L'infirmière Libérale Magazine n° 306 du 01/09/2014

 

Urgence pulmonaire

Cahier de formation

LE POINT SUR

Marie Fuks  

Menace vitale, l’asthme aigu grave (AAG) constitue une urgence médicale face à laquelle les patients doivent disposer d’un plan d’action précis d’autant plus nécessaire qu’ils ont tendance à banaliser leurs symptômes.

Épidémiologie

Entre 2008 et 2010, la mortalité par asthme s’élève en moyenne à près de 1 000 décès par an chez l’adulte et 60 chez l’enfant et le jeune adulte (moins de 45 ans). 59 225 séjours hospitaliers pour AAG ont été enregistrés en 2012, la plupart faisant suite à une mauvaise observance du traitement(1). Une étude, réalisée durant un an (2006-2007) auprès d’enfants âgés de 3 ans ou plus, montre que chez 75 % des enfants hospitalisés, le traitement de l’asthme est insuffisant. Cela suggère qu’une partie des hospitalisations pourrait être évitée par une amélioration de la prise en charge globale de l’asthme, une meilleure observance des traitements de fond et une gestion plus efficace et précoce des signes annonciateurs d’AA.

Causes de l’AAG

→ Lorsqu’on peut identifier le facteur déclenchant, l’AAG est souvent consécutif à une exposition à un allergène ou un produit toxique qui, en quelques minutes, aboutit à une situation de crise.

→ Il peut également survenir à la suite d’un phénomène d’exacerbation de l’asthme qui se traduit par une dégradation progressive des symptômes (sur plusieurs jours) qui amène le patient dans une zone de danger où le moindre “grain de sable” peut déclencher un AAG. Cette exacerbation fait le plus souvent suite à une mauvaise observance du traitement de fond ou à une infection virale.

Signes d’alerte

→ L’AAG se traduit par des symptômes aigus qui mettent en jeu le pronostic vital. Ces symptômes, consécutifs à une obstruction majeure des voies aériennes, se traduisent par une oppression thoracique douloureuse, des quintes de toux incoercibles qui peuvent engendrer des vomissements, des sifflements respiratoires évoluant progressivement vers un épuisement respiratoire. Celui-ci se manifeste par une incapacité à parler et à tousser et la nécessité d’utiliser des muscles respiratoires accessoires.

→ « La valeur du débit expiratoire de pointe (DEP) retenue pour objectiver un AAG est inférieure à 30 % de la valeur théorique mais, la plupart du temps, lorsqu’un patient atteint ce stade, la mesure du DEP est imprenable, voire dangereuse, car elle oblige le patient à réaliser un effort expiratoire violent qui peut aggraver les symptômes et lui faire perdre le peu de capacité respiratoire qu’il parvient à maintenir », explique le Dr Gilles Garcia, pneumologue à l’hôpital Bicêtre (AP-HP). Il ne faut donc pas attendre ce stade de sévérité pour agir.

→ La difficulté tient au fait que le patient asthmatique a tendance à banaliser et sous- estimer ses symptômes, ce qui retarde la prise de conscience de la dangerosité de son état. « À domicile, l’infirmier doit toujours se méfier de l’asthme chez un patient asthmatique suivi pour une autre pathologie, insiste le médecin. Il doit veiller à ce que le patient contrôle régulièrement son DEP dès qu’il tousse, crache ou rencontre des problèmes pour respirer afin de ne pas laisser s’installer le processus d’exacerbation et de prévenir la survenue de cet état paroxystique. Il doit préparer le patient à apprécier l’urgence et veiller à ce qu’il dispose d’un plan d’action renseigné pour prendre les dispositions qui s’imposent. »

Les bons réflexes à domicile

Le traitement d’urgence à domicile consiste à “inonder” les poumons de bêta-2 mimétiques de courte durée d’action (salbutamol, terbutaline).

→ En temps normal, en cas de gêne, une bouffée de bêta-2 mimétiques permet au patient de recouvrer un état respiratoire de base.

