Cahier de formation
Savoir
En France, 10 % de la population âgée de 11 à 75 ans a une consommation d’alcool excessive. Pourvoyeuse de nombreux maux sur le plan médical, familial et social, la maladie alcoolique nécessite une prise en charge pluridisciplinaire bienveillante. Son approche a évolué avec la classification DSM-5 et l’arrivée de nouveaux traitements. L’abstinence n’est plus la seule référence du dispositif de soins.
L’alcool (nom commun de l’éthanol) est à la fois un nutriment métabolisé par l’organisme et un aliment qui apporte des calories (1 gramme d’alcool correspond à 7 kcal) sous forme de graisse.
L’éthanol n’est pas digéré, il passe directement du tube digestif aux vaisseaux sanguins. À jeun, sa diffusion se fait en sept à huit minutes vers les organes très vascularisés (cerveau, poumons, foie) et sa concentration est maximale en 45 minutes. Lors d’un repas, la diffusion est plus lente et la concentration maximale en 90 minutes. L’éthanol est dégradé en acétaldéhyde par une enzyme appelée “alcool déshydrogénase” à raison de 80 à 100 mg d’alcool par heure et par kilo de poids.
La présence d’alcool dans le sang varie selon le sexe, le poids, la quantité d’alcool absorbée, la prise alimentaire, le temps d’ingestion et les capacités du corps à dégrader l’alcool. D’une manière générale, les personnes de petit poids et les femmes sont plus sensibles à l’alcool, car elles synthétisent moins d’alcool déshydrogénase. Le pic d’alcoolémie intervient donc plus tôt chez la femme. Par exemple, l’absorption de 3,5 unités d’alcool (1 UA correspond à 10 g d’alcool pur, voir schéma ci-dessous) chez un homme de 70 kg et une femme de 60 kg entraîne une alcoolémie de 0,71 g/l chez l’homme et de 0,97 g/l chez la femme.
L’alcool se dissipe dans l’organisme au rythme moyen de 0,15 g/l de sang par heure. Ainsi, à la suite de l’absorption de deux à trois verres de vin, ce qui représente une alcoolémie d’environ 0,6 g/l, il faudra quatre à cinq heures pour éliminer l’alcool en fonction de la personne. Au regard de la règlementation de l’alcoolémie au volant (0,5 g/l), il ne faudrait donc quasiment pas boire d’alcool si l’on doit conduire. D’autant qu’une diminution des réflexes est observée dès 0,3 g/l.
→ La mortalité attribuable à l’alcool en France en 2009 est estimée à 49 000 décès dont 36 500 chez les hommes et 12 500 chez les femmes
→ Bien que les études épidémiologiques montrent depuis 2002 une baisse de la proportion de buveurs quotidiens, cohérente avec la baisse des consommations moyennes d’alcool par habitant, les mésusages (lire le glossaire p. 42) persistent. Sur 8,8 millions d’usagers réguliers d’alcool en France, environ 5 millions sont des buveurs excessifs ayant un usage abusif à risque (10 % des 11 à 75 ans) susceptible d’évoluer vers un usage chronique nocif et l’alcoolo-dépendance, ce qui est le cas de près de 2 millions d’entre eux
→ Les hommes sont globalement 2,6 fois plus concernés par le risque d’alcoolo-dépendance que les femmes
→ Les intoxications éthyliques aiguës représentent de 3 à 5 % des passages en service d’urgence et de 5 à 10 % des hospitalisations
→ Les modalités de consommation montrent une évolution des comportements d’alcoolisation ponctuelle importante chez les jeunes et la banalisation des ivresses répétées (lire le point de vue du Dr Coscas page suivante). Les jeunes qui déclarent plus de dix ivresses régulières dans l’année sont passés de 8,6 % en 2008 à 10,5 % en 2011
→ La file active des personnes vues en ambulatoire pour un problème principal d’alcool dans les Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa, lire p. 45 dans la partie Savoir faire) a progressé d’un peu plus de 10 % entre 2006 et 2010.
