L'infirmière Libérale Magazine n° 308 du 01/11/2014

 

ORGANISATION À DOMICILE

Actualité

COOPÉRATION > Les 5es Assises nationales de l’aide à domicile, fin septembre à Paris, ont été l’occasion de faire le point sur les attentes de ce secteur qui revendique une meilleure coordination avec le système de soins afin de répondre à l’évolution et au vieillissement de la population.

Organisées afin de débattre de l’avenir du secteur de l’aide à domicile, les 5es Assises nationales de l’aide à domicile se sont tenues à un moment crucial avec l’examen en cours du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement au Parlement.

De Ssiad en Spasad

L’enjeu ? Faire en sorte que les secteurs du soin et de l’aide à domicile se rejoignent. « Il est impératif de décloisonner les secteurs », a soutenu Laurence Rossignol, secrétaire d’État à la Famille, aux Personnes âgées et à l’Autonomie, qui entend, en supplément du projet de loi, mener des actions à court terme en faveur de l’aide à domicile. Son axe principal sera la promotion des Services polyvalents d’aide et de soins et à domicile (Spasad) car, même s’ils sont autorisés depuis 2004, seulement 81?structures de ce type existent actuellement. Elle a d’ailleurs rappelé que le projet de loi Vieillissement prévoit le lancement d’une expérimentation de Spasad plus intégrés et a formulé l’objectif de transformer, sur cinq ans, les 2 300 services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) en Spasad. Les deux autres volets tendent à l’amélioration de la coordination et de la gouvernance des différents projets ayant un impact sur les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) et à la professionnalisation des acteurs du secteur.

Dans le cadre du projet de loi, le gouvernement a fait le choix de conforter un financement solidaire de la prévention et de l’accompagnement de la perte d’autonomie fondé sur une ressource dédiée, la Contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, avec 645 millions d’euros par an. Ces dépenses permettront de financer le volet “Accompagnement de la loi” à hauteur de 460 millions d’euros, comprenant, entre autres, la revalorisation de l’allocation personnalisée autonomie (APA) à domicile (375 millions d’euros) et le droit au répit pour les aidants (78 millions d’euros). Cependant, si cet effort financier doit être souligné, il n’est pas suffisant pour le sénateur UDI (Union des démocrates et indépendants) du Pas-de-Calais, Jean-Marie Vanlerenberghe, car « on va augmenter le nombre de plans d’aides, de bénéficiaires de l’aide à domicile, mais on n’augmente pas les tarifs. En plus, l’effort est différent selon les politiques suivies par les établissements ». Le Sénat devrait intervenir dans ce domaine. Un point de vue partagé par Yves Verollet, directeur général de l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (Una). « Certes, ce projet de loi apporte des avancées dans le domaine de la prise en charge de l’APA, d’autant plus qu’on plaide depuis longtemps pour le rapprochement des secteurs de l’aide et du soin. Mais je suis en colère, car cela fait des années qu’on entend parler de réforme, or on se trouve dans une situation économique assez désastreuse. »

« Organiser les parcours de soins sans les figer »

Un autre effort doit être mené dans le domaine de la coordination des professionnels. « Je suis attachée à une politique et une organisation au plus près de la personne, ainsi qu’à la prévention, a souligné Martine Pinville, députée socialiste de la Charente et rapporteur du projet de loi. Quand on veut mieux anticiper et accompagner, on sait que les premiers intervenants sont ceux qui voient les premiers signes, et je pense qu’il faut une formation, une sensibilisation et un travail sur les liens avec les médecins et les autres professionnels qui interviennent au domicile. On a besoin de moyens de coordination et d’organisation importants et, si tout n’est pas écrit dans la loi, on pourra déposer des amendements pour qu’il y ait une articulation autour de la personne âgée. » Où se situent les infirmières libérales dans tous ces projets ? « La problématique est de traduire dans les faits les parcours de soins et de les organiser, a fait savoir Nathalie Cuvillier, sous-directrice de l’autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées, au service des politiques sociales et médico-sociales de la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Comment passe-t-on d’une organisation locale à une organisation reproductible sans la complexifier ? La résidence autonomie, cette alternative aux maisons de retraite médicalisées quand la personne âgée est davantage autonome que dépendante, est l’une des solutions prévues par la loi, tout comme son conventionnement avec des acteurs du soin, dont les infirmières libérales. On essaie de poser des cadres pour organiser les parcours de soins sans les figer. »

L’autre enjeu selon elle est la messagerie sécurisée, qui permettrait une plus grande communication et donc une meilleure coordination entre les acteurs. D’après Élisabeth Hubert, présidente de la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile, il y a en effet aujourd’hui un élément qui bloque la fluidité du parcours de soins : « On n’a pas de moyen de communication des données entre nous. On a besoin d’informations synthétiques sur l’état de santé du patient. Si demain on a des outils qui permettent de communiquer en temps réel, alors on aura résolu une partie des difficultés. »

RÉACTION

« Mme Rossignol n’évoque à aucun moment le rôle des professionnels libéraux dans les soins à domicile », a réagi ultérieurement le syndicat Onsil à propos de la transformation des Ssiad en Spasad. Il s’interroge aussi sur « la concordance, pour ne pas dire la confusion, établie entre les soins et les aides [qui] peuvent laisser supposer que [Laurence Rossignol] entend mettre en place des professionnels autorisés à préparer les repas tout en changeant les perfusions. Avec quelles formations ? Pour quelles rémunérations ? »

Inégalités entre personnes âgées

D’après une étude territoriale présentée lors des 5es Assises sur la prise en charge des personnes âgées à domicile, il a été constaté une forte hétérogénéité entre les départements, notamment sur le nombre d’heures par mois dédié à l’aide à domicile chez les 75 ans et plus : 45 heures dans la Sarthe et l’Eure-et-Loir contre 123 heures en Corse du Sud par exemple. De plus, la pluralité de mécanismes de calculs de l’APA entraîne des écarts allant de 360 euros à 450 euros par personne pour les mêmes profils. Des différences ont également été soulignées en termes de structurations d’offres des Saad : employeurs, associations, organismes publics et entreprises à but lucratif se partagent le marché. Cette hétérogénéité a des conséquences sur les conditions de travail et la qualité des services.