L'infirmière Libérale Magazine n° 308 du 01/11/2014

 

DOULEUR

Actualité

MARIE-CAPUCINE DISS  

INTERVIEW > Ancienne cadre supérieure de santé, formatrice, Pascale Thibault présente ici en avant-première des résultats d’une pré-enquête portant sur les Idels et la douleur.

L’ILM : Comment avez-vous procédé pour cette enquête ?

Pascale Thibault : Depuis 2011, je demande aux Idels que je forme si elles veulent bien répondre à un questionnaire, complété depuis 2013 par le test de connaissances du développement professionnel continu. J’ai interrogé au total une centaine de professionnelles, en régions Rhône- Alpes et Paca. Il s’agissait pour moi de voir comment ces professionnelles fonctionnaient avec la douleur. Cette enquête est le prélude à une étude plus approfondie, avec un panel plus large.

L’ILM : Quels éléments les plus marquants sont ressortis ?

P. T. : Les connaissances au sujet de la douleur et de sa complexité sont souvent trop restreintes. La majorité des Idels qui ont accepté de participer à l’enquête ignorent qu’il y a plusieurs types de douleurs, aux origines physiologiques différentes. Il y a, par exemple, une importante méconnaissance des douleurs neuropathiques, qui ne se soignent pas avec des antalgiques, mais avec des antidépresseurs ou des anticonvulsivants, administrés à faible dose. C’est important de savoir que ces traitements n’apportent pas un soulagement immédiat. Ils se stabilisent au bout de treize à quinze jours. Cela permet d’accompagner au mieux le patient dans sa prise de médicaments. Il y a également un manque de clarté dans la distinction entre la douleur, physique, et la souffrance, psychologique, même si toutes deux ont une incidence l’une sur l’autre.

L’ILM : Comment les Idels évaluent-elles la douleur de leurs patients ?

P. T. : 80 % des professionnelles interrogées ignorent le principe de l’hétéro-évaluation. Certes, la majorité de leurs patients est en mesure de communiquer. Mais il est nécessaire de connaître un moyen d’hétéro-évaluation, comme l’échelle Algoplus, facile d’utilisation. Pour l’auto-évaluation, l’usage de l’échelle visuelle analogique (EVA) est bien connu. Mais des moyens d’évaluation plus complets, comme le Tilt pour identifier le type de douleur, l’intensité, la localisation et le temps, pourraient être employés plus souvent pour les patients se plaignant de douleurs chroniques ou présentant des situations complexes.

L’ILM : Y a-t-il de la part des Idels une réticence à mieux connaître la douleur ?

P. T. : Il est probable qu’elles aient pris l’habitude de laisser la prise en charge de la douleur entre les mains des médecins, pensant que seuls les médicaments soulagent. Elles gagneraient à analyser plus souvent la douleur de leurs patients. Elles ont des connaissances et des compétences, qu’elles ont tendance à sous-estimer, pour répondre aux situations de douleur. Le recours à la distraction, le massage, l’usage du chaud et du froid, sont autant de moyens à combiner à la prise de traitements médicamenteux. En prenant le temps d’analyser la plainte douloureuse, d’y apporter une réponse et d’en évaluer les résultats, l’Idel renforce son rôle autonome. Et il est possible de demander au médecin une prescription de démarche de soins infirmiers.

EN SAVOIR +

Pascale Thibault présentera cette pré-enquête lors du prochain congrès de la Société française d’étude et de traitement de la douleur, le 20 novembre à Toulouse. Elle animera aussi une conférence sur la douleur le jeudi 6 novembre, à 11 heures, au Salon infirmier à Paris.

Le cas récurrent de “la vieille dame qui se plaint”

Le cas de la patiente âgée isolée qui se plaint de douleurs à chaque visite de l’Idel est fréquent. Analyser avec la patiente sa douleur permet de dépasser l’agacement et le sentiment d’impuissance que peuvent susciter ces plaintes répétées. Après s’être assuré qu’aucune pathologie non prise en charge n’est à l’origine de cette plainte, il est recommandé de procéder à une évaluation de la douleur, avec la patiente. On peut alors s’apercevoir, par exemple, que l’intensité de cette douleur n’est pas si forte. Il est également intéressant de réfléchir au sens de la plainte. Celle-ci peut s’expliquer par la crainte de ne plus revoir l’Idel. Une première réponse peut consister à rassurer la patiente, car l’isolement peut renforcer la sensation douloureuse. Une activité occupationnelle peut détourner de la douleur. Si l’isolement est en cause, on peut aussi réfléchir à la venue d’aides à domicile ou de bénévoles.