→ En 2011, on évaluait à 470 000 le nombre de séjours hospitaliers associant un problème d’alcool au diagnostic principal.
→ En 2006, les tribunaux ont prononcé plus de 271 condamnations pour homicide involontaire sous l’emprise de l’alcool, et l’alcool était impliqué dans 28 % des cas de violences conjugales en région parisienne
L’alcoolisme est une maladie addictive d’origine neurobiologique consécutive à un dysfonctionnement cérébral qui génère une perte totale de contrôle et une incapacité de s’abstenir de consommer. À la suite de la publication du DSM-5 en 2013
Contrairement au cannabis, à l’héroïne ou à la cocaïne, l’éthanol n’a pas de cibles moléculaires spécifiques dans le cerveau
La dépendance induite par les mécanismes d’action de l’alcool sur le cerveau est à la fois physique et psychique. Elle se caractérise par la présence d’au moins six des onze symptômes de la classification DSM-5 (cf. encadré page précédente) et se traduit physiquement par un syndrome de sevrage (lire le glossaire p. 42) à l’arrêt brutal de la consommation d’alcool qui peut évoluer vers deux complications : la crise d’épilepsie et le delirium tremens (lire le glossaire p. 42). Sur le plan psychologique, la privation du produit entraîne une sensation de malaise, d’angoisse, allant parfois jusqu’à la dépression. Pour se sentir mieux, la personne ressent la nécessité de consommer, ce qui induit un besoin irrésistible de boire, une perte totale de contrôle, mais aussi une tolérance (lire le glossaire p. 42) nécessitant des quantités de plus en plus fréquentes et fortes pour obtenir les effets recherchés.
Plusieurs facteurs de vulnérabilité individuelle à la dépendance ont été identifiés : génétique, personnalité/ tempérament, consommation précoce, environnement familial et social
Bien que non spécifiques, des signes permettent, à l’examen clinique, de présumer du diagnostic d’alcoolisation chronique : varicosités faciales, injection conjonctivale, trémulation des extrémités et de la langue, hypersudation, parotidomégalie, démarche hésitante, troubles de l’humeur et du sommeil, troubles digestifs (épigastralgies, pituite, diarrhée motrice). Sur le plan biologique, les principaux marqueurs sont l’augmentation du volume globulaire moyen et de l’activité des gamma glutamyl transférases.
L’alcoolisation chronique engendre de nombreuses difficultés d’ordre relationnel, social, familial, conjugal et professionnel ainsi que des maladies souvent lourdes de conséquences. Le risque de maladies graves et de mortalité augmente au-delà de 2 UA par jour (20 g) et les risques de complications encourus sont au moins équivalents, que l’on boive quatre verres chaque jour ou vingt-huit à chaque fin de semaine
Une très forte dose d’alcool peut entraîner une baisse de la tension artérielle, de la fréquence respiratoire, de la température corporelle, une perte de connaissance et un coma éthylique potentiellement mortel nécessitant une hospitalisation en urgence. Inversement, l’arrêt brutal non médicalisé de l’alcoolisation peut être à l’origine de crises convulsives et de delirium tremens résultant d’un syndrome de sevrage qui évolue mal. Dans 20 % des cas, il entraîne la mort par déshydratation et troubles ioniques.
