L'infirmière Libérale Magazine n° 307 du 01/10/2014

 

ALLIER

Initiatives

Laure Martin  

La première fois qu’elle monte à cheval, Cathie Charlon est une petite fille. Vingt ans plus tard, cette cavalière de dressage ouvre, en parallèle à son activité d’infirmière libérale, sa société Equi&Spa, afin de dispenser des soins de thalassothérapie aux chevaux.

Les doigts parcourent la nuque pour un repérage des tensions musculaires. Puis vient l’heure de l’enveloppement aux algues pour finir la séance par un stretching. On pourrait se croire dans un centre de thalasso. À une différence près : ce ne sont pas des personnes qui bénéficient des soins, mais des chevaux !

Cela ne fait que quelques mois que Cathie s’est lancée dans cette aventure, mais son projet mûrit depuis quelques années déjà et s’est concrétisé à la suite d’un parcours bien organisé. « J’ai toujours eu un pied plus ou moins dans le secteur sanitaire et social en tant qu’animatrice pour enfant, animatrice équestre en colonie de vacances ou encore auxiliaire de vie en maison de retraite », se rappelle-t-elle. Finalement, Cathie décide de se lancer dans les soins infirmiers, afin notamment de pouvoir exercer un métier avec lequel il est facile de trouver du travail partout, car, à l’époque déjà, elle savait qu’elle partirait un jour ou l’autre de Lyon. Après ses trois années d’études, elle décide de travailler dans un centre hospitalier gériatrique de la ville, mais elle se tourne très vite vers son projet : acheter une ferme en pleine campagne.

Retour aux sources

Il y a quatre ans, Cathie trouve la ferme idéale à quelques kilomètres du petit village de Couleuvre, dans l’Allier. « J’en avais ras-le-bol de vivre en ville, j’avais besoin d’un retour aux sources. J’aime le calme, je suis une solitaire, et je voulais surtout pouvoir vivre avec mes chevaux. » Car Cathie voue une véritable passion pour les chevaux depuis son enfance. Pendant sa dernière année d’études en Ifsi, Cathie achète sa première jument, Vale Riane. « À l’origine, je l’ai achetée dans l’optique de faire de l’équithérapie. Pendant mes études, j’ai fait un stage dans un centre hospitalier psychiatrique où il existait une structure d’équithérapie, et cette pratique m’a vraiment plu. Mais, pour exercer, il aurait fallu que je refasse une formation en psychiatrie ; à la campagne, cela me semblait difficile. » Quelques mois plus tard, elle craque pour Looping, qui vit actuellement aux écuries de Ginçais, à Theneuille, à quelques kilomètres de chez elle, car « Looping a des problèmes de tendinites aux pieds et doit être sur un bon sol comme à l’écurie, chez moi il ne peut être qu’au pré », explique-t-elle. Puis elle adopte Johanna, une jument qu’elle a sauvée de la boucherie, via l’association de sauvetage pour équidés Galop pour la vie. « De 2010 à 2013, j’ai été déléguée régionale de l’association. J’assurais le suivi des chevaux adoptés dans la région en envoyant des bénévoles chez les nouveaux propriétaires afin de s’assurer que les chevaux étaient bien traités. Je faisais aussi partie de la cellule de maltraitance. Si les cas étaient graves, nous portions plainte, mais nous n’avions pas beaucoup de pouvoir. J’ai arrêté, car cela devenait lourd pour moi. » C’est dans ces circonstances que Cathie sauve Johanna, fortement handicapée. Afin de privilégier les soins non invasifs de confort et de bien-être, Cathie arrête de donner des anti-inflammatoires à sa jument et se tourne vers les soins naturels.

