur de la télémédecine”. Ce projet porté par les URPS est expérimenté dans plusieurs régions de France (Languedoc-Roussillon notamment).

Autre exemple évoqué à cette occasion, le protocole sur le diagnostic de l’évaluation de la fragilité accepté par l’Agence régionale de santé Midi-Pyrénées et qui s’appliquerait aux Idels.

Des questions en suspens

Pour autant, de nombreuses interrogations demeurent quant à leur formation, leur rémunération, eu égard aux nouveaux actes effectués, ou encore leur responsabilité. « Nous sommes conventionnés avec l’Assurance maladie ; quid du paiement des actes ? », s’interroge ainsi Christine Darbelet, la présidente de l’URPS-infirmiers Midi-Pyrénées. « Lorsqu’une Idel prend le temps de parler au patient, il lui manque la reconnaissance de cet acte », poursuit Martine Baurin, infirmière responsable de la formation des infirmiers pour la Croix-Rouge française, faisant le parallèle avec le téléconseil réalisé par des infirmières dans le suivi en oncologie et qui sont, elles, rémunérées pour cet acte. Même si « l’Idel, par son activité, est polyvalente et qu’elle doit tout savoir faire, toutes les Idels ne pourront pas se former à tout (40 heures pour se former au diagnostic d’une personne âgée fragile, idem pour l’ETP) et les organismes ne pourront pas suivre aussi », renchérit la présidente de l’URPS-infirmiers Midi-Pyrénées.

Priorité vers la ville

Depuis cette année, l’ouverture vers la ville et le médico-social est une priorité du ministère de la Santé dans le déploiement de la télémédecine. Neuf régions pilotes(1) ont été retenues pour « expérimenter des tarifs préfigurateurs pour des prises en charge chroniques et complexes(2) », précise la responsable du programme de déploiement de la télémédecine au ministère des Affaires sociales et de la Santé. « Dès lors que l’Idel a un rôle délégataire(3), il a certainement vocation à être rémunéré », ajoute-t-elle. Reste à voir dans l’avenir dans quelle mesure précisément.

(1) Alsace, Basse-Normandie, Bourgogne, Centre, Haute-Normandie, Languedoc-Roussillon, Martinique, Pays-de-la-Loire et Picardie.

(2) Téléconsultation pour des plaies chroniques et complexes, pour des prises en charge gériatriques et psychiatriques pour les résidants en Ehpad, et télésurveillance de l’insuffisance cardiaque et de l’insuffisance rénale chronique.

(3) Au sens où l’Idel est bénéficiaire d’un protocole de coopération prévu aux articles L. 4011-1 et suivants du Code de la Santé publique.