L'infirmière Libérale Magazine n° 312 du 01/03/2015

 

CULTURE

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Claire Pourprix  

DOCUMENTAIRE → La tête d’affiche de La Vie des gens nous a reçus dans son cabinet lyonnais. Pour parler du film, mais aussi de sa passion : son métier qu’elle exerce depuis trente-cinq ans.

« Ce film me fait un grand plaisir, annonce d’emblée Françoise Lainé Mermet-Maréchal. Il redonne aux personnes âgées une vraie considération. On a tendance à donner aux personnes âgées l’image de personnes encombrantes. Or ces images les montrent bien vivantes, elles sont toutes différentes et nous disent quelque chose d’important. Je ne suis pas l’héroïne du film mais un témoin neutre, un fil conducteur. » Séduite par le projet du documentaire La Vie des gens d’Olivier Ducray, l’infirmière libérale a embarqué le jeune homme et son chef opérateur Thibaut Ras chez ses patients sans la moindre hésitation.

« Pas de mise en scène »

« Le tournage s’est passé tout naturellement. Les patients les ont vite adoptés, car ils étaient polis et discrets. » Jusqu’à cette patiente, inquiète à l’idée qu’on lui vole quelque chose, et qui est rapidement « sortie de sa coquille ».

En 2013, deux jours chaque mois, Françoise s’est pliée au jeu. « Je n’étais pas toujours bien coiffée ni apprêtée… Je suis restée naturelle, sans peur d’être jugée. Nous n’avons pas joué la comédie, il n’y avait pas de mise en scène. » Aux critiques entendues çà et là sur le port de bijoux ou le non port de gants, elle répond du tac au tac, sans détour. « Je suis de la vieille école, cela fait trente-cinq ans que j’exerce ce métier. Je porte des gants pour les gestes techniques bien entendu, mais pour une toilette, à quoi bon ? Les patients préfèrent sentir ma peau. Je les masse pour les soulager : est-ce que ce serait aussi efficace avec des gants ? Et franchement, les patients ont déjà bien assez de frais : est-ce nécessaire de leur en ajouter ? »

Françoise a assisté à une seule avant-première, à Dijon. « Lors des échanges, les spectateurs ont apprécié de voir soigner simplement. Ils ont aussi aimé la rencontre avec les personnes âgées. » L’infirmière appréhendait un peu plus l’avant-première programmée le 23 février à Lyon, où étaient conviées les familles des patients et de nombreuses infirmières… Mais passé le trac des premiers instants, tout devait bien se passer.

La mort des cabinets ?

Dans la « vraie vie », seuls 45 % de ses patients à domicile sont des personnes âgées. Parmi sa patientèle, Françoise compte de nombreuses personnes de 50 à 70 ans pour des soins de suite opératoire ainsi que des jeunes, souvent atteints de kystes sacro-coccygiens. Elle intervient à domicile dès 7 heures du matin, parfois jusqu’à 15 heures, pour visiter 20 à 25 malades. « J’offre beaucoup de temps car les gens ont besoin de conseils, de discuter. » Dans son cabinet, son « fief », vêtue de sa blouse blanche, Françoise accueille les patients sans rendez-vous de 18h30 à 19 heures. Satisfaite de son travail comme de son salaire – seuls les pansements lui semblent sous-payés –, l’Idel s’interroge néanmoins sur l’avenir de la profession. Elle plaide pour le développement d’écoles d’auxiliaire gériatrique, pour former des professionnels qui pourraient prendre le relais pour les soins d’hygiène. Et est convaincue de la mort prochaine des cabinets d’infirmière libérale. « Les plateformes de soins vont se développer et nos cabinets seront amenés à disparaître. Ce ne seront plus les mêmes soins mais ils seront sûrement au top au niveau technique… Je ne suis pas nostalgique, il ne faut pas aller contre le progrès ! »