La toxicité de l’alcool affecte de nombreux organes digestifs (œsophage, estomac, intestin grêle et côlon, foie, pancréas), le système nerveux central et périphérique, le cœur, les os, la sphère ORL et gynécologique. Les maladies hépatiques sont les plus fréquentes et les neuropathies les plus redoutées. Les médecins craignent particulièrement la survenue d’un trouble de Korsakoff (souvent lié à des sevrages répétés non pris en charge médicalement) ou d’une neuropathie des membres inférieurs. Les atteintes neurologiques sont irréversibles et peuvent se traduire par des démences qui atteignent en général des sujets relativement jeunes. Elles sont très délicates à gérer car il n’existe aucune structure pour accueillir ces patients. La neuropathie des membres inférieurs provoque des troubles sensitifs au niveau des pieds qui gagnent le bas de la jambe, perturbent la marche et l’équilibre, et peuvent évoluer vers des troubles moteurs et musculaires sévères très handicapants plus ou moins bien stabilisés par une vitaminothérapie intramusculaire ou per os. Rarement régressive, cette pathologie peut, à son paroxysme, confiner le patient au fauteuil roulant. Enfin, les malades alcooliques présentent souvent des troubles ioniques car ils se nourrissent généralement très mal et sont souvent dénutris. Ils ont tendance à être immunodéprimés et plus sensibles aux infections pulmonaires en particulier.
L’alcool est tératogène. Le fœtus, incapable de le métaboliser, est directement exposé à ses effets neurotoxiques. Les perturbations chez le nouveau-né peuvent aller de troubles comportementaux mineurs à des anomalies sévères du développement se manifestant par un syndrome d’alcoolisation fœtale, estimé de 0,5 à 3 cas pour 1 000 naissances en France, et plus ou moins associé à :
→ un retard de croissance intra-utérin, une microcéphalie,un retard mental amenant à des problèmes d’apprentissage,
→ une dysmorphie crânio-faciale,
→ une disparition de la lèvre supérieure et un aplatissement du philtrum,
→ des malformations rénales, cardiaques, ophtalmiques.
Pour l’heure, devant l’incapacité d’évaluer le seuil en deçà duquel les risques pour le fœtus sont nuls, que ce soit en termes de dose ou de stade de la grossesse, toutes les recommandations affichent la même directive : aucun alcool pendant la grossesse. « Les soignants doivent encourager les femmes qui consomment de l’alcool à utiliser une contraception ou à s’engager dans un protocole de sevrage si elles sont enceintes, souligne Sarah Coscas, praticien hospitalier. Dans ce cas, elles constituent l’une des seules urgences en addictologie et peuvent être immédiatement admises dans un programme de sevrage si elles en font la demande. »
Sans remettre en question les conférences de consensus de 1999 et 2001
→ le sevrage physique suivi d’une abstinence,
→ le sevrage physique suivi d’une consommation contrôlée,
→ la prise en charge psychosociale destinée à consolider l’abstinence par le sevrage psychologique.
Le patient et le médecin définissent ensemble l’objectif en fonction du contexte et de ce que le patient se sent capable de faire.
Il est mis en place à la demande du patient ou proposé lorsque son degré de motivation le permet ou son état de santé l’exige. Il permet de rompre définitivement avec les comportements antérieurs et les habitudes d’alcoolisation et peut être réalisé en hospitalisation ou en ambulatoire selon les patients.
Il est recommandé en cas de dépendance physique sévère, d’antécédents de delirium tremens, de crise convulsive généralisée, de problèmes somatiques, psychiatriques ou socio-environnementaux patents, et de polyaddictions. Réalisé entre sept et dix jours selon les patients, le sevrage institutionnel repose sur le protocole suivant :
→ prescription de benzodiazépines pour lutter contre l’hyperexcitabilité cérébrale liée à l’arrêt de l’alcool : diazépam (Valium) ou oxazépam (Séresta). Dans certaines indications (insuffisance hépatique, plus de 60 ans, femme enceinte), le Séresta est préféré au Valium, car il est métabolisé par les reins. Sauf cas particulier, l’induction des benzodiazépines n’est réalisée que si le patient a une alcoolémie inférieure à 0,25 (risque de détresse respiratoire) ;
→ hydratation massive (2, 3 litres par jour) pendant les trois premiers jours ;
→ prescription systématique de Thiamine (vitamine B1) per os ou intramusculaire en prévention de troubles neurologiques ou cardiaques par carence en thiamine ;
→ supplémentation systématique en vitamines B6, PP (Nicobion) et en folates (Spéciafoldine) si carence en fer.
