B.J. : C’est une victoire pour les malades alcooliques. Pour autant, l’autorisation nécessaire d’un “spécialiste” est requise pour augmenter la dose au-dessus de 120 mg par jour. Mais qui peut prétendre être “baclofénologue” aujourd’hui ? Les alcoologues qui n’ont aucun recul d’utilisation ? Cela risque de dissuader des généralistes et de freiner l’accès au traitement. C’est la raison pour laquelle nous proposons des formations et des conférences pour les généralistes.
B.J. : Ma plus haute prescription a atteint 480 mg, alors que certains médecins atteignent 700 à 800 mg. Je n’étais pas très enclin à dépasser le cap des 300 mg. Mon patient, infirmier, m’a dit : “Si je ne prends pas ce traitement de la dernière chance, je suis mort.” Certains patients guérissent en trois mois avec des doses faibles, tandis que d’autres ont besoin de doses massives et que d’autres encore avec des doses intermédiaires abandonnent à cause des effets indésirables gênants mais pas dangereux. Mes confrères et moi-même n’avons pas pris le risque de prescrire des hautes doses sans nous être assurés auprès des neurologues (qui disposent d’un recul de plus de quarante ans sur des doses allant jusqu’à 300 mg en perfusion chez des enfants) que nous ne faisions courir aucun risque à nos patients.
B. J. : Cela a été une expérience professionnelle extraordinaire, car je ne me trouvais plus dans une relation soignant/soigné, mais dans une véritable collaboration, un travail d’équipe, avec les patients. J’avais mis en place un contrat moral écrit non signé pour matérialiser cet engagement réciproque, contrat que j’utilise toujours, bien que je prescrive désormais dans un cadre autorisé. Pendant les études de médecine, on nous ressasse sans cesse que l’alcoolisme est un vice, et les alcooliques des menteurs, des dissimulateurs, des voleurs… Ce que j’ai appris, c’est que l’alcoolisme est une maladie, et les alcooliques des malades que le baclofène peut guérir dans au moins deux tiers des cas, en leur permettant de passer de l’abstinence à l’indifférence confortable. En rendant l’espoir aux malades… et aux médecins, le baclofène a libéré la parole des patients et nous a redonné à nous, soignants, une capacité d’écoute et de parole que nous avions souvent perdue depuis longtemps.
À lire, notre cahier de formation sur la prise en charge de l’alcoolisme, p. 35.