Complication majeure des thromboses veineuses profondes, l’embolie pulmonaire est une urgence médicale qui concerne chaque année 150 000 Français.
→ L’embolie pulmonaire est une obstruction partielle ou totale d’une artère pulmonaire par un thrombus. Dans 70 à 90 % des cas, ce dernier se forme au niveau du réseau veineux profond du membre inférieur et se détache de la paroi veineuse (on parle d’embole) pour migrer jusqu’à la veine cave, les cavités cardiaques droites et l’artère pulmonaire, sous l’effet des contractions du myocarde. Plus rarement, l’embole peut être d’origine gazeuse, graisseuse, parasitaire, tumorale ou toxique.
→ On parle d’embolie pulmonaire massive quand plus de 50 % des artères pulmonaires sont obstruées.
→ L’obstruction de l’artère pulmonaire entraîne une perturbation de l’hématose et génère en amont une élévation des pressions, responsable d’une hypertension artérielle pulmonaire et d’une surcharge ventriculaire droite pouvant mener à une insuffisance cardiaque droite. Un infarctus pulmonaire peut se constituer en quelques jours.
→ L’embolie pulmonaire se manifeste par l’apparition soudaine d’une douleur thoracique à type de coup de poignard, majorée à l’inspiration, d’une polypnée éventuellement accompagnée d’une toux sèche, d’hémoptysie (en cas d’infarctus pulmonaire) et d’un fébricule.
→ D’autres signes, corrélés à la gravité de l’affection, peuvent apparaître : tachycardie, cyanose, syncope, voire choc cardiogénique, sensibilité hépatique et turgescence jugulaire (en cas d’insuffisance cardiaque droite), râles crépitants (en cas d’infarctus pulmonaire).
→ Trois phénomènes physiopathologiques (ou triade de Virchow) sont impliqués dans la constitution d’un thrombus veineux : la stase veineuse, une hypercoagulabilité sanguine et une altération de la paroi vasculaire. Aussi, les facteurs favorisant la survenue d’une embolie pulmonaire sont l’alitement ou l’immobilisation prolongés, les voyages en avion, les pathologies tumorales, les déficits en facteurs anticoagulants, les traumatismes veineux liés à la chirurgie pelvienne ou orthopédique, la pose de cathéter, un traitement cytotoxique, l’insuffisance veineuse, l’âge, l’obésité, la grossesse, la contraception œstroprogestative et le traitement hormonal substitutif de la ménopause.
→ Par ailleurs, la fibrillation auriculaire favorise la stase atriale et la formation d’embole.
→ Le dosage des D-dimères (produits de dégradation de la fibrine, dont le seuil de positivité est de 500 ng/mL) n’est pas spécifique, mais permet, quand il est négatif, d’éliminer le diagnostic d’embolie pulmonaire.
→ L’analyse des gaz du sang peut montrer une hypoxie (PO2 < 80 mm Hg), une hypocapnie (PCO2 38 mm Hg) et une alcalose respiratoire, voire une acidose en cas de choc.
→ L’angioscanner thoracique, qui permet, après l’injection intraveineuse de produit de contraste, de visualiser l’obstruction des vaisseaux pulmonaires, est l’examen initial recommandé pour confirmer le diagnostic. Il doit être réalisé le plus rapidement possible.
→ L’angiographie pulmonaire consiste à visualiser radiologiquement les artères pulmonaires après injection de produit de contraste dans les troncs de l’artère pulmonaire. Moins utilisée car invasive, elle reste néanmoins intéressante en cas de doute diagnostique.
→ La scintigraphie pulmonaire permet d’apprécier la perfusion pulmonaire et constitue une alternative utile à l’angioscanner.
→ Une échographie cardiaque recherche une dilatation du ventricule droit et contribue à définir la gravité de l’embolie.