Dans de nombreux services, les patients sont reçus en entretien infirmier puis médical préalablement à la mise en place du traitement afin de réaliser un bilan complet somatique et psychiatrique. Le score de Cushman
Cette option post-sevrage physique en hôpital de jour, d’une durée minimale d’un mois et en moyenne de trois mois, est proposée pour consolider l’abstinence des patients particulièrement fragiles. Elle permet une transition progressive et moins anxiogène entre l’hôpital et la “vraie vie”. Accueillis de 9 h 30 à 16 h 30 en semaine, les patients réapprennent à gérer leur temps sans l’alcool et retrouvent progressivement un rythme de vie, des obligations et l’envie de prendre soin d’eux-mêmes. C’est une étape de resocialisation et un tremplin vers l’autonomie.
Les rechutes peuvent faire partie du processus évolutif normal de l’alcoolo-dépendance. Plusieurs traitements sont disponibles et peuvent être proposés aux patients en prévention du risque de rechute si l’objectif est l’abstinence – acamprosate (Aotal), naltrexone (Révia), disulfiram (Espéral) – ou en vue d’accompagner le patient dans une consommation contrôlée – nalméfène (Selincro), baclofène – si tel est son souhait.
→ Prérequis : le sevrage ambulatoire ne peut être mis en place que si le patient ne présente aucune des contre-indications détaillées dans la conférences de consensus (maladies somatiques aiguës en cours de traitement, comorbidités psychiatriques, addictions comorbides…). Compte tenu de ces critères d’exclusion, les patients susceptibles de bénéficier d’un sevrage ambulatoire sont en relative bonne santé. Le patient doit se déplacer à pied ou par les transports en commun car l’usage d’un véhicule est proscrit en raison de la prescription des benzodiazépines à haute dose.
→ Par qui : il peut être réalisé par un Csapa ou par un médecin généraliste en lien avec une Idel pour les intramusculaires de vitamine B1.
→ Bilan : un bilan biologique (numération formule sanguine, dosage des gamma glutamyl transférases, transaminases aspartate aminotransférase et alanine aminotransférase, taux de prothrombine) est réalisé avant induction du traitement afin de vérifier la fonction hépatique.
→ Principe : le protocole thérapeutique est le même qu’à l’hôpital mais présente l’avantage de maintenir le patient dans la vie sociale. L’apprentissage de l’abstinence est à la fois plus délicat (le patient reste confronté aux sollicitations extérieures), plus souple (il peut poursuivre sa vie professionnelle ou s’occuper de ses enfants) et moins anxiogène.
→ Suivi : une surveillance rapprochée est indispensable. En Csapa, la première semaine, les patients sont vus en consultation infirmière, deux fois par jour les trois premiers jours puis une fois par jour les deux jours suivants. Ils peuvent contacter l’infirmière à tout moment par téléphone entre 8 heures et 21 heures. Chaque consultation fait l’objet d’un contrôle à l’éthylomètre et d’une évaluation clinique du syndrome de sevrage à l’aide du score de Cushman pour adapter le traitement. Si le score est supérieur à 12, le patient est hospitalisé. La deuxième semaine, les patients sont vus trois fois, en début, milieu et fin de semaine.
« Le soutien psychologique est le fondement de la prise en charge de toute personne en difficulté avec l’alcool » (conférence de consensus 2001). Il s’avère toutefois beaucoup plus long et plus complexe que le sevrage physique. Durant la cure, une psychothérapie de soutien est proposée car, lorsque celle-ci n’est pas déjà mise en œuvre, il est difficile d’engager une psychothérapie active. Parallèlement, un travail motivationnel est engagé par les psychologues et les infirmières dans le cadre des séances de thérapies cognitivo-comportementales ayant pour but de faire naître chez les patients l’idée d’un changement, voire d’une rupture possible avec les comportements antérieurs
À l’issue du sevrage physique en institution comme en ambulatoire, le maintien de l’abstinence (ou la gestion contrôlée de la consommation) est discuté et le traitement de l’après-sevrage adapté au choix du patient.
