Orienter les aidants vers les soutiens - L'Infirmière Libérale Magazine n° 306 du 01/09/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 306 du 01/09/2014

 

Cahier de formation

Savoir faire

Vous vous rendez chez M. R., atteint de la maladie d’Alzheimer, pour refaire un pansement. Son épouse est épuisée.

Sa situation est préoccupante car, tout en étant consciente de ses limites dans son rôle d’aidant, elle refuse de devoir éventuellement envisager un hébergement adapté pour son mari. Il est nécessaire qu’elle fasse le point sur sa situation pour pouvoir trouver les solutions qui conviendront à tous. Vous lui dites que vous lui ramènerez des adresses utiles lors de votre prochaine visite.

L’AIDANT PRINCIPAL

Une enquête menée auprès des personnes malades et de leurs aidants familiaux en octobre 2009 par l’INPES(1) montre que 99 % des personnes qui assurent la prise en soins d’un malade Alzheimer sont des membres de la famille. L’aidant principal, c’est-à-dire le membre de l’entourage qui consacre le plus de temps aux soins et à l’accompagnement de la personne malade, est dans la majorité des cas le conjoint (62 %). Viennent ensuite les enfants (28 %), puis les autres membres de la famille. Comme le définit la Charte européenne de l’aidant familial, l’accompagnement au quotidien d’un proche atteint de la maladie d’Alzheimer peut prendre plusieurs formes : nursing, soins, accompagnement à la vie sociale et au maintien de l’autonomie, démarches administratives, coordination, vigilance permanente, soutien psychologique, communication, activités domestiques, etc. Cette aide régulière, prodiguée de façon permanente ou non, retentit de façon importante sur l’entourage proche tant sur le plan psychique que sur le plan affectif. Pour éviter l’épuisement physique et psychologique, l’infirmière peut inciter l’aidant à repérer les ressources extérieures existantes, autant dans l’environnement familial, amical et de voisinage, qu’auprès des professionnels spécialisés dans la prise en charge de la maladie (aide à domicile, structures d’accueil de jour…).

LES LIEUX DE LA PRISE EN CHARGE

Domicile

Les frais médicaux sont pris en charge à 100 % au titre de “l’ALD 15 maladie d’Alzheimer et autres démences”, mais les frais médico-sociaux, environ 90 % du coût total engendré par la maladie, restent pour une large part à la charge des familles (emploi d’une auxiliaire de vie, d’une aide-ménagère, des frais d’accueil de jour, des équipements pour le logement, des protections pour incontinence, etc)(2).

Les équipes spécialisées

Initiées par le Plan Alzheimer 2008-2012, les équipes spécialisées Alzheimer (ESA) sont composées de psychomotriciens ou ergothérapeutes et d’assistants de soins en gérontologie. Tous sont formés à la réadaptation, à la stimulation et à l’accompagnement des malades et de leur entourage pour une prise en charge adaptée à domicile. Les ESA interviennent sur prescription médicale dans le cadre des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) ou de services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad).

Les aidants

La souffrance psychologique de l’aidant, comme son isolement, est un facteur de risque de maltraitance du patient et une cause d’institutionnalisation autant que l’évolution de la maladie. La HAS recommande que des interventions soient proposées aux aidants pour mieux gérer la situation et la maladie (formation, groupe de soutien, soutien et accompagnement psychologique…). Ces interventions peuvent être proposées, entre autres, par les associations de familles, les Maia (Maison pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer), les ESA, les Clic, les services d’accueils de jour. En dépit de leur appellation, les Maia ne sont pas des structures physiques. Il s’agit d’un dispositif d’accueil, d’orientation et de coordination intégré au sein d’un Clic, d’un conseil général, d’un accueil de jour, d’une MDPH (Maison départementale pour les personnes handicapées), d’un hôpital ou encore d’une association France Alzheimer.

En cas d’épuisement ou en prévention de celui-ci, un hébergement temporaire du patient en structure d’accueil de jour permet de soulager les aidants.

Hébergement en institution

Par choix ou obligation

La décision d’un hébergement peut être envisagée sans qu’il y ait de nécessité absolue pour rompre l’isolement ou s’assurer de la permanence de sécurité, de soutien et de soins professionnels. Dans ce cas, la décision est un choix. Mais, la plupart du temps, la décision d’un “placement” en institution se prend après épuisement de toutes les solutions du maintien à domicile. Souvent lors d’un événement déclencheur (décès du conjoint, chute du patient isolé, etc.).

Certaines situations rendent le maintien à domicile impossible ou non souhaitable, par exemple lorsque :

→ l’état de la personne se dégrade fortement avec perte d’autonomie ;

→ son environnement ne répond plus à ses besoins (isolement, logement inadapté, manque d’aides à domicile…) ;

→ les aidants ont atteint leurs limites, ils sont “à bout”, ou ils ne savent plus comment s’occuper de leur proche. Il est parfois utile de conseiller l’aidant pour qu’il ne s’enferme pas dans des promesses impossibles de maintien à domicile “à tout prix”. L’Idel qui sent l’entourage en difficulté peut avertir elle-même le médecin qui devra engager une discussion qui peut être compliquée.

La préparation du transfert

Lorsque le transfert du patient dans les structures de longue durée est indispensable, il doit être préparé :

→ en évoquant cette question assez tôt avec le patient, tant qu’il peut lucidement faire des choix ;

→ en recherchant l’avis du malade, en respectant son choix, sauf s’il semble déraisonnable ;

→ en définissant clairement les objectifs de l’institutionnalisation.

