La responsabilité est l’obligation faite à une personne de répondre de ses actes ou de ses omissions en toutes circonstances et d’en assumer les conséquences. La responsabilité de l’infirmière libérale peut donc être engagée de plusieurs façons et chaque type de responsabilité – civile, pénale et disciplinaire – répond à des principes et à des objectifs différents.
Le but recherché de la responsabilité civile est la réparation sous forme de dommages et intérêts d’un préjudice subi.
En effet, selon l’article 1382 du Code civil, « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Cela suppose d’apporter la preuve de la réunion de trois éléments : une faute, un dommage et un lien de causalité, c’est-à-dire un rapport de cause à effet entre la faute reprochée et le dommage subi. S’agissant de la faute, elle peut être simple ou grave, volontaire ou involontaire, résultat d’une action ou d’une omission.
Dans la pratique, le plus souvent, la mise en cause de la responsabilité civile d’une infirmière est le fait d’un patient pour atteinte à son intégrité physique. Il devra démontrer qu’il n’a pas reçu des soins « attentifs, consciencieux ou conformes aux données acquises de la science », selon la formule consacrée par la jurisprudence. Il peut introduire une procédure d’indemnisation pendant un délai de dix ans à compter de la connaissance du dommage ou de la consolidation de son état.
L’erreur dans la compréhension de la prescription. Dans une affaire (CA Paris, 1re Ch B, 6 avril 1990) où le pharmacien, au vu d’une prescription peu lisible, s’était trompé dans la délivrance d’un médicament, les tribunaux ont retenu sa responsabilité, mais également celle de l’infirmière qui avait commis une faute par manque de vigilance en ne vérifiant pas, avant de procéder aux injections, l’adéquation entre le produit et l’ordonnance du médecin. Il appartient bien entendu à toute infirmière de prendre contact avec le médecin traitant en cas de doute sur la rédaction d’une ordonnance.
Autre exemple : la Cour de cassation (Cass. Civ. 1re 6 juin 2000 pourvoi : 97-18082) a confirmé la responsabilité d’une infirmière libérale qui a causé la paralysie du nerf sciatique d’une enfant de 7 ans, ayant entraîné des séquelles, à la suite d’une injection intramusculaire. Les tribunaux lui ont reproché d’avoir pris le risque de faire cette injection, sans la présence de la mère, aidée de la sœur aînée de 14 ans, alors que l’enfant était angoissée et agitée.
Rappelons que toute infirmière libérale a l’obligation, depuis la loi du 4 mars 2002, de souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle.
La responsabilité civile peut être aussi engagée par une collègue dès lors qu’elle estimerait que le comportement d’une autre Idel lui a créé un préjudice. Les exemples classiques : non-respect d’une clause de non-concurrence, détournement de patients. Les dommages et intérêts alors réclamés seront équivalents à la chute du chiffre d’affaires. Encore faudra-t-il prouver le lien de causalité…
La responsabilité pénale a pour objectif de “punir” un comportement jugé dangereux ou illicite par la société. Les affaires d’infirmières “tueuses en série” ayant volontairement donné la mort à leurs patients, très médiatisées, sont heureusement très rares. Le plus souvent, les atteintes à la vie ou à l’intégrité des patients par des soignants sont involontaires et le résultat de maladresse, d’imprudence ou d’inattention. Selon l’article 121-3 du Code pénal, il n’y a certes point de délit ou crime sans l’intention de le commettre. Mais ce même article précise qu’il y a délit « en cas de faute, d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ».
Des peines d’amende et de prison peuvent être prononcées. Notons que la responsabilité pénale peut être recherchée alors même qu’aucun préjudice n’aurait été subi. Il peut en être ainsi en cas de violation du secret professionnel, de la non-assistance à personne en danger ou de la mise en danger d’autrui.
Une infirmière peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire (du blâme à l’interdiction d’exercice) en cas de violation d’une des règles professionnelles issues des articles R. 43121 à R. 4312-89 du Code de la santé publique. Une telle décision sera prise par le conseil de l’Ordre des infirmiers, qui a pour mission, entre autres, de veiller au maintien des principes d’éthique, de moralité, de probité et de compétences indispensables à l’exercice de la profession. Exemple (chambre disciplinaire Île-de-France du 18 décembre 2013) : une infirmière signe un contrat de collaboration avec une collègue installée. Ce contrat prévoit, entre autres clauses, que le contrat puisse être résilié par chaque partie à tout moment avec un préavis de trois mois par lettre recommandée avec accusé réception. La collaboratrice envoie un courrier à la titulaire pour lui dire qu’elle cesse toute collaboration dès le lendemain matin. Le conseil de l’Ordre infirmier a estimé que les raisons invoquées par la collaboratrice ne pouvaient justifier une rupture aussi brutale sans préavis. Il indique que ce comportement caractérisait un manque fautif de confraternité et un manquement aux devoirs envers les patients tels qu’ils résultent des articles R. 4312-26 et 4312-30 du Code de la santé publique et prononce un blâme à l’égard de l’ancienne collaboratrice. La décision est aussi notifiée au procureur de la République et à l’Agence régionale de santé.
Dans toutes ces affaires, qu’elles soient jugées devant les tribunaux pénaux ou civils, les magistrats, dans la majorité des cas, reprennent à leur compte les conclusions des experts mandatés. Jusqu’à il y a quelques années, la pratique infirmière était expertisée par des médecins. Actuellement, des infirmières, ayant suivi un cursus spécial, sont inscrites en qualité d’expertes auprès des cours d’appel et sont ainsi plus à même de donner leur avis sur des actes infirmiers. En tout état de cause, compte tenu de l’importance donnée à la parole des experts, il est vivement recommandé de ne pas se présenter seule aux expertises, mais d’être accompagnée par un soignant qui sera un interlocuteur de l’expert. En cas de mise en cause, il ne faut pas hésiter à se faire accompagner d’un avocat.