Une “hypothèse” qui suscite l’ire - L'Infirmière Libérale Magazine n° 306 du 01/09/2014 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 306 du 01/09/2014

 

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SANDRA MIGNOT  

DÉLÉGATION > En Franche-Comté, un projet d’accompagnement de fin de vie envisage de déléguer de nombreux soins techniques des infirmières aux aides-soignants.

L’Agence régionale de santé (ARS) de Franche-Comté travaille actuellement à la mise en place d’un dispositif de prise en charge de l’accompagnement de fin de vie qui a provoqué, en juillet dernier, l’ire de la Fédération nationale infirmière (FNI). L’idée est de mettre en place une délégation de tâches de l’IDE vers les aides-soignantes pendant la nuit. « Selon le projet [présenté en groupe de travail le 2 juillet dernier], ces dernières seront reliées par un smartphone à une infirmière qui se chargera à distance de leur dicter les actes techniques à réaliser, résume un communiqué de presse de la FNI. Il pourra s’agir de pansements de stomies ou d’escarres, de soins de sonde ou de trachéotomie, d’injections, des réglages de pompes, etc. » La FNI se dit scandalisée par un dispositif « qui porte atteinte à la dignité de la personne malade et déroge à la réglementation sur les actes de soins infirmiers qui garantit la qualité des prises en charge des patients ».

Déléguer sans recevoir ?

Nicolas Schinkel, élu à l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) et administrateur de la FNI dans le Doubs, précise : « C’était la deuxième réunion à laquelle je participais sur ce projet. La délégation de tâches avait été évoquée lors d’une première séance. Bien sûr, s’il s’agit de prendre la tension ou vérifier la respiration, pourquoi pas. Mais là, on parle désormais de soins techniques qui relèvent de notre décret de compétences. » L’enjeu est important pour la profession, qui souligne aussi qu’on lui demande de déléguer des actes, alors qu’elle-même peine à en recevoir de nouveaux. « Or, actuellement, il y a un refus total à notre égard de la part des médecins », remarque Daniel Guillerm, vice-président de la FNI.

L’ARS a tenté de relativiser les craintes en précisant dans une note aux rédactions qu’il s’agissait d’un travail exploratoire destiné à répondre au « fort besoin d’accompagnement autant que de soins pour une fin de vie à domicile » sans toutefois remettre en cause « le rôle essentiel des acteurs de santé de proximité, notamment le médecin traitant et les infirmières en exercice libéral ». L’ARS a également ajouté que la délégation de tâches n’était pour l’instant « qu’une hypothèse ».

« Au bulldozer »

« Mais ce que l’on nous a présenté était déjà très avancé », remarque Nicolas Schinkel. Des contacts auraient même déjà été pris avec des services de soins infirmiers à domicile employant des aides-soignants. Le projet s’inspire directement de ce qui se pratique aux États-Unis et au Canada. « Mais on ne peut pas simplement transposer cela ici, poursuit Nicolas Schinkel. Et puis, si on estime que l’aide-soignant peut pratiquer ces actes la nuit, pourquoi pas ensuite également le jour ? »

La FNI estime qu’avec ce projet, l’objectif des autorités sanitaires est « avant tout d’optimiser les dépenses hospitalières en organisant “entre soi” un schéma tout structuré sans que les principaux intéressés, les représentants des usagers et des professionnels de santé libéraux, aient été concertés sur la réalité du projet ». « Ils voulaient aller très vite, mais là, c’est vraiment au bulldozzer », note Daniel Guillerm. Une affaire à suivre en septembre, avec la reprise des réunions du groupe de travail.