L'infirmière Libérale Magazine n° 312 du 01/03/2015

 

PRATIQUE

Actualité

Adrien Renaud  

PSYCHOLOGIE → Pour accepter leur maladie, les patients chroniques doivent effectuer un travail sur eux-mêmes, ce qui peut conduire à la non-observance et compliquer la tâche des soignants.

Au Carrefour infirmier néphrologie, organisé le 22 janvier à Paris par le Réseau de néphrologie d’Ile-de-France (Rénif), les infirmières pouvaient parfaire leurs connaissances sur l’équilibre glycémique, l’insuffisance cardiaque… Mais pour les soignantes, maîtriser ces domaines techniques ne suffit pas à une bonne prise en charge des patients chroniques. Pour répondre aux besoins des malades, il faut aussi comprendre ce qui se passe dans leur tête.

C’est là qu’intervient Colette Aubrée, psychologue au service de néphrologie à l’hôpital Tenon, à Paris. Cette clinicienne a vu défiler dans son bureau bon nombre de patients dialysés non-observants et a partagé son expérience avec les infirmières franciliennes.

Travail de deuil

Quiconque souffre d’une maladie chronique a subi un choc lourd de conséquences au moment de l’annonce de sa maladie. La lourdeur du traitement, la notion d’incurabilité provoquent chez lui une forme de sidération. S’appuyant sur les travaux de sa consœur Anne Lacroix, la psychologue indique que deux réactions sont possibles. La personne concernée peut, après une réaction d’incrédulité, parvenir à intégrer la perte que représente sa nouvelle vie de malade chronique. Ce travail de deuil peut prendre du temps mais c’est, de loin, le cas le plus souhaitable.

D’autres patients peuvent au contraire réagir par l’angoisse, le déni, puis par une forme de résignation. La perte est alors mise à distance, et les risques de non-observance sont accrus. Colette Aubrée cite ainsi l’exemple d’un de ses patients dissimulant sa maladie et refusant la dialyse. Ne parvenant pas à trouver de ressources en lui-même, il envisage un pèlerinage à Lourdes, lui qui n’est pas particulièrement croyant…

Que faire avec cet homme qui a tout entre ses mains pour réussir son traitement, mais qui fuit devant les soins ? Surtout, ne pas lui déconseiller d’aller à Lourdes, indique Colette Aubrée. Toute la difficulté consiste à ne pas rompre le lien. En quelque sorte s’ajuster au patient, l’accompagner à partir de l’endroit où il est, pas à partir de l’endroit où l’on voudrait qu’il soit.