Les structures d’accueil

Prévu par le plan Alzheimer 2008-2012, un accompagnement adapté est développé par les pôles d’activités et de soins adaptés (Pasa) et les unités d’hébergement renforcées (UHR) dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et les unités de soins de longue durée (USLD).

Ehpad

Ils peuvent être médicalisés ou non et spécialisés ou non dans la maladie d’Alzheimer. Pour un hébergement définitif, il convient de s’adresser à un Ehpad adapté à la maladie d’Alzheimer et à la prise en charge des patients jusqu’à la fin de leur vie. Les soins sont souvent assurés par le secteur libéral (médecin, infirmière, kinésithérapeute, orthophoniste). Le prix de l’hébergement reste le plus souvent entièrement à la charge de la famille.

USLD

Les unités de soins de longue durée prennent en charge les personnes atteintes de troubles cognitifs importants, « ayant perdu leur autonomie et dont l’état nécessite une surveillance et des soins médicaux constants » (article L 711-2 du Code de la Santé publique). Les soins sont pris en charge par la Sécurité sociale, à l’exception de certains soins spécifiques (dentaires, médecins libéraux spécialistes, etc.). L’hébergement reste à la charge de la famille. Par manque de places, les délais d’attente peuvent être longs(3).

SUIVI MÉDICAL DE L’AIDANT

« L’aidant naturel, très impliqué dans l’accompagnement de son proche souffrant d’une maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée, peut progressivement négliger son propre état de santé », avertit la HAS dans ses recommandations de 2010(4). La HAS recommande une consultation annuelle, un temps spécifique dédié à l’état de santé de l’aidant naturel. Cette consultation peut être effectuée par le médecin généraliste traitant la personne ayant une maladie d’Alzheimer. Elle a pour objectifs la prévention, la détection et la prise en charge des effets délétères sur sa santé que l’accompagnement peut induire. Ce suivi médical des aidants est recommandé à toutes les étapes de la maladie : l’annonce de la maladie, la prise en charge au domicile, l’entrée en institution, la fin de vie, la période de deuil si nécessaire.

L’INTÉRÊT DES LIENS INTERGÉNÉRATIONNELS

La maladie d’Alzheimer affecte significativement l’entourage familial. Elle bouleverse l’équilibre des rôles de chacun et déstructure souvent le schéma familial, avec des conséquences néfastes pour les proches comme pour la personne malade.

Face à la perte d’autonomie, les enfants prennent en charge leurs parents, et les petits-enfants, qui sont parfois tenus à l’écart dans l’intention de les protéger, ont tendance à s’éloigner de leurs grands-parents. Alors qu’il y a intérêt à favoriser les échanges intergénérationnels en associant les enfants et les adolescents à l’accompagnement de la personne malade, en tenant compte de leur âge, de leur capacité, et surtout de ce qu’ils souhaitent faire ou ne pas faire, sans les obliger. Les liens intergénérationnels doivent être encouragés. Ils permettent aux personnes malades de se “reconnecter” avec la vie sociale alors qu’elles ont plutôt tendance à s’éloigner du réel.

(1) “Enquête quantitative auprès de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et de leurs aidants familiaux”, Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), 2009.

(2) “Les aides sociales et financières”, Association France Alzheimer, 2012 (sur www.francealzheimer.org).

(3) Les structures de diagnostic, de coordination et d’accueil spécialisées dans la maladie d’Alzheimer sont répertoriées sur le site www.plan-alzheimer.gouv.fr, à la rubrique “Des acteurs près de chez vous”.

(4) “Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées : suivi médical des aidants naturels”, HAS, février 2010.

Point de vue

Repérer et rompre l’isolement de l’aidant

Danièle Gothié, coordinatrice à l’accueil de jour Alzheimer et de la Plateforme de répit pour les aidants familiaux du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze (Gard)

« Nous recevons des aidants en grande difficulté, surtout quand les troubles du comportement s’installent chez leur parent atteint de la maladie d’Alzheimer. Les infirmières libérales connaissent la situation à domicile, elles doivent inciter les aidants à ne pas rester seuls, à trouver des soutiens. Elles orientent d’ailleurs régulièrement des personnes vers la plateforme ouverte aux aidants familiaux. Nous prenons alors contact avec plusieurs membres de la famille, en essayant de solliciter le groupe pour soulager l’aidant principal. On encourage la présence des enfants ou des petits-enfants – mais pas en cas de comportements violents par exemple – en leur fournissant des ouvrages adaptés pour expliquer la maladie. Les situations et les demandes étant différentes pour chaque patient et chaque entourage, nous avons développé un large panel de propositions avec, entre autres, des ateliers. Une information sur la maladie est proposée dans les ateliers de sensibilisation sur différentes thématiques comme la nutrition, la sécurisation du domicile ou le dossier social. Dans les ateliers “humanitude”, des outils sont fournis pour améliorer la vie au domicile. Lors des ateliers pour “troubles liés à la vie quotidienne”, sont abordées les difficultés liées à la toilette. Des visites à domicile par une aide médico-psychologique qui organise des activités avec la personne malade permettent souvent de montrer à la famille des capacités sous-estimées du patient. Toutes les séances de la plateforme sont gratuites pour les aidants. »

Trouver de l’aide à proximité

L’annuaire national de la Fondation Médéric Alzheimer* présente, répertoriés par région, les dispositifs d’accompagnement et de prise en charge des personnes atteintes et d’aide aux aidants familiaux. Depuis sa création en 2004, cet annuaire est régulièrement mis à jour. À consulter sur www.annuaire-med-alz.org ou www.fondation-mederic-alzheimer.org.

* Fondation Médéric Alzheimer, 30 rue de Prony, 75017 Paris (01 56 79 17 91).