L’hypoglycémie - L'Infirmière Libérale Magazine n° 310 du 01/01/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 310 du 01/01/2015

 

Endocrinologie

Cahier de formation

LE POINT SUR

Marie Fuks*   Dr Nicolas Chevalier**  

La peur des hypoglycémies est un frein majeur à l’optimisation thérapeutique de l’équilibre glycémique des patients diabétiques. L’information et l’éducation des patients nécessitent une parfaite maîtrise du sujet par les Idels très fréquemment confrontées au diabète dans leur exercice quotidien.

Définition

→ L’hypoglycémie (HG) est définie par une glycémie inférieure à 0,70 g/l en présence de signes cliniques, ou inférieure à 0,60 g/l sans signes. Elle est certainement la complication la plus fréquente de la maladie diabétique mais aussi celle qui inquiète le plus les patients et leur entourage.

→ L’HG sévère est définie non par un seuil, mais par l’incapacité du patient à se resucrer (perte de connaissance, coma) et l’intervention obligatoire d’un tiers pour réaliser le resucrage.

→ Le risque hypoglycémique concerne tous les patients diabétiques, mais en particulier les patients diabétiques de type 1 (DT1) et les diabétiques de type 2 (DT2) traités par sulfamides hypoglycémiants, glinides et/ou insuline.

À noter : l’existence de génériques impose aux Idels de connaître la dénomination commune internationale (DCI) des sulfamides et des glinides afin de ne pas méconnaître un traitement antidiabétique oral potentiellement responsable d’HG et de porter une attention particulière aux erreurs de délivrance possibles en pharmacie.

Causes – Facteurs de risque

→ Situations de la vie quotidienne (activité physique, effort violent, jeûne, repas sauté, plus rarement le stress…) ayant pour effet de faire baisser “mécaniquement” la glycémie et nécessitant une intervention du patient pour adapter son alimentation et/ou son traitement de manière anticipée.

→ Surveillance glycémique insuffisante.

→ Erreurs de prise (dose de médicament), d’injection (dose, manipulation du stylo ou de la pompe) ou interactions médicamenteuses (lire l’encadré).

Signes d’alerte

Les manifestations cliniques d’une HG sont très variables d’un sujet à l’autre en fonction de la rapidité de survenue de l’HG, de l’ancienneté du diabète et de la stabilité ou non de l’équilibre glycémique.

→ Symptômes adrénergiques, d’alerte : palpitations, tremblements, sueurs, sensation de faim, vertiges, nervosité.

→ Signes de neuroglucopénie : céphalées, troubles de la concentration et/ou de l’humeur, confusion, crise comitiale, coma :

– surviennent habituellement lorsque la glycémie s’abaisse en deçà de 0,60 g/l ;

– traduisent la carence neuronale en glucose.

À noter : en cas de déséquilibre glycémique chronique, on observe fréquemment une inversion de l’ordre d’apparition des symptômes d’HG, voire une disparition des signes d’alerte adrénergiques chez 20 % des patients diabétiques. Dans ce cas, les signes de neuroglucopénie surviennent en premier, expliquant l’absence de resucrage et la possible évolution vers la perte de connaissance, voire le coma.

Consignes de resucrage en cas d’HG

Principes

Souvent inadapté en quantité et en qualité, le resucrage doit suivre ces quelques principes suivants.

→ Patient adulte : donner 15 g de glucides à index glycémique (IG) élevé (proche de 100 %), soit l’équivalent de trois morceaux de sucre, une cuillère à soupe rase de miel ou de confiture, 150 ml de jus de fruit (hors raisin et banane) ou une demi-canette de soda non light.

→ Enfant : 5 g de glucides par 20 kg de poids corporel.

→ Privilégier des aliments liquides et réfrigérés car ils sont absorbés beaucoup plus rapidement (un petit verre de jus de fruit ou de soda ni light, ni zéro).

→ Contrôler la glycémie après quinze minutes.

→ Si la glycémie est inférieure à 0,70 g/l, renouveler la prise de 15 g de glucides en favorisant les glucides à IG un peu moins élevé (petit beure ou madeleine…).

En cas de malaise persistant ou de perte de connaissance

DT1

→ Appeler le 15, mettre la personne en position latérale de sécurité.

→ Contre-indication absolue du resucrage per os (fausse route).

→ Injecter en sous-cutané ou intramusculaire ou intraveineuse 1 mg de glucagon (0,5 mg pour un enfant âgé de moins de 5 ans ou pesant moins de 20 kg) ; prévoir formation et éducation de l’entourage pour la préparation du mélange et l’injection.

→ Si soignant sur place : injecter en intraveineuse directe deux ampoules de sérum glucosé hypertonique à 30 % (G30).

→ Au décours, identifier la cause de l’HG et prendre les mesures nécessaires (adaptation du traitement et du patient…).

DT2

→ Ne pas donner de glucagon ! Car risque de récidive de l’HG en raison de la sécrétion persistante d’insuline.

→ Perfuser le patient et le maintenir sous surveillance hospitalière en cas de HG profonde et/ou si traitement par sulfamides ou glinides.

→ Identifier la cause de l’HG afin de corriger l’erreur et de prévenir la récidive.

À noter : la persistance d’une sensation de malaise ne doit pas conduire à resucrer le patient sans contrôle de la glycémie car cette impression peut durer plusieurs minutes malgré une glycémie restaurée (risque d’hyperglycémie secondaire).

Rôle infirmier

Il est important d’amener les patients à ne pas diaboliser l’HG mais à ne pas la négliger non plus. Il faut s’assurer que le patient (et si possible son entourage) :

→ connaisse les situations à risque d’HG et comprenne l’utilité du contrôle glycémique pour prévenir la survenue de l’HG ;

→ connaisse les symptômes d’alerte et sache prendre les mesures pour traiter l’HG et adapter son traitement ;

→ ait sur lui en permanence de quoi se resucrer (au moins deux fois) et une carte ou tout autre moyen d’identifier qu’il est diabétique ;

→ optimise son autosurveillance glycémique et tienne son carnet de suivi : c’est un outil de contrôle de l’adéquation des décisions thérapeutiques prises par le patient pour prévenir ou traiter l’HG ;

→ tienne à disposition à son domicile, sur son lieu de travail et ses lieux de loisirs réguliers, des kits de glucagon non périmés (une personne doit être capable de l’administrer en situation d’urgence).

À noter : la gestion du diabète à domicile est complexe car les Idels ne peuvent pas être partout en même temps et au bon moment. Caler les injections par rapport aux repas n’est pas toujours aisé et suppose de donner des consignes précises (prendre une collation notamment) si le soin intervient à plus de trente minutes d’un repas pour éviter la survenue d’une HG.

Médicaments et hypoglycémie

Certains médicaments ou associations médicamenteuses potentialisent l’action hypoglycémiante des sulfamides, ou induisent directement des hypoglycémies. C’est notamment le cas avec le miconazole (Daktarin), certains AINS (dextropropoxyphène : Antalvic, Di-Antalvic, indométacine), la quinine, certains quinolones et tous les médicaments susceptibles d’induire une insuffisance rénale aiguë à l’origine d’une accumulation du médicament et de ses métabolites actifs. Concernant les traitements en libre accès, il n’y a pas de risque particulier à signaler.