Benoît Sion, conseiller funéraire et directeur des pompes funèbres Sion, Libercourt (Pas-de-Calais)
La vie des autres
Dans la famille Sion, les pompes funèbres, c’est une histoire de générations. Et Benoît Sion n’a pas échappé à la tradition en reprenant l’entreprise familiale à l’âge de 23 ans. Il aurait pu exercer comme infirmier – il a eu le concours de l’école –, il est devenu funeral planner.
« J’ai toujours baigné dans le milieu du service funéraire, souligne Benoît Sion, à la tête, depuis bientôt vingt ans, de la petite entreprise familiale basée à Libercourt, à une vingtaine de kilomètres au sud de Lille. Mon père ne voulait pas que je la reprenne, car conseiller funéraire est un métier astreignant. Je comprends son point de vue car on peut être appelé la nuit, on est entouré par le deuil, on fait du service et de l’accompagnement, on est en permanence sur le qui-vive, ce qui perturbe la vie de famille. » Avant de devenir directeur de l’entreprise, Benoît Sion s’est essayé à un autre métier.
« J’ai obtenu le concours de l’école d’infirmier, mais je n’ai pas poursuivi dans cette voie, se souvient-il.
Puis, à l’âge de 20 ans, j’ai été sapeur-pompier. Parallèlement, depuis mes 16 ans, je donnais des coups de main à mon père les week-ends. Finalement, mon père a constaté que j’avais une vraie passion pour le métier, le relationnel, l’assistance des personnes, et j’ai repris les rênes à l’âge de 23 ans. »
« Ce qui me plaît dans le métier de conseiller funéraire, c’est que chaque histoire est différente, témoigne-t-il. Notre rôle est d’aider les gens, de les accompagner dans leur tristesse et de les amener à faire leur deuil dans les meilleures conditions possibles. » Le conseiller funéraire, entouré des porteurs et des maîtres de cérémonie, a pour mission d’organiser et de gérer le deuil. « Dès que l’on reçoit l’appel de la famille, on se rend sur place, au domicile, même si le défunt est décédé à l’hôpital, pour parler des premières volontés de la famille et ainsi commencer à organiser l’enterrement », rapporte Benoît Sion. Que l’enterrement soit religieux ou uniquement civil, qu’il s’agisse d’une crémation ou d’une inhumation, le conseiller funéraire prend tout en charge. Il s’occupe également de l’administratif et fait notamment signer les papiers pour pouvoir récupérer le corps du défunt. « On ne touche jamais un corps tant que le médecin n’a pas signé le certificat de décès », précise Benoît Sion. Il faut ensuite décider, avec la famille, du jour de l’enterrement, et contacter le clergé si l’enterrement est religieux.
Le conseiller funéraire s’emploie également à obtenir une autorisation civile pour ouvrir le caveau si la famille en possède un, et en fait préparer un lorsque ce n’est pas le cas. Concernant le corps, l’équipe des pompes funèbres s’occupe de la toilette, des soins de conservation et de la préparation, avant qu’il soit présenté à la famille. Entre-temps, « j’organise avec la famille l’envoi des faire-part de décès oula nécrologie dans les journaux », explique Benoît Sion. Son entreprise assure également un suivi des familles et prend gracieusement en charge les papiers pour la retraite, l’assurance, la complémentaire santé pour le conjoint du défunt. « Je ne peux pas concevoir de laisser la famille sans soutien, juste après l’enterrement. » Certaines familles prévoient cependant tout en amont, dans le cadre de contrats-obsèques. « C’est bien pour tout le monde, estime Benoît Sion. De cette manière, la famille n’a à penser à rien, tout repose sur le choix du défunt. Et c’est une chance pour nous, car nous sommes sûrs de ne pas commettre d’erreur. »
Lorsque Benoît Sion a souhaité reprendre l’entreprise familiale en 1996, il a dû partir en formation obligatoire à Sceaux, dans les Hauts-de-Seine. « La formation dure un mois, et je trouve cela très onéreux pour les stagiaires de devoir aller en Île-de-France », souligne-t-il. Il a donc décidé, en 1997, de créer un pôle de formation dans le secteur de Libercourt pour répondre aux demandes de la région.
Il forme aux quatre niveaux de métiers : porteur-chauffeur, maître de cérémonie, conseiller funéraire et dirigeant d’entreprise. D’abord antenne régionale de la Fédération française des pompes funèbres, le centre de formation a obtenu son agrément en 2009 et est ainsi devenu totalement autonome.
« Je fais appel à des formateurs indépendants qui interviennent en fonction de leur métier », explique Benoît Sion. La formation la plus demandée est celle de conseiller funéraire, qui nécessite 140 heures de formation sur un mois. La législation, la réglementation, l’hygiène, la sécurité, les rites funéraires, tout est passé au crible. Mais « 80 % de la réussite dans le métier repose sur la sensibilité et la psychologie », estime Benoît Sion. Une centaine de personnes sont ainsi formées par an.
« Je ne regrette pas mon choix, conclut Benoît Sion. Mon épouse s’occupe de la partie administrative de l’entreprise, ma sœur possède une boutique de fleurs, mon beau-frère travaille dans la marbrerie. Familialement, cela nous tient à cœur. Et dans le village, tout le monde nous connaît.
On maintient la réputation qui a été construite par nos aïeux et nous ne sommes pas là pour profiter de la tristesse des gens. Nous les respectons profondément. » Peut-être qu’après lui, son fils reprendra le flambeau, « mais je ne lui mets aucune pression, il fera le métier qui lui plaît ».
« J’ai des liens personnels avec les Idels, car ma grand-tante exerce ce métier. Et dans le cadre de mon travail, nous sommes très régulièrement en relation avec elles car lorsque les personnes décèdent au domicile, les familles les appellent généralement avant nous, notamment pour enlever les derniers dispositifs médicaux. On se croise donc au domicile, on se connaît bien. Nous avons un fort relationnel avec elles et très souvent on se revoit au moment de l’enterrement du défunt. On constate fréquemment que les Idels sont peinées par le décès de leurs patients : peu importe la maladie, même si elle est longue et qu’elle a généré un suivi pendant un an ou deux, il y a toujours un espoir. Souvent, on discute du décès avec elles, on parle du patient. Ce n’est pas évident pour elles, mais elles sont professionnelles et savent gérer ce type d’émotions. »
Benoît Sion a été habilité par la préfecture à reprendre la responsabilité de l’entreprise familiale. Le métier de conseiller funéraire et la responsabilité d’une entreprise de pompes funèbres sont très règlementés en France. L’habilitation donnée par la préfecture est d’une durée de six ans et, « tous les six ans, il faut refaire un dossier », précise Benoît Sion. Parmi les activités concernées par l’habilitation : l’organisation des funérailles, la fourniture des cercueils aux familles, la gestion des housses, des urnes cinéraires (qui renferment les cendres d’un mort) et des tentures extérieures des maisons mortuaires, la fourniture des objets et prestations nécessaires aux obsèques, les inhumations, les exhumations et les crémations, les soins de conservation, la gestion et l’utilisation d’une chambre funéraire, la gestion d’un crématorium, le transport de corps avant/après la mise en bière, et aussi le personnel.