L'infirmière Libérale Magazine n° 309 du 01/12/2014

 

Cahier de formation

Savoir faire

Madame B., 50 ans, est atteinte d’une IRC stade 4. Mère de deux adolescents, active professionnellement, elle est adressée par l’Association locale d’aide aux insuffisants rénaux car elle envisage un traitement par DP assistée (au moins dans un premier temps) qui lui permette de préserver le plus possible son autonomie et sa disponibilité pour sa famille. Elle vous contacte car, avant de se déterminer sur l’abord vasculaire, elle souhaite s’assurer de vos disponibilités pour l’accompagner.

Vous lui expliquez notamment que la prise en charge d’une DP et notamment d’une DP continue ambulatoire est chronophage pour un cabinet infirmier et nécessite une organisation qui doit prendre en compte le reste de la patientèle.

ORGANISER SON INTERVENTION

Au stade du traitement de suppléance, l’Idel peut choisir (lire le point de vue page ci-contre) de s’occuper de patients en HD dans une unité d’autodialyse assistée ou de prendre en charge des patients en HD à domicile (lire le témoignage ci-dessous) ou en DP, technique la plus fréquente. Dans ce cas, l’intervention de l’Idel peut s’organiser selon différents schémas.

→ Parfaire l’éducation technique du patient à la réalisation de la DP jusqu’à ce qu’il soit parfaitement autonome et assuré dans ses gestes.

→ Réaliser un suivi ponctuel trois fois par semaine pour le contrôle et la réfection du pansement occlusif de l’émergence du cathéter et la gestion du stock de poche.

→ Assurer la totalité de la prise en charge pour les patients qui ont besoin, pour des problèmes de dextérité par exemple, d’un appui infirmier pour réchauffer les poches de dialyse, les connecter et les déconnecter, brancher et débrancher le patient au cycleur, vider le dialysat chargé, assurer l’entretien du matériel, préparer leur pilulier, passer les commandes de consommables… « C’est très variable d’un patient à l’autre, indique Jean-Pierre Desmaris. Lorsque le patient est en DP automatisée, on passe le soir pour monter la machine et préparer le matériel pour que le patient n’ait plus qu’à se brancher avant de se coucher, et on passe une fois le matin pour le débrancher et faire le point (poids du patient, quantité de dialysat recueillie, diurèse, tension, pulsations, température, douleur, mise à jour du cahier de suivi…), ce qui peut facilement s’intégrer dans la tournée mais nécessite parfois des passages tardifs si le patient n’est pas autonome au branchement. En revanche, en cas de DPCA [la technique la plus courante], passer quatre fois par jour (six jours sur sept, voire sept jours sur sept) pour drainer le patient et infuser les poches est très chronophage (trente minutes en moyenne) car on est tenu de rester jusqu’à la fin du soin et de revenir impérativement dans un délai de quatre heures maximum pour drainer le patient car, dans le cas contraire, le dialysat chargé peut être réabsorbé par l’organisme. Il faut donc bien réfléchir avant de prendre en charge une DP continue ambulatoire, car la tournée s’organise en fonction de la dialyse et nécessite une gymnastique quotidienne subtile pour ne pénaliser aucun patient. Cela dit, certains protocoles sont plus légers (deux poches par jour, pas de poche la nuit…), ce qui peut rendre cette gymnastique moins acrobatique. »

ANTICIPER ET GÉRER LES PROBLÈMES

Dans ce cas, pourquoi ne pas privilégier la DPA nocturne ? La réponse est simple. Cette technique est souvent associée à des drainages difficiles qui déclenchent des alarmes très anxiogènes pour les patients. « Même s’ils peuvent contacter un IDE d’astreinte de l’Association pour l’utilisation du rein artificiel dans la région lyonnaise, témoigne pour sa part Jean-Pierre Desmaris, l’ajustement des réglages de ces alarmes peut prendre quelques jours durant lesquels le patient est mal dialysé, ce qui peut entraîner des complications. » Les problèmes de drainage sont généralement consécutifs au fait que le cathéter péritonéal, sous l’effet des mouvements intestinaux, se loge contre une paroi ou migre en sous-hépatique entraînant des drainages longs, incomplets et possiblement douloureux. La prescription d’un laxatif permet généralement de purger les intestins et de faire redescendre le cathéter.