Le soutien thérapeutique de l’abstinence repose sur l’acamprosate (Aotal) qui diminue le craving et la naltrexone (Révia) qui réduit l’effet récompense de l’alcool. Le disulfiram (Espéral), prescrit pour son action antabuse (médicament “punition”), est le plus vieux médicament et aussi celui qui répond le moins à la dynamique actuelle du patient acteur de sa prise en charge.
Sortir de la dépendance sans se priver totalement de consommer de l’alcool, telle est la promesse des nouveaux traitements disposant depuis peu d’une autorisation de prescription dans cette indication. C’est le cas du nalméfène (Selincro) dont l’inscription au remboursement a été publiée au Journal officiel le 19 septembre. C’est aussi le cas du baclofène, actuellement en cours d’essais cliniques (études Bacloville et Alpadir) et qui bénéficie, dans l’attente des résultats, d’une recommandation temporaire d’utilisation pour trois ans (lire encadré p. 40) depuis le 17 mars 2014 et d’une prise en charge par l’Assurance maladie depuis le 13 juin dans le traitement de l’alcoolo-dépendance. Si ces deux médicaments ont le même objectif, leurs modalités de prescription sont très différentes : le nalméfène peut se prendre de manière intermittente au moment où le patient ressent le besoin d’alcool, contrairement au baclofène dont la prise doit être progressive (pour juguler ses effets secondaires) et continue jusqu’à l’obtention de la dose qui rend le patient indifférent à l’alcool. Dans les deux cas, la diminution, voire l’arrêt, du traitement peut être envisagé dès lors que l’indifférence s’installe sans effort de volonté pénible pour le patient.
(1) Bulletin épidémiologique hebdomadaire, InVS, 16, 17, 18 mai 2013.
(2) “Alcool et santé : Bilan et perspectives”, Pr Mickaël Naassila, équipe Inserm ERI 24?Groupe de recherche sur l’alcool & les pharmacodépendances, juin 2011. Sur le site de l’Inserm (raccourci : bit.ly/1oHoc37).
(3) “Intoxications éthyliques aiguës”, Dr P. Menecier et coll., Alcoologie et Addictologie, 2012 ; 34 (2) : 105-112.
(4) Observatoire français des drogues et des toxicomanies, Drogues et addictions, données essentielles, 2013 (www.ofdt.fr).
(5) Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), Association américaine de psychiatrie, 5e édition, 2013.
(6) Intervention sur le DSM-5 du Dr Alain Rigaux aux Journées de la Société française d’alcoologie, 21 mars 2013 (bit.ly/1uCOGHO).
(7) L’alcool, moi et les autres, Jérôme Hoessler, éditions Springer 132 p., 2009.
(8) Alcool – Dommages sociaux, abus et dépendance, expertise collective, Inserm, 2003.
(9) “Objectifs, indications et modalités du sevrage du patient alcoolo-dépendant”, Anaes, mars 1999, et “Modalités de l’accompagnement du sujet alcoolo-dépendant après un sevrage”, Anaes-SFA, 2001, sur le site de la HAS (respectivement via bit.ly/1o0DkJl et bit.ly/1o0Dtg7).
(10) “Alcoolodépendance : impliquer le patient dans le choix de sa prise en charge”, Dr Martine André, Le Quotidien du médecin, 19 juin 2014.
(12) “Les outils de l’approche psychothérapique”, Dr Dominique Triviaux, Le Quotidien du médecin, 19 juin 2014.
L’unité d’alcool (UA), qui correspond à 10 g d’alcool pur, permet d’évaluer la quantité d’alcool contenue dans un verre ou une bouteille. L’UA permet d’estimer sa propre consommation et de la comparer aux normes fixées par l’Organisation mondiale de la santé :
– pas plus de 14 verres d’alcool par semaine pour une femme et 21 verres d’alcool par semaine pour un homme ;
– un jour sans alcool par semaine ;
– pas plus de 4 verres lors d’une réunion festive ;
– pas d’alcool pendant la grossesse, en cas de prise de médicaments, en cas d’épilepsie, maladies du foie ou lorsque l’on conduit.
