Au fond du jardin d’Olivier Vuillemin, une cabane. à l’intérieur, pas d’outils, mais des dizaines et des dizaines de terrariums contenant insectes et reptiles. Ces petites bêtes sont la passion de cet infirmier libéral. Qui les présente plusieurs fois par an dans des expositions.
En entrant dans la cabane, on remarque tout d’abord la multitude de petites vitrines lumineuses remplies de terre et de feuillages d’eucalyptus, de ronces et de fougères. Puis, en tendant l’oreille, un bourdonnement se fait entendre : un coléoptère bat des ailes. C’est seulement en se rapprochant des terrariums que l’on peut alors observer, exposés comme dans un petit musée, des phasmes, des mantes religieuses, des blattes rassemblés par centaines dans un carton, mais aussi des geckos, des caméléons, un pogona, et bien d’autres.
Comme pour de nombreuses passions, celle d’Olivier Vuillemin se révèle pendant son enfance. « Quand j’étais en vacances avec mes parents, je m’amusais à attraper les insectes. C’est le début de ma collection », dit-il. Et comme il cherche une occupation pour l’hiver, il débute un élevage de mantes religieuses et de phasmes. « C’est le propriétaire d’un musée d’insectes de la ville où j’allais en vacances qui m’a donné mes premiers phasmes. » D’ailleurs, Olivier a toujours fonctionné sur ce principe : dépenser le moins d’argent possible en privilégiant les échanges avec les autres passionnés. Sa passion s’est étendue jusqu’aux reptiles : « Je devais faire un échange avec un autre passionné qui m’a proposé un bébé caméléon. J’ai donc commencé ma collection de reptiles. » Une fois marié, Olivier rassemble insectes et reptiles dans une petite pièce de la maison. Puis