L'infirmière Libérale Magazine n° 309 du 01/12/2014

 

Cahier de formation

Savoir faire

Vous accompagnez de manière ponctuelle un patient sous DP et constatez depuis votre dernier passage, une prise de poids et un essoufflement inhabituel qui vous alertent. Après un rapide interrogatoire, vous apprenez que sa famille lui a organisé un anniversaire surprise et qu’il a fait quelques “excès” à cette occasion.

Vous lui rappelez que l’observance des bons réflexes nutritionnels permet au patient dialysé de vivre sans trop de privations mais que les excès, mêmes ponctuels, peuvent avoir de lourdes conséquences sur sa santé. Un rappel des principes à observer en matière d’apports alimentaire et hydrique s’impose.

CONTRÔLER LES APPORTS EN LIQUIDES

Les patients dialysés doivent limiter leurs apports en liquides qui, trop importants, peuvent être à l’origine d’œdème (prise de poids), d’hypertension et de problèmes cardiovasculaires. Selon le type de dialyse et la diurèse résiduelle, l’apport en liquide recommandé varie d’un demi-litre par jour en cas d’anurie (fréquente en HD) à un volume de boisson équivalent au volume uriné par jour + un demi-litre de liquides, s’il existe une diurèse résiduelle (DP). Cette restriction hydrique peut être difficile à respecter par ces patients qui ont souvent soif pour d’autres raisons (bouche sèche par dysfonctionnement salivaire, variation de l’osmolarité). Pour les aider à s’hydrater sans excès, l’Idel peut donner des repères de contenance (un verre représente 150 ml environ et un bol 250 ml) et conseiller de :

→ limiter les sodas très sucrés (car ils donnent soif) ;

→ boire par petites quantités réparties dans la journée ;

→ se vaporiser le visage lorsqu’il fait chaud ;

→ sucer des glaçons aromatisés au citron par exemple ;

→ mâcher du chewing-gum ;

→ préférer les vins cuits aux alcools nécessitant une adjonction d’eau ;

→ éviter les boissons riches en sel (elles donnent soif) et en potassium (risque d’hyperkaliémie) : jus de fruits, potages prêt à l’emploi, bouillon cube.

RÉDUIRE LE PHOSPHORE ALIMENTAIRE

L’élimination incomplète du phosphore par la dialyse impose aux patients de maîtriser leurs apports en phosphore pour ne pas s’exposer à une hyperphosphorémie qui, en se combinant au calcium, forme un complexe phosphocalcique et entraîne des calcifications au niveau des muscles, des articulations, des valves cardiaques et des vaisseaux sanguins associées à un risque de mortalité. Toutefois, supprimer le phosphore alimentaire afin de rétablir l’équilibre phosphocalcique aurait pour conséquence de réduire également les apports en protéines indispensables à l’équilibre nutritionnel des patients. Avec l’aide de l’Idel, le patient doit donc s’appliquer à éviter les aliments les plus riches en phosphore (voir tableau ci-contre) et à sélectionner ceux qui sont susceptibles de répondre à ses besoins en protéines tout en limitant ses apports quotidiens aux alentours de 900 mg, soit environ la moitié de l’apport moyen de la population générale (1,6 g par jour). Il peut également être aidé médicalement par la prise de chélateurs intestinaux du phosphore (carbone de calcium) type sevelamer (Renagel, Fosrenol) au moment du repas ou juste après.

MAÎTRISER LES APPORTS EN POTASSIUM

Normalement filtré par les reins et éliminé dans les urines, le potassium s’accumule dans le sang entre les dialyses et peut entraîner une hyperkaliémie à l’origine de troubles musculaires, de palpitations, voire d’arrêt cardiaque. Il est donc important que le patient dialysé contrôle rigoureusement ses apports alimentaires en potassium, notamment en évitant les aliments qui en sont les plus riches. C’est ainsi le cas du café soluble (3 g par tasse) et de toutes les boissons instantanées, du cacao en poudre et autres préparations chocolatées, du lait en poudre, des abricots dénoyautés, des pommes de terre. Si l’alimentation ne suffit pas à normaliser la kaliémie dont le contrôle mensuel doit observer des règles de prélèvement rigoureuses (lire l’encadré ci-contre), un traitement par Kayexalate (résine échangeuse d’ions potassium contre du sodium et du calcium) peut être pris une à deux fois par jour en fin de repas lorsque la concentration en potassium est la plus importante. À noter : tous les fruits frais et légumes sont riches en potassium. Pour autant, il ne faut pas les exclure totalement de l’alimentation car ils sont riches en vitamines et sels minéraux indispensables sur le plan nutritionnel. Plutôt que d’interdire, mieux vaut conseiller de manger de tout raisonnablement. Une autre astuce pour réduire les apports en potassium sans trop se priver consiste à manger des fruits cuits plutôt que crus, à utiliser des légumes surgelés, ou à préférer la cuisson à l’eau dans deux bains de cuisson successifs. Le trempage ne présente que peu d’intérêt car il n’entraîne l’extraction que de 7 % du potassium contre 60 % pour la cuisson à l’eau(1).