L’addiction à une substance est caractérisée par la présence d’au moins deux des manifestations suivantes sur une période d’un an.
1. Consommation importante ou sur une période plus longue que prévue.
2. Désirs persistants ou efforts infructueux pour diminuer ou contrôler l’utilisation de la substance.
3. Beaucoup de temps passé pour obtenir, consommer ou récupérer des effets de la substance.
4. Craving (lire le glossaire).
5. Incapacité de remplir des obligations majeures (travail, études, enfant) consécutive à l’usage du produit.
6. Persistance d’usage malgré les problèmes interpersonnels et sociaux causés ou exacerbés par les effets du produit.
7. Abandon des activités sociales, occupationnelles ou récréatives.
8. Utilisation du produit dans des situations dangereuses (conduite automobile, manipulation d’engins malgré l’altération des capacités par la substance).
9. Utilisation poursuivie consciemment malgré des troubles physiques ou psychiques dont la personne sait qu’ils sont causés par le produit.
10. Tolérance (lire le glossaire).
11. Syndrome de sevrage (lire le glossaire).
Interprétation : addiction légère si deux, trois symptômes ; modérée si quatre, cinq symptômes ; sévère au-delà.
Source : “Addiction à une substance : critères DSM-5”, sur www.addictauvergne.fr (raccourci : bit.ly/1u5D0iy).
Dr Sarah Coscas, praticien hospitalier au Centre d’enseignement, de recherche et de traitement des addictions, Pôle neurosciences de l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif (AP-HP)
« Binge drinking, neknomination : ces nouvelles pratiques d’alcoolisation ponctuelle importante, qui incitent les jeunes à “s’alcooliser” de manière rapide et massive, sont de plus en plus fréquentes. Elles sont favorisées par les premix et autres alcopops, mais aussi par l’accès facile aux alcools forts, malgré la règlementation qui en interdit la vente aux mineurs.
Il est important que les soignants, à l’école, à domicile comme à l’hôpital, soient vigilants. C’est loin d’être simple car on a peu de leviers pour faire prendre conscience des risques à ces jeunes. Ils ne veulent pas savoir, ils ne se sentent pas concernés et se moquent que l’alcool constitue la deuxième cause de décès évitable et la première cause de mortalité des 15-24 ans. Ils sont dans la découverte et s’enorgueillissent presque d’avoir eu la gueule de bois car c’est la preuve qu’ils ont bu et qu’ils ont observé les codes d’appartenance au groupe. Le soignant doit être à l’écoute, comprendre en quoi cette recherche de sensations peut être le reflet d’un mal-être qui, sous couvert de faire comme les copains, conduit à la “défonce” pour se sentir bien, se distinguer, avoir le sentiment d’exister et d’être quelqu’un. Il doit amener le jeune à s’interroger : “Qu’est-ce que j’aime dans ces pratiques et qu’est-ce que je n’aime pas ?” Surtout, il ne doit pas rester indifférent. Quoi qu’il fasse ou dise, ce sera toujours mieux que de ne rien faire. »
L’Agence nationale de sécurité du médicament a considéré que le rapport bénéfice/ risque du baclofène permettait d’instituer une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) inédite pour les spécialités pharmaceutiques per os contenant du baclofène (Lioresal 10 mg, comprimé sécable ; Baclofène Zentiva 10 mg, comprimé), dans l’indication “alcoolodépendance en échec thérapeutique” et dans un cadre de prescription précis (progression posologique, demande d’avis auprès de spécialistes ou d’un Csapa si la dose dépasse 120 mg, contre-indications formelles, surveillance rapprochée) (lire aussi dans nos actualités p. 23, et notre n° 305 de juillet/août, p. 23), afin de maîtriser les effets secondaires :
→ insomnie nocturne possiblement associée à des phases d’excitation mentale très pénibles notamment lorsque l’addiction masque des troubles psychiques ;
→ somnolence diurne : bien informer les patients sur les précautions à prendre, notamment au niveau de la conduit ;
→ acouphènes souvent intolérables et impossibles à juguler ;
→ énurésies nocturnes très gênantes mais peu fréquentes.
