L'infirmière Libérale Magazine n° 307 du 01/10/2014

 

Syndrome douloureux

Cahier de formation

LE POINT SUR

Thierry Pennable  

Maladie handicapante, l’algodystrophie se caractérise par des douleurs des articulations, souvent à la suite d’un traumatisme. Les traitements visent surtout à limiter la douleur et les séquelles liées à l’enraidissement articulaire.

Définition

→ L’algodystrophie est un syndrome douloureux localisé autour d’une ou plusieurs articulations du même membre, fréquemment la main et le poignet, l’épaule, la hanche, le genou et la cheville. Elle associe une douleur continue, un enraidissement progressif et des troubles vasomoteurs (œdème, modifications de la coloration cutanée…).

→ L’algodystrophie s’installe le plus souvent à la suite d’un traumatisme (fracture, entorse) ou d’une intervention chirurgicale, mais parfois sans cause apparente. Elle touche l’adulte à tout âge avec une prédominance féminine (environ trois femmes pour un homme) et exceptionnellement l’enfant et l’adolescent.

Signes cliniques

L’algodystrophie évolue classiquement en deux phases, chaude puis froide, mais peut aussi se présenter sous forme d’une phase froide d’emblée, d’une phase chaude seule, ou alterner phases froides et chaudes.

La phase chaude

→ Cette phase inflammatoire s’accompagne d’un gonflement des tissus mous (œdème de la main et des doigts…) et d’une augmentation de la chaleur locale. De début souvent progressif, la phase chaude peut s’étendre sur quelques semaines jusqu’à plusieurs mois.

→ Elle s’accompagne de douleurs à type de brûlures (type inflammatoire), le plus souvent localisées sur une articulation. Les douleurs, intenses, continues (parfois nocturnes), spontanées ou provoquées, sont augmentées par la mobilisation du membre atteint ou par son appui sur un support.

La phase froide

→ Elle se caractérise par une diminution des phénomènes inflammatoires, une modification des caractéristiques de la douleur et des modifications des téguments, un refroidissement ; la peau devient sèche avec dépigmentation et dépilation possibles.

→ Bien qu’atténuées, les douleurs sont toujours présentes à la mobilisation du membre atteint. Les œdèmes diminuent et laissent place à des rétractions musculo-tendineuses à l’origine d’une raideur articulaire importante qui majore l’impotence fonctionnelle.

Évolution

Dans 90 % des cas, l’évolution est favorable vers la guérison, avec ou sans séquelles, en un ou deux ans. Certains patients conservent une douleur qu’ils ont appris à gérer et des séquelles fonctionnelles modérées plus liées au traumatisme qu’à l’algodystrophie. Dans les 5 à 10 % qui ne guérissent pas complètement, l’évolution est plus lente, sur plusieurs années. Certains patients conservent des douleurs, plus souvent des raideurs séquellaires de l’articulation concernée. De rares cas d’algodystrophies très sévères peuvent rester invalidants au-delà de deux ans.

Formes étiologiques identifiées

Dans 75 % des cas d’algodystrophie, une étiologie est retrouvée :

→ les traumatismes et/ou une intervention de chirurgie orthopédique sont à l’origine de plus de la moitié des cas, l’algodystrophie apparaissant dans les jours ou semaines suivant ;

→ les affections neurologiques : hémiplégie vasculaire, maladie de Parkinson, tétraplégie… ;

→ les affections médicales : ostéo-articulaires (arthrite), rhumastime inflammatoire, néoplasies, infections (zonas, panaris…), coronaropathie (algodystrophie de l’épaule gauche) ;

→ les algodystophies iatrogènes : barbituriques antiépileptiques (phénobarbital), anti-tuberculeux (isoniazide), antiprotéases (VIH) ;

→ la grossesse : de très rares cas d’algodystrophies de la hanche ont été décrits.

Formes idiopathiques

Dans 25 % des cas, les causes de l’algodystrophie ne sont pas identifiées*. Diabète, hypertriglycéridémie, hyperuricémie, éthylisme ou événement de vie perturbateur font partie des facteurs favorisants.

Diagnostic

Essentiellement clinique

Le diagnostic est souvent évident face à un tableau clinique typique. En cas de doute, les examens complémentaires permettent de confirmer le diagnostic et d’éliminer des diagnostics différentiels (arthrite, thrombophlébite, complications post-opératoires après une chirurgie orthopédique).

Examens complémentaires

→ La biologie est normale : aucune anomalie n’est identifiée. En particulier, il n’y a pas de syndrome inflammatoire.

→ La radiographie standard montre une déminéralisation osseuse trois à quatre semaines après le début de la pathologie.

→ La scintigraphie osseuse : elle montre une hyperfixation locorégionale en phase chaude. Ces anomalies sont très évocatrices mais non spécifiques de l’algodystrophie.

→ L’IRM est exceptionnellement utilisée.

Prise en charge

Aucun traitement médicamenteux spécifique n’existe. Le traitement symptomatique porte sur la douleur et la gêne fonctionnelle. L’implication du patient est un facteur d’efficacité.

Antalgiques

La douleur doit être contrôlée dès l’apparition des premiers signes pour permettre la conservation de la mobilité articulaire. Les traitements antalgiques associent souvent antalgiques périphériques et centraux. Les traitements des douleurs neuropathiques sont régulièrement indiqués dans l’algodystrophie. L’orientation du patient vers des centres anti-douleur est fréquente.

Repos

Le repos n’est pas le traitement, dans la mesure où le maintien d’une activité minimale est indispensable pour limiter les séquelles. En revanche, pendant la phase inflammatoire, le respect d’un repos relatif est nécessaire, en particulier pour les algodystrophies du membre inférieur (utilisation de canne, béquille…).

Rééducation précoce

Au décours de la phase initiale, si celle-ci est trop douloureuse, les mobilisations articulaires progressives doivent être instaurées rapidement en kinésithérapie pour récupérer un enraidissement qui commence à s’installer. Les exercices fonctionnels visent à réapprendre à utiliser ce membre. Il faut lutter contre “l’exclusion” du membre douloureux par un patient qui ne s’en servirait plus. Le travail en ergothérapie vise à récupérer très tôt la fonction par des activités finalisées. Des techniques spécifiques sont régulièrement proposées comme la balnéothérapie, la thérapie en miroir ou le travail en imagerie mentale.

Avec l’aimable participation du Pr Isabelle Laffont, responsable de l’équipe médicale de médecine physique et de réadaptation au CHRU de Montpellier (Hérault).

* “L’algodystrophie”, I. Laffont, E. Galano, C. Hérisson, J. Pélissier, Fédération de MPR Montpellier-Nîmes, 2011. Sur www.med.univ-montp1.fr

Le syndrome anxio-dépressif

La symptomatologie anxiodépressive souvent retrouvée dans l’algodystrophie n’est pas considérée comme un facteur déclenchant en soi. En revanche, le syndrome anxio-dépressif consécutif aux douleurs chroniques et à l’impotence doit être pris en compte car il abaisse chimiquement le seuil de tolérance à la douleur.

De quoi parle-t-on ?

Algodystrophie, “syndrome douloureux régional complexe” (SDRC) de type 1, algoneurodystrophie… Tous ces termes recouvrent une même entité médicale et sont de moins en moins distingués par les spécialistes qui retiennent généralement l’acronyme “SDRC de type 1” dans leur pratique médicale et leurs enseignements. Dans quasiment tous les cas, la douleur a une expression neuropathique à laquelle s’associe volontiers une composante nociceptive (douleurs déclenchées par les mobilisations des articulations concernées). La prise en charge médicale et le traitement sont les mêmes dans tous les cas.