L’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) se penche sur les nouveaux modes de collaboration pluriprofessionnelle développés par l’activité en maison de santé.
Une étude qualitative, menée auprès de quatre de ces établissements (au sein desquels dix Idels ont été interviewés sur 65 professionnels de santé) fait notamment apparaître ce que les chercheurs qualifient de « choc culturel », la rencontre entre une culture de l’exercice libéral, individuelle, monoprofessionnelle et soumise à l’appréciation de l’Assurance maladie, et une culture collective, pluriprofessionnelle, projetée sur un territoire et contractualisée avec les Agences régionales de santé. Elle met en évidence des bénéfices en termes d’échanges entre professionnels, de construction d’une confiance réciproque, d’élaboration d’actions collectives… Mais le tableau d’ensemble est loin d’être rose, et l’étude souligne au passage la grande variabilité des situations selon le professionnel porteur du projet ou le soutien apporté par les institutions nationales et régionales.
L’Irdes rapporte notamment les difficultés spécifiques que rencontrent les Idels dans l’intégration de ces dispositifs. Elle cite d’abord la faible autonomie par rapport au médecin prescripteur: « Lorsqu’un médecin fait appel à une infirmière, le diagnostic médical est presque toujours posé et le traitement prescrit d’une manière assez contraignante (…). À l’inverse, lorsqu’un médecin prescrit un autre professionnel de santé (…), il s’agit le plus souvent d’une simple orientation, le professionnel réalisant son propre bilan fondé sur son expertise professionnelle reconnue légalement. » Une limitation qui influerait sur la capacité des Idels à s’engager dans le travail pluriprofessionnel, sauf « fort soutien de la part des médecins ou très fortes personnalités du côté des infirmières ». Et qui expliquerait aussi le plus grand engouement des infirmières pour la protocolisation… En outre, le mode de rémunération des infirmières favoriserait la réalisation d’actes et de déplacements au domicile, leur laissant peu de temps pour s’engager dans l’élaboration des actions collectives, voire pour la simple présence dans la maison de santé pluridisciplinaire, au sein de laquelle, par ailleurs, les charges apparaissent importantes…
Enfin, les infirmières interrogées au cours de cette enquête ont souligné l’entrave que représentent des décrets et une nomenclature des actes trop restreints par rapport à l’ensemble de leur champs de compétences. Notamment, l’impossibilité de pouvoir offrir une véritable consultation infirmière ou de participer à des consultations conjointes avec un autre professionnel de santé est critiquée, même si des forfaits de rémunération sont expérimentés.
Autant de freins qui permettent de comprendre pourquoi les Idels envisagent leur participation aux maisons de santé – le territoire en compte 430 – plutôt comme un complément de leur activité rémunérée à l’acte, avec le surcroît de travail que cela suppose, plutôt qu’une substitution.