Le baclofène peut révéler des syndromes d’apnée du sommeil qu’il faudra appareiller dans le cas où le patient souhaite poursuivre son traitement.
Brigitte et Alexandre, membres abstinents actifs des Alcooliques anonymes (AA)
« En général, les personnes alcooliques prennent contact avec le mouvement d’entraide à la sortie d’une cure pour consolider leur abstinence grâce au partage avec les autres AA car elles ont peur de ne pas y parvenir seules. D’autres viennent avant même d’avoir vu un médecin. Les AA sont organisés en groupes (600 en France) qui animent des réunions hebdomadaires voire pluri-hebdomadaires auxquelles les malades alcooliques peuvent se rendre librement sans engagement d’aucune sorte et sans aucun frein ni aucune contrainte. Les AA sont joignables par téléphone et un système de parrainage personnalisé peut être mis en place permettant à tout moment d’avoir un ami à qui parler lorsque l’on se sent mal. De jour comme de nuit, il y a quelqu’un au bout du fil. Le fait d’être confronté à des personnes qui ont vécu exactement la même chose, qui comprennent sans juger mais auxquelles on ne peut pas mentir sous peine d’être démasqué est très bénéfique. Nous animons aussi des permanences dans les établissements de soins et les centres de cure qui acceptent de nous accueillir afin d’offrir aux malades alcooliques la possibilité de nous contacter à leur sortie. Nos actions sont complémentaires les unes des autres. Toutes les histoires sont différentes et nous considérons le corps médical comme un recours naturel et le premier interlocuteur à conseiller pour faciliter le sevrage physique et bénéficier d’un suivi psychologique ».
Mésusages : selon les recommandations pour la pratique clinique de la Société française d’alcoologie, les mésusages comprennent :
→ l’usage à risque : consommation supérieure aux seuils proposés par l’OMS non encore associée à un quelconque dommage médical, physique ou social, mais susceptible d’en induire à court, moyen ou long terme ;
→ l’usage nocif : alcoolisation caractérisée par l’existence d’au moins un dommage d’ordre médical, psychique ou social, sans dépendance ;
→ l’alcoolo-dépendance : alcoolisation caractérisée par une perte de la maîtrise de sa consommation.
Craving : envie irrépressible de consommer de l’alcool.
Syndrome de manque (ou de sevrage) : ensemble de troubles somatiques (tremblements voire trémulations, sueurs, nausées, vomissements, douleurs, diarrhée, anorexie, insomnie, tachycardie) consécutifs à la suppression brusque du toxique.
Delirium tremens : état paroxystique du manque d’alcool caractérisé par des tremblements des membres accompagnés d’un état fiévreux, d’hallucinations visuelles et sonores angoissantes, et de pertes de conscience.
Tolérance : accoutumance de l’organisme au produit se traduisant par la nécessité d’augmenter la dose pour obtenir l’effet recherché ou le fait de ne rien ressentir à une dose donnée.
Binge drinking : alcoolisation équivalente à cinq verres ou plus pour les hommes et quatre verres ou plus pour les femmes en une seule occasion.
Neknomination : issu de l’expression « to neck a drink », c’est-à-dire « boire cul sec ». Défi lancé sur les réseaux sociaux pour inciter les internautes connectés à se filmer en buvant un (ou des) grand (s) verre (s) d’alcool cul sec.
Premix/alcopops : boissons à base d’alcool (bière, vodka, whisky…) additionné de sucres et d’arômes.