→ À l’inverse, en situation d’AAG, il sera amené à réaliser une quantité inhabituelle de bouffées sans jamais récupérer une situation confortable. La non-réponse au traitement habituel est un critère de gravité qui indique au patient qu’il doit appeler les services d’urgence (Samu, Smur ou pompiers). En attendant leur arrivée, il doit se conformer à son plan d’action. Dans ce contexte, celui-ci prévoit le plus souvent deux bouffées de bêta-2 mimétiques toutes les dix minutes. Si l’état respiratoire ne s’améliore pas après six bouffées, le patient doit poursuivre les bêta-2 mimétiques jusqu’à l’arrivée du médecin. L’autre possibilité consiste à prendre une dizaine de bouffées de bêta-2 mimétiques dans une chambre d’inhalation.

Prise en charge médicalisée

→ Dès que le médecin arrive, les bêta-2 mimétiques sont complétés par des corticoïdes (prednisone, prednisolone) à raison de 1 mg/kg par voie systémique. Si l’état de conscience du patient le permet, la corticothérapie est administrée per os, car la biodisponibilité intraveineuse, intramusculaire, per os des corticoïdes, est la même.

→ La corticothérapie est essentielle car, bien que légèrement différée (une à trois heures), elle potentialise les effets des bêta-2 mimétiques et prévient les aggravations secondaires. Elle devra être poursuivie pendant huit à dix jours à la dose de 0,7 à 1 mg/kg en une prise le matin.

→ « Chez un patient parfaitement autonome dans la gestion de son asthme et des situations à risque, il est tout à fait envisageable qu’il puisse anticiper l’arrivée du médecin en prenant les corticoïdes lui-même, car, plus ils sont pris tôt, mieux c’est », explique le Dr Gilles Garcia. Durant le transport vers l’hôpital, le patient est maintenu sous oxygène nasal et nébulisations de bronchodilatateurs.

Améliorer la prise en charge

Au-delà des plans d’action qui pourraient, conformément aux recommandations internationales, être généralisés chez l’adulte comme ils le sont chez l’enfant asthmatique sévère scolarisé, l’optimisation du contrôle des symptômes et de la prévention de l’AAG repose sur l’éducation thérapeutique et la mise en place d’une meilleure coordination des acteurs de santé. C’est la raison pour laquelle la Caisse nationale d’Assurance maladie envisage d’élaborer d’ici la fin de l’année un parcours de soins spécifique aux asthmatiques pour les aider à gérer au quotidien leur santé, à l’image du programme d’accompagnement personnalisé Sophia asthme(2).

(1) Surveillance épidémiologique de l’asthme en France, Institut de veille sanitaire via ce lien raccourci bit.ly/1q1ZQF7

(2) Le début de l’expérimentation Sophia pour les patients asthmatiques âgés de 18 à 40 ans a été annoncé pour septembre 2014. Pour en savoir plus, consulter www.ameli-sophia.fr/asthme/alaune-asthme.html

La vaccination antigrippale, possible renfort

L’asthmatique est particulièrement sensible aux infections, dont la grippe, qui peuvent aggraver la fonction respiratoire. Toutefois, contrairement à d’autres facteurs environnementaux ou virus, la grippe est le seul qui dispose d’une prophylaxie par vaccination. Il convient donc d’encourager les patients asthmatiques traités au quotidien à se faire vacciner tous les ans. Selon une étude publiée en 2001*, cette précaution permet d’éviter les exacerbations chez les enfants asthmatiques dans 59 à 78 % des cas. Elle permet également de maintenir un lien régulier entre le patient et son médecin traitant. Remboursé à 100 % pour tous les asthmatiques, le vaccin n’engendre aucun effet sur le souffle et ne provoque pas d’exacerbation, comme pourraient le craindre certains patients. La seule contre-indication reste l’allergie à l’œuf médicalement avérée (1 à 2 % des adultes seulement) car le vaccin contient de la protéine d’œuf en très faible quantité. Dans le même esprit, pour protéger les asthmatiques contre le risque de pneumonie, la vaccination antipneumococcique peut être discutée sachant qu’elle ne nécessite, contrairement à la grippe, qu’une seule injection (Prévenar, Pneumo23).

* Piotr Kramarz et al., “Does influenza vaccination prevent asthma exacerbations in children ?”, The Journal of Pediatrics, 2001, 138, 306-10.