NOUVEAU DISPOSITIF
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L’ordonnance 2014-326 du 12 mars 2014, entrée en vigueur le 1er juillet, a institué une nouvelle procédure : le rétablissement professionnel (articles L645-1 et suivants du Code de Commerce). Il doit permettre aux professionnels n’ayant pas de salarié et disposant d’un actif inférieur à 5 000 euros de voir s’effacer leurs dettes et donc de pouvoir rebondir. Mais à quelles conditions ?
Environ 60 000 procédures sont ouvertes chaque année à l’encontre d’entreprises en difficulté. Environ 30 000 entreprises en liquidation judiciaire ne peuvent même pas payer l’honoraire minimum dû au liquidateur fixé par décret à 1 500 euros. Et parmi ces dernières, 20 000 n’ont aucun salarié. La Commission européenne a récemment recommandé aux États membres de l’Union européenne de laisser aux entrepreneurs de bonne foi une seconde chance et de leur permettre de rébondir le plus rapidement possible. L’État français a œuvré en ce sens.
Cette nouvelle procédure est destinée aux entrepreneurs individuels, personnes physiques exerçant une activité commerciale, artisanale, agricole ou une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale. Les infirmières libérales endettées peuvent donc en bénéficier à condition de ne pas exercer en société. Ne peuvent y prétendre les personnes physiques qui ont affecté à leur activité professionnelle un patrimoine séparé de leur patrimoine personnel.
→ La professionnelle doit être en état de cessation des paiements, c’est-à-dire ne plus pouvoir faire face à son passif exigible avec l’actif qui est à sa disposition. Et son redressement doit apparaître comme manifestement impossible. Elle ne doit pas avoir employé de salarié au cours des six derniers mois précédant la date à laquelle le tribunal statuera sur la demande de rétablissement professionnel. Il ne doit pas non plus exister de procédure prud’homale en cours avec un ancien salarié. Toute créance salariale impayée fera obstacle à ce type de procédure.
→ L’actif ne devra pas dépasser 5 000 euros. La question peut se poser de savoir si un entrepreneur qui aurait déclaré son bien immobilier, seul actif, insaississable, pourrait demander à bénéficier de cette procédure. Cette déclaration est certes opposable au liquidateur mais cependant un actif existerait. La jurisprudence tranchera.
→ Le professionnel ne doit pas être en état de « récidive ». L’article L645-2 du Code de Commerce exclut en effet du bénéfice du rétablissement professionnel tout débiteur « qui a fait l’objet depuis moins de cinq ans, au titre de l’un quelconque de ses patrimoines, d’une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif ou d’une décision de clôture d’une procédure de rétablissement professionnel ». Cette procédure n’a pas pour objectif d’exonérer les “débiteurs professionnels” du paiement de leurs dettes !
Seul le débiteur peut demander à bénéficier de la procédure de rétablissement professionnel. En effet, au stade de la demande, il est le seul à savoir s’il remplit les conditions de l’ouverture d’une telle procédure, notamment celle relative au montant de son actif. Ses dires seront bien entendu ultérieurement vérifiés.
Le débiteur devra s’adresser au tribunal. S’agissant des professionnels libéraux, le tribunal compétent sera le tribunal de grande instance du lieu de l’adresse de leur cabinet. Le ministère public sera saisi pour qu’il donne son avis sur la demande. Le tribunal désignera un juge et un mandataire judiciaire pour effectuer une enquête sur la situation patrimoniale du débiteur, notamment sur l’étendue de son passif et sur le montant de son actif. La durée de la procédure est fixée à une période de quatre mois. Le juge commis pourra obtenir des informations sur la situation économique, financière, sociale et patrimoniale du débiteur, notamment auprès des administrations et organisations publics, des organismes de prévoyance et de Sécurité sociale ou encore des établissements de crédits ainsi que des notaires. Il les communiquera au mandataire judiciaire qui pourra, de son côté, obtenir des informations dans les communications que feront les créanciers.
Le débiteur devra donner avec le plus de précisions possible la liste de ses créanciers, leurs noms et coordonnées et le montant de ses dettes. Le mandataire judiciaire désigné par le tribunal informera les créanciers de l’existence de la procédure et les invitera à lui communiquer, dans un délai de deux mois, le montant de leurs créances avec les dates d’échéance ainsi que l’existence de tout droit patrimonial revendiqué à l’égard du débiteur. Aucune sanction n’est prévue en cas de défaut de déclaration.
Contrairement à ce qui se passe dans le cadre d’une liquidation judiciaire, le débiteur d’un rétablissement professionnel n’est pas dessaisi, il garde le pouvoir de gérer et de disposer de ses biens. Il a dû apparaître au législateur que le risque n’était pas grand, compte tenu du montant de l’actif du débiteur qui demandera un rétablissement professionnel (moins de 5 000 euros, pour rappel). Pendant la procédure de rétablissement, le débiteur pourra faire des paiements à ses créanciers et ces derniers pourront le poursuivre pour obtenir le règlement de ses dettes. Toutefois, le juge pourra décider le report de quatre mois du paiement des créanciers. Il pourra également ordonner la suspension, pendant une durée de quatre mois, des procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Bien entendu, cette dernière hypothèse suppose qu’il existe des actifs malgré ce qu’a pu déclarer le débiteur. Dans un tel cas, la procédure de rétablissement professionnel ne pourra être poursuivie et une liquidation judiciaire sera ouverte à l’encontre du débiteur.
→ Le tribunal statue après avoir recueilli l’avis du ministère public et sur le rapport du mandataire judiciaire. Un recours est possible contre ce jugement. Si tout se passe bien, ce qui devrait être le cas le plus souvent, la procédure sera clôturée « sans qu’il y ait lieu à liquidation » (Code de Commerce, article L645-10). A priori, dès lors que toutes les conditions seraient remplies, le tribunal ne serait pas en mesure de pouvoir rejeter la demande.
→ Dans le cas où il s’avèrerait que le débiteur n’est pas de bonne foi ou que les conditions d’ouverture ne sont pas réunies, une liquidation judicaire sera ouverte.
→ Le principal intérêt d’un rétablissement professionnel est que le jugement de clôture du rétablissement professionnel entraîne l’effacement des dettes. Il s’agit là d’une solution comparable à celle prévue par la procédure de rétablissement applicable aux consommateurs. Les dettes effacées sont mentionnées dans la décision de clôture, ce qui permettra au créancier d’attester de l’irrecouvrabilité de sa créance.
Les dettes effacées pourront être professionnelles ou non. Ne seront concernées que les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture du rétablissement professionnel, qui ont été portées à la connaissance du juge commis et qui ont fait l’objet de l’information par le mandataire judiciaire. A contrario, les créances nées après le jugement d’ouverture ne seront pas effacées, pas plus que celles que le créancier aurait omis de mentionner. D’où l’intérêt de ne pas en oublier. Toutefois, certaines créances ne pourront pas faire l’objet d’un effacement. Il s’agit tout d’abord des créances alimentaires (pensions alimentaires par exemple), des créances trouvant leur origine dans une infraction (amende, dommages et intérêts en réparation d’un préjudice). Échappent également à l’effacement les créances des personnes qui ont payé à la place du débiteur (par exemple les garants).