SURVEILLER LE SEL

Normalement, l’organisme a besoin de 6 à 8 grammes de sel par jour mais les apports moyens totaux en sel actuels sont estimés entre 8,7 et 9,7 grammes par jour(2). Si le patient dialysé n’est pas soumis à un régime sans sel strict, il doit néanmoins très peu saler car le sel entretient, et même aggrave l’HTA, favorise la soif, la rétention d’eau et la prise de poids entre deux dialyses. Si sa tension n’est pas trop élevée et est stable, sa consommation quotidienne de sel peut atteindre jusqu’à 6 grammes par jour. En revanche, en cas d’hypertension modérée à sévère, il devra se contenter d’apports strictement alimentaires et ne pas dépasser 4 grammes. Exceptionnellement, en présence d’œdème, d’HTA sévère ou d’insuffisance cardiaque les apports peuvent être réduits à 2 grammes par jour. En pratique, il doit surveiller la teneur en sel des aliments (une demi-baguette, deux croissants, une portion de camembert = 1 g de sel par exemple) et s’astreindre à :

→ cuisiner sans sel et ne pas en rajouter à table, éviter les aliments naturellement ou artificiellement riches en sel (fruits de mer, anchois, poissons fumés, cacahuètes, préparations industrielles, chips, condiments, charcuterie, conserves),

→ éviter les boissons gazeuses comme l’eau de Vichy (préférer Perrier ou Badoit), les jus de légumes, les sauces de soja, Nuoc mam, les cubes aromatiques pour bouillon, le Viandox, etc.,

→ consommer plutôt des légumes verts frais ou surgelés et des pommes de terre préparées “maison”.

À noter : le sel de régime est contre-indiqué car il contient du potassium.

(1) Études du Groupe des diététiciens de l’Ouest, “Potassium et pommes de terres”, Nelly Brard, Fnair n° 100, décembre 2004, 28-31.

(2) “Rapport sur l’état de santé de la population française”, Direction des études de l’évaluation et des statistiques (Drees), 2011.

Dosage de la kaliémie : un acte sous haute surveillance

Qu’il s’agisse du prélèvement, de la manipulation ou du transport, le dosage de la kaliémie réclame une attention particulière de l’Idel car de la qualité de sa réalisation dépendent l’exactitude des analyses et la qualité des soins apportés au patient.

→ Prélèvement : il doit être effectué en moins d’une minute après la pose du garrot qui doit être positionné 7 à 10 cm au-dessus du site de ponction, bref et ne doit être associé à aucune contraction musculaire (serrement de poing même léger).

À savoir : un garrot trop serré et trop long entraîne une lyse cellulaire et une libération de potassium intracellulaire qui fausse le résultat par excès.

Manipulation : le sang doit être homogénéisé avec précaution et transporté en position verticale.

Transport : le prélèvement doit être analysé au plus tard une heure après avoir été réalisé et transporté dans un délai bref à température ambiante (idéalement entre 4 et 23 °C).

Je cote à la nomenclature

Chapitre 2 -Soins spécialisés – article 6 : Soins portant sur l’appareil digestif et urinaire

→ Dialyse péritonéale avec un maximum de quatre séances par jour, par séance AMI 4.

→ Dialyse péritonéale par cycleur :

- branchement ou débranchement, par séance AMI 4 ;

- organisation de la surveillance, par période de douze heures AMI 4.

À noter : les séances d’hémodialyse, qui font partie des interventions d’un nombre important d’infirmières libérales, ne sont toujours pas cotées à la nomenclature, malgré des demandes réitérées. Elles sont financées par les associations d’insuffisants rénaux et leurs tarifs peuvent varier d’un centre à l’autre.

Exemple : en Haute-Garonne, la séance en centre d’autodialyse est cotée AMI 16 et AMI 24 en unité de dialyse médicalisée avec un tarif de nuit si celui-ci est justifié.

REMERCIEMENTS

Nous adressons nos remerciements, pour leur aimable collaboration, aux Idels Géraldine Malka, Jean-Pierre Desmaris et Évelyne Ribal, à Sylvie Petiot, cadre de santé en hémodialyse au Centre de dialyse de l’hôpital Édouard-Herriot à Lyon, à Sébastien Abadie, IDE dans le même centre, à Régis Comte, IDE à l’Association pour l’utilisation du rein artificiel dans la région lyonnaise, au Pr Christophe Mariat, néphrologue, et au Dr Nathalie Poutignat, HAS.