MUTATION > On les pensait en voie de disparition. Et pourtant, ils sont bel et bien toujours là. Les réseaux de santé, qui mutent progressivement en plateformes territoriales d’appui, au gré des Agences régionales de santé, vivent une seconde jeunesse.
" En deux ans, la situation a bien changé », rapporte le président de l’Union nationale des réseaux de Santé (UNR Santé), le Dr Gérard Mick. Il y a peu, l’avenir des réseaux de santé était encore incertain. « Financés sur la même enveloppe que les maisons et pôles de santé, les réseaux de santé n’étaient plus une priorité des pouvoirs publics », explique-t-il avant d’ajouterh : « Les réseaux de santé peuvent pourtant contribuer au développement des pôles et maisons de santé, notamment en matière de soutien à l’éducation thérapeutique en ambulatoire, qui nécessite formation et logistique, ou encore à la coordination des parcours de santé. » Les réseaux sont en effet un soutien aux situations complexes pour les acteurs libéraux. « Aujourd’hui, la situation est bien plus claire », estime le médecin.
Depuis deux ans, le ministère de la Santé a clarifié sa vision de l’avenir des réseaux, et l’a manifesté dans un guide publié en 2012. Plus récemment, dans le cadre du projet de loi de santé présenté le 15 octobre en Conseil des ministres, il a été prévu à l’article 14 la création de plateformes territoriales d’appui. Comme l’indique la DGOS, l’objectif est de mettre en place des dispositifs de soutien aux soins primaires. Le ministère entend créer une plus grande cohérence entre les nombreux programmes et structures dédiés aux parcours de santé et à la coordination : Sophia, Prado, Paerpa, MAIA, Clic, entre autres.
Selon le projet de loi, la mise en place des plateformes se déroulera sous le pilotage des Agences régionales de santé. Les réseaux « vont être pilotes dans ces dispositifs, car il s’agit du système le plus abouti en termes de réussite de la coordination », indique le ministère. Ce dernier prévoit par ailleurs de réaliser prochainement une enquête auprès des Agences régionales de santé afin de dresser un état des lieux des plateformes d’appui qui ont émergé dans les territoires, sous l’impulsion du guide. En effet, les réseaux, jusqu’à présent orientés pour la plupart vers une seule thématique, ont déjà commencé à se regrouper pour mettre en place des compétences élargies au sein de ces plateformes d’appui, sans perdre celles qui leur sont spécifiques.
Si les orientations sont nationales, les réseaux de santé étant financés au niveau régional, cela laisse « les mains libres aux Agences régionales de santé », en fonction de leur projet régional de santé, pour accompagner ou non ces évolutions. « Ce fonctionnement est source de grandes disparités entre les régions », constate le Dr Mick, qui précise que certaines Agences régionales de santé ont imposé le regroupement des réseaux au sein de plateformes d’appui, tandis que d’autres ont conservé leurs organisations thématiques antérieures.
Pour le Dr Mick, « il doit également y avoir une clarification quant à l’affichage des missions des réseaux. Il s’agit d’une équipe capable d’apporter un soutien aux professionnels de soins lorsque ceux-ci s’estiment en difficulté pour gérer un parcours », notamment hors de l’hôpital pour le maintien à domicile des personnes. « Les infirmières libérales ont ici un rôle majeur », affirme-t-il. Elles peuvent être partenaires du réseau et partie prenante de la coordination en contribuant à l’organisation de la prise en charge de la personne avec l’équipe du réseau et les autres acteurs. « L’acteur souvent le plus facile à mobiliser en tant que partenaire et membre actif est l’infirmière libérale, souligne le Dr Mick. Au sein des équipes, la place des infirmières à temps partiel qui poursuivent une activité libérale est une excellente opportunité, car elles connaissent le tissu local, les médecins, voient régulièrement et fréquemment leurs patients, ce qui enrichit la gestion d’une situation en proximité. »
Samira Bellal, réfèrente de proximité d’une plateforme d’appui et infirmière libérale à Grenoble (Isère)
« J’ai intégré le Réseau de soins Infirmiers et d’aide au domicile (Resia 38) en septembre 2009 un peu par hasard. Quand je me suis installée en tant qu’infirmière libérale, j’ai appelé le réseau pour les prévenir. L’une des infirmières réfèrentes de proximité de Resia 38 m’a alors fait connaître le réseau et a apprécié la manière dont je prenais en charge mes patients. Elle m’a présentée au directeur. Je trouvais intéressant d’élargir mon champ d’activité, je suis donc devenue à mon tour référente de proximité. Il s’agit d’un autre versant de ma profession, avec une aide au patient et aux professionnels. Depuis, en Isère, trois réseaux ont fusionné en une plateforme territoriale d’appui, car nous faisons le même travail dans des domaines différents : le maintien à domicile des personnes âgées, handicapées ou atteintes de cancer. La réunion de ces trois réseaux a renforcé notre travail et nos missions auprès des acteurs de santé. Et on a gagné en compétences car nous avons désormais des médecins et des temps d’assistance sociale. Cette fonction au réseau complète mon activité libérale et me permet de voir les patients dans leur globalité. »
Karine Agriodos, infirmière libérale à Voiron (Isère)
« Dans le cadre du développement professionnel continu, j’ai effectué un DU d’éducation thérapeutique. Notre projet avec ma collègue était d’apporter l’éducation thérapeutique au domicile des patients ne pouvant pas se déplacer et donc de devenir le relais des réseaux de santé pour cette mission. Nous avons donc été formées pendant deux jours par le réseau. L’idéal pour nous serait de facturer nos interventions, mais la cotation n’existe pas pour l’éducation thérapeutique. Nous pouvons passer le diplôme mais nous ne pouvons pas pratiquer ni coter des actes. D’autre part, lorsqu’il y a un souci avec un patient trop lourd et des difficultés pour trouver un soignant, nous contactons le réseau, qui coordonne les actions de soutien aux professionnels autour du patient. Les réseaux ont encore des forfaits dérogatoires pour des actes non cotés, mais, puisqu’ils ont pour principale difficulté un financement adapté aux missions, il faudrait que les libérales puissent facturer à la CPAM. Nous sommes vraiment motivées, et de nombreuses choses se mettent en place avec le réseau. Mais il y a encore beaucoup d’obstacles, dont le financement. »