Stéphanie
« Il y a un peu plus de deux ans, le cabinet d’infirmières libérales pour lequel je travaille a pris en charge une patiente qui avait un début de maladie d’Alzheimer. Alors qu’auparavant nous ne venions que deux fois par semaine, son mari a souhaité que nous intervenions tous les jours pour faire les soins à son épouse. Son seul impératif était que nous venions chez eux entre 8 h 30 et 9 h 30, par commodité. Le problème est que l’une de mes collègues, qui est la propriétaire du cabinet, n’allait jamais chez eux avant 10 h 30. L’époux de la patiente a fait la remarque plusieurs fois et la situation a commencé à se dégrader. Ma collègue n’arrivait plus à le supporter et prenait mal tout ce qu’il lui disait, au point qu’il n’osait plus rien lui demander. Jusqu’au jour où la propriétaire du cabinet est allée voir le fils de ce monsieur pour se plaindre de lui et lui dire qu’elle ne souhaitait plus prendre en charge sa mère, alors qu’avec moi et l’autre infirmière collaboratrice, tout se passait bien. Face à cette situation, je me suis sentie totalement impuissante. Je suis retournée voir le couple et tous les deux m’ont dit qu’ils étaient très déçus que la situation soit allée aussi loin et qu’ils auraient aimé au moins pouvoir garder les autres infirmières du cabinet avec lesquelles la dispense de soins se déroulait bien. Ils reprochaient à l’autre infirmière d’avoir un ton autoritaire, de ne pas être flexible et de dispenser le soin trop rapidement et pas correctement. J’ai vu cette situation comme un fait accompli, et je n’ai pas su résoudre le problème. Car ma collègue est très sûre d’elle et quand elle a décidé de quelque chose, ce n’est pas autrement. Il m’arrive encore de recevoir des plaintes des autres patients qui lui reprochent de soigner trop vite. Mais ils n’osent pas lui parler, ils la craignent. Certaines patientes n’osent même pas lui demander de leur peigner les cheveux. C’est trivial. Cette situation me blesse énormément pour mes patients dépendants. Je trouve cela affreux. Jamais je ne pensais être confrontée un jour à de telles situations dans ma vie professionnelle. Quand j’en parle avec ma collègue, cela ne change rien. Pour elle, je suis trop gentille avec les patients, et trop faible… »
* Le prénom a été modifié.
Jean-Pierre Lacroix, vice- président du Ciss (Collectif interassociatif sur la santé)
« Cette situation est juste inadmissible. Le comportement de cette infirmière est illégal car elle a le devoir de soigner. Si, pour des raisons de convenances personnelles, elle refuse de soigner un patient, elle contrevient au droit de ce patient. Son comportement va à l’encontre de la mission du soignant. Certes, certains patients peuvent être caractériels, mais, dans ce cas précis, la demande du patient ne semble pas exorbitante. Ce dernier peut s’adresser au conseil de l’Ordre des infirmiers et au Ciss, et l’infirmière peut recevoir un avertissement de l’Ordre car elle fait de l’abus de droit, d’autant plus qu’elle ne donne pas la possibilité à ses collaboratrices d’intervenir. »