Par ailleurs, l’infirmier doit savoir qu’un dialysat de drainage trouble évoque une infection qu’il convient de prendre en charge rapidement et que des douleurs en cours d’injection du dialysat peuvent être liées à la température excessive ou trop froide du liquide (il doit être de 37 °C) causée par un réchauffeur de dialysat défectueux. Enfin, les liquides de DP contiennent du sucre qui est réabsorbé en partie par le péritoine et peut engendrer une obésité chez des patients peu attentifs à la diététique, voire une dénutrition par diminution de l’appétit due à la surcharge en glucose. Parfois, l’obésité peut même s’accompagner d’une dénutrition. Anticiper et gérer ces problèmes fait partie du savoir-faire infirmier et de l’information qu’il doit dispenser aux patients pour prévenir ces risques.

L’hémodialyse à domicile : le quotidien de Jean

« À l’époque, la dialyse péritonéale n’était pas développée et l’hémodialyse à domicile me permettait de ne pas perturber mon travail et d’assurer une présence auprès de ma famille malgré le traitement. Au début, je ne voulais pas entendre parler de dialyse et j’ai vraiment mal réagi lorsque le néphrologue m’a parlé de mettre en place une fistule : j’ai compris que c’était la fin de tout espoir de sauver mon rein. Avec le recul, je me rends compte qu’on a tendance à noircir le tableau davantage qu’il ne l’est réellement. En fait, j’ai suivi une formation de quatre mois et, après quelques temps passés sous la surveillance d’un infirmier libéral, je me suis organisé pour me dialyser la nuit. C’est une contrainte, mais pas aussi pénible que je l’imaginais. Progressivement, j’ai réussi à me piquer seul, avec l’aide de ma femme qui a également suivi les dernières séances de formation pour se familiariser avec la technique. Au quotidien, une heure avant de me brancher, je prépare la machine (désinfection, rinçage, montage des lignes), je me pique, je fixe le cathéter à mon bras, je démarre la dialyse qui se termine sept heures plus tard aux alentours de 2 ou 3 heures du matin en général. Je me débranche, je désinfecte la machine et je finis ma nuit normalement. Ainsi, je ressens moins la fatigue qu’en dialyse de jour. Et puis, je peux me dialyser le dimanche, ce qui me permet un traitement très régulier et plus doux (la pompe tourne moins vite et sollicite moins le cœur) tous les deux jours. Je continue à travailler, je ne fais pas de folie, mais je ne m’interdis rien. Je bricole, je tronçonne, j’ai fait du tennis très longtemps et même de la plongée sous-marine en sortant de dialyse lorsque j’étais dans les îles. Le plus gênant aujourd’hui, c’est l’organisation des vacances, car il faut trouver une unité de dialyse médicalisée ou une unité d’autodialyse sur le lieu de vacances et il faut s’y prendre très longtemps à l’avance. »

Point de vue

« En unité d’autodialyse, une prise en charge à la fois technique et humaine »

Géraldine Malka, Idel dans un cabinet de la banlieue de Toulouse, intervenante dans une unité d’autodialyse assistée

« J’ai fait ce choix pour élargir mon horizon professionnel à cette prise en charge qui concilie des dimensions techniques et humaines très intéressantes. Les patients que j’y prends en charge, trois à quatre jours par mois, bien que parfaitement autonomes sur le plan physique, ont fait le choix d’être assistés dans la réalisation de leur traitement et ont choisi l’unité d’autodialyse dont les horaires sont plus flexibles [et compatibles] avec une vie professionnelle. Je les accueille par groupe de six [maximum légal] entre 5 et 20 heures ou entre 10 et 23 heures. Les séances de dialyse durent entre trois heures trente et cinq heures suivant les patients et leur protocole. Toutefois, je suis parfois amenée à rallonger une séance pour améliorer le confort du patient et solliciter moins son cœur ou encore pour bien drainer les patients qui ont tendance à prendre plus de poids le week-end (5 à 6 kilos est fréquent) qu’entre deux séances en semaine. J’accomplis en fait le même travail que dans une unité médicalisée mais, à la différence des IDE d’unité de dialyse médicalisée, je suis seule pour prendre en charge l’intégralité de la dialyse : contrôle, stérilisation et entretien du matériel, surveillance du système d’eau, contrôles des dossiers patients et des médicaments, programmation des paramètres de dialyse de chaque patient, installation, branchement et surveillance des patients, rotation des postes de dialyse entre le matin et l’après-midi, débranchement, vérification de la tension et de l’état général du patient avant son départ, mise à jour informatique des dossiers patients. Sans compter que ces patients chroniques sont souvent fatigués et psychologiquement fragilisés par l’attente de la greffe, ou que l’inscription sur liste d’attente peut tarder et qu’il m’appartient d’être aussi là pour les écouter et leur redonner courage lorsqu’ils perdent pied. Autant dire que c’est très lourd en termes de quantité de travail mais aussi de responsabilité, même si je peux à tout moment joindre le médecin de l’unité de dialyse médicalisée dont dépend l’unité d’autodialyse. »