→ L’échodoppler veineux a pour but d’explorer le réseau veineux du membre inférieur et de rechercher une thrombose veineuse profonde. En effet, la thrombose veineuse profonde a pu passer inaperçue au plan clinique, puisque, dans les stades initiaux, le thrombus est non (ou peu) adhérent à la paroi vasculaire du membre inférieur. C’est donc à ces stades, bien qu’asymptomatiques, que les risques de migration de caillot et d’embolie pulmonaires sont élevés. Si la détection d’une thrombose veineuse profonde permet d’orienter le diagnostic, une enquête veineuse négative ne l’infirme pas.
→ La récidive, qui peut aggraver la situation hémodynamique du patient.
→ L’état de choc en cas d’obstruction massive.
→ L’arrêt cardio-circulatoire.
→ La persistance d’une hypertension artérielle pulmonaire (5 % des cas) et d’une insuffisance cardiaque droite (dans la moitié des cas).
→ En cas de signes cliniques évocateurs d’embolie pulmonaire, surtout chez un patient présentant des facteurs de risque, appeler le 15.
→ En attendant les secours, installer le patient en position semi-assise et limiter au maximum ses mouvements.
→ En cas d’embolie pulmonaire massive associée à un choc cardiogénique, un traitement fibrinolytique par bolus d’alteplase (Actilyse) est recommandé pour dissoudre l’embole.
→ Un traitement par héparines ou fondaparinux vise à réduire l’extension du caillot et le risque de récidive. Il est suivi d’un relais par anti-vitamine?K, AVK (INR cible entre 2 et 3), pendant trois à six mois. En cas de cancer, de nombreux cytotoxiques interagissant avec les AVK, le traitement peut reposer sur un traitement par héparine de bas poids moléculaire pendant plusieurs mois.
→ Depuis juin 2013, le rivaroxaban (Xarelto) a obtenu une AMM dans le traitement des embolies pulmonaires. Le 29 juillet dernier, l’apixaban (Eliquis) a obtenu une extension d’AMM dans cette indication. Le dabigatran (Pradaxa) est également indiqué, mais non remboursé, dans le traitement de l’embolie pulmonaire.
→ Une embolectomie peut être envisagée lorsque le pronostic vital est engagé.
→ L’oxygénothérapie peut être nécessaire pour limiter l’hypoxie.
→ En cas de thrombose veineuse profonde associée, le port de bas de compression de classe III est recommandé pendant deux ans.
→ En cas de récidive thromboembolique en dépit d’un traitement anticoagulant bien suivi, la pose d’un filtre cave (par voie jugulaire interne ou fémorale) peut être proposée.
Surveillance biologique des anticoagulants
→ Sous héparines non fractionnées (HNF), une NFS doit être régulièrement pratiquée pour rechercher une éventuelle thrombopénie et le TCA (test d’hémostase pour adapter les doses d’HNF) contrôlé quotidiennement.
→ Sous AVK, le patient doit bien contrôler son INR (une fois par mois minimum) et connaître son intervalle cible (entre 2 et 3 dans cette indication).
Conseils aux patients
→ S’assurer que le patient traité par AVK soit détenteur d’un carnet de suivi et participer à son information.
→ Concernant la conduite à tenir en cas d’oubli de prise de rivaroxaban (Xarelto) : en cas de schéma à deux prises par jour (cas du Xarelto 15 mg), le patient doit prendre immédiatement le comprimé de Xarelto oublié afin d’assurer une prise de 30 mg par jour (ou simultanément deux comprimés de 15 mg), puis poursuivre normalement le traitement dès le lendemain avec deux prises quotidiennes de 15 mg ; en cas de schéma à une prise par jour, le patient prend le comprimé sitôt l’oubli constaté et poursuit son traitement dès le lendemain.
→ Veiller à ce que le patient porte quotidiennement ses bas de compression et lui prodiguer des conseils pour les enfiler plus facilement. (technique par retournement, enfile-bas, etc.).