Spa pour chevaux

« Je me suis formée moi-même aux soins avec les algues pour Johanna, indique la cavalière. J’essaie de la soulager le plus naturellement possible avec de l’argile, des cataplasmes et des huiles essentielles. » Constatant des résultats concluants sur sa jument, Cathie décide de développer professionnellement cette nouvelle activité. « La thalasso pour les êtres humains existe depuis longtemps et montre de bons résultats, alors pourquoi pas pour les chevaux ? » Elle commence officiellement son activité Equi&Spa* en janvier 2014, et travaille avec une gamme de soins pour les chevaux, dont les produits, 100 % naturels, sont composés de boue et d’algues marines ou encore d’argiles. « Nous avons élaboré ensemble des protocoles en fonction des produits et des pathologies des chevaux. C’est un peu une déformation professionnelle liée à mon métier d’infirmière. » Mais les produits ne font pas tout. Même si, officiellement, le diplôme de massothérapeute équin n’existe pas, Cathie est allée se former en Normandie, aux côtés d’un professionnel qui pratique les massages aux pierres chaudes pour les équidés. « J’ai également observé un ostéopathe équin afin de m’initier au stretching pour l’étirement des muscles principaux et des articulations des chevaux. J’apprends des techniques que je mets ensuite en pratique sur mes chevaux. » Cathie dispense des soins de confort à ses chevaux et à ceux de l’écurie de Ginçais. Elle se déplace aussi chez les propriétaires, jusqu’à 100 kilomètres pour un cheval, et 250 à 300 kilomètres pour cinq, six chevaux, afin que les frais de déplacement soient partagés. « Quand j’estime que le problème du cheval relève d’un vétérinaire, d’un ostéopathe ou d’un dentiste, j’en informe les propriétaires, qui peuvent ensuite revenir me voir », précise-t-elle.

« On travaille avec nos mains »

Cathie est parvenue à organiser sa vie professionnelle de façon à se dégager du temps pour Equi&Spa. Infirmière remplaçante en libéral, elle exerce dans trois cabinets, et plus régulièrement dans celui situé à Lurcy-Levis. « Cela fait deux ans que j’y suis, les patients commencent enfin à me connaître. » Quand elle arrive à Couleuvre en 2011, elle commence par travailler dans une maison de retraite, mais ne souhaite pas poursuivre dans cette voie. « J’ai quitté l’institutionnel car je n’aimais pas les relations avec la direction. J’ai donc appelé tous les cabinets libéraux des environs, pour leur demander s’ils avaient besoin d’une remplaçante. » Après avoir débuté le métier en libéral relativement jeune, à 26 ans, Cathie aimerait désormais passer à l’étape suivante et intégrer un cabinet. « Au début, les patients disaient à mes collègues que j’étais trop autoritaire par rapport à mon manque d’expérience, que je m’imposais trop pour mon âge, se souvient-elle. J’ai dû faire mes preuves. » Le métier d’infirmière est une profession que « les gens estiment mais qui est aussi une source d’angoisse car nos gestes sont invasifs, nous faisons mal. Réaliser en parallèle les soins aux chevaux pour leur procurer du confort, les voir se détendre, cela me fait du bien ». Et d’ajouter : « Je suis très tactile, je peux facilement dire à quel endroit le cheval a des tensions. Je ne peux pas expliquer pourquoi ni comment. Cela vient peut-être de mon métier d’infirmière. On travaille avec nos mains, on développe un sens du toucher assez précis. »

Cathie effectue différents types de massages aux chevaux en fonction de leurs besoins : drainage lymphatique, détente musculaire, massage relaxant aux pierres chaudes, stretching, traitement des points de tension avec une huile de massage naturelle et anti-inflammatoire, algothérapie, argilothérapie, thermothérapie grâce à un solarium portatif ou encore cryothérapie. Elle propose également des conseils, en qualité d’infirmière, sur la cicatrisation des plaies, qu’elles soient aiguës ou chroniques. Et elle n’hésite pas à rajouter des huiles essentielles. Le premier à montrer les bienfaits d’un massage, c’est le cheval : quand les soins lui font du bien, il se laisse faire.

Conjuguer les deux activités

Cathie aimerait beaucoup pouvoir développer un projet de centre de soins, de remise en forme et de convalescence avec une écurie. « Il y a beaucoup d’éleveurs de chevaux de course dans la région, et de nombreux traitements médicamenteux sont considérés comme dopants dans le monde des courses. Certains propriétaires sont donc prêts à investir dans des soins naturels pour leurs chevaux. »

En France, moins d’une dizaine de personnes proposent, comme Cathie, ce type de soins aux chevaux. « J’essaie d’adopter une approche globale, à savoir le massage et la thalassothérapie, comme je le fais avec mon métier d’infirmière. » Pour le moment, elle ne peut pas vivre exclusivement de cette activité. « Je ne suis pas pressée car j’ai mon métier d’infirmière, ce qui me permet d’être sereine », conclut-elle en précisant que son idéal serait de pouvoir conjuguer les deux activités.

* Pour plus d’informations : www.equiandspa.com