La LMC résulte d’une anomalie génétique acquise connue sous le nom de “chromosome Philadelphie”. Non traitée, elle évolue vers une leucémie aiguë, presque toujours fatale.
→ La leucémie myéloïde chronique (LMC) est une hémopathie maligne appartenant au groupe des syndromes myéloprolifératifs. Ces derniers ont en commun une hyperproduction chronique d’une ou plusieurs lignées myéloïdes (voir schéma ci-dessous).
→ La LMC représente 15 % des leucémies de l’adulte. Environ 7 000 patients en sont atteints en France. Sa prévalence est en augmentation du fait de l’augmentation de l’espérance de vie (âge de survenue entre 45 et 67 ans).
→ La LMC est le résultat d’une anomalie génétique qui apparaît dans les cellules souches de la moelle osseuse. Cette anomalie est due à un échange de matériel génétique entre les chromosomes 9 et 22 et aboutit à la formation d’un chromosome appelé “chromosome Philadelphie” (Ph1) qui comporte une séquence de gène anormal BCR-ABL. Ce gène induit la production d’une tyrosine-kinase (d’où le mode d’action des traitements de la maladie) qui conduit à un renouvellement et une prolifération accélérée des cellules de la lignée granulocytaire essentiellement (polynucléaires neutrophiles, éosinophiles, basophiles).
→ La LMC n’est pas héréditaire car l’anomalie génétique ne concerne pas les cellules de la reproduction. L’exposition au benzène ou aux radiations ionisantes favorise l’apparition de leucémies dont la LMC, mais le plus souvent aucune cause n’est retrouvée.
Non traitée, la LMC évolue en trois phases.
→ Phase chronique : elle dure quatre à cinq ans en l’absence de traitement. 20 à 30 % des patients sont asymptomatiques. Lorsqu’ils sont présents, les symptômes sont peu spécifiques : fatigue, perte de poids modérée, parfois splénomégalie qui se traduit par une gêne ou des douleurs abdominales pouvant irradier vers l’omoplate ou l’épaule gauche. Beaucoup plus rarement (liés à l’excès de globules blancs) : priapisme chez l’homme, crise de goutte, colique néphrétique ou complications thrombotiques (diminution brutale de l’acuité visuelle…).
→ Phase accélérée : elle correspond à une progression de la pathologie (fièvre, sueurs inexpliquées, amaigrissement, hémorragies) avec augmentation de globules blancs dans le sang et la moelle osseuse. Elle aboutit à la phase blastique en trois à dix-huit mois.
→ Phase blastique : encore appelée “crise blastique” ou “transformation aiguë”, elle réalise un tableau de leucémie aiguë portant le plus souvent sur la lignée myéloïde ou parfois lymphoïde. Le tableau clinique associe fièvre, anémie, sueurs nocturnes, douleurs osseuses et spléniques, hémorragies. Le décès survient en quelques mois.
Dans 85 % des cas, la maladie est découverte en phase chronique, fortuitement, à la suite d’une numération formule sanguine (NFS) dans le cadre d’un bilan de santé. Le diagnostic est ensuite établi par la ponction biopsie de moelle osseuse et le caryotype qui met en évidence le chromosome de Philadelphie, et les techniques de biologie moléculaire.
Dans l’immense majorité des cas, en dehors de l’allogreffe, il n’est pas possible de guérir la LMC. Toutefois, grâce aux inhibiteurs de tyrosine kinase, la plupart des patients restent en phase chronique “contrôlée”. Beaucoup n’évolueront jamais vers une leucémie aiguë. Toutefois, pour un certain nombre, une résistance au traitement peut survenir.
Il a pour but de prévenir la progression de la maladie vers la transformation aiguë en stabilisant le patient en phase chronique ou, en cas de signes de progression, en rétrogradant rapidement la maladie en phase chronique.
→ Ils ont considérablement modifié le pronostic de la maladie (imatinib, nilotinib, dasatinib). L’imatinib constitue le traitement de première ligne chez la plupart des patients en phase chronique. Ces traitements nécessitent une surveillance régulière hématologique, hépatique et, selon le cas, cardiaque. La réponse au traitement est étroitement surveillée (NFS, recherche du chromosome Ph1, détection du gène BCR-ABL).
→ Dans les formes très hyperleucocytaires et symptomatiques, l’utilisation d’un antinéoplasique, généralement l’hydroxycarbamide (ou hydroxyurée) est nécessaire avant l’instauration de l’ITK pour faire diminuer l’hyperleucocytose et éviter l’apparition de thromboses (syndrome de Budd-Chiari lié à l’obstruction des veines sus-hépatiques, thromboses des vaisseaux rétiniens, priapisme).
→ En cas de réponse insuffisante ou de progression de la maladie (passage en phase accélérée ou blastique), plusieurs options sont possibles : augmenter la posologie de l’ITK ou changer de molécule, associer l’ITK à l’interféron alpha (IntronA, Roféron-A) ou à la chimiothérapie.
Il est essentiellement utilisé au cours de la grossesse ou dans le cadre d’un protocole particulier en association à un ITK, chez des patients répondant mal à un traitement par ITK seul.
En raison d’un taux de mortalité non négligeable, la greffe de moelle osseuse n’est généralement indiquée que dans les phases avancées de la maladie ou lors de risque élevé de progression de la maladie, notamment chez un sujet jeune.
→ L’observance est essentielle pour maintenir l’efficacité du traitement. Le plus souvent, le traitement par ITK doit être suivi à vie.
→ Les ITK peuvent induire des effets indésirables qui, le plus souvent, se résorbent avec le temps, mais parfois seulement après plusieurs mois : prise de poids et/ou apparition d’œdèmes périphériques (conseiller une limitation des apports en sel, une surélévation des jambes au repos…), troubles gastro-intestinaux (nausées, diarrhée justifiant des traitements symptomatiques si besoin), douleurs osseuses et/ou crampes musculaires (qui peuvent être soulagées par l’ibuprofène), réactions cutanées.
→ L’interféron alfa est à l’origine d’un syndrome pseudo-grippal qui peut être limité par la prise d’un gramme de paracétamol une heure avant l’injection. L’apparition de troubles de l’humeur, voire d’un syndrome dépressif, nécessite une consultation médicale.
Suivre rigoureusement le traitement par ITK
« À l’heure actuelle, même en cas de rémission sur une longue durée, l’arrêt du traitement n’est pas envisageable (hors essais cliniques) car il peut provoquer un « redémarrage » de la pathologie. Le patient doit suivre rigoureusement son traitement. Dans la LMC, on estime que l’observance doit être supérieure à 90 % pour maintenir l’efficacité de la thérapie. »
Dr Franck Nicolini, service d’hématologie, Hospices civils de Lyon (Rhône), secrétaire de l’association France Intergroupe de la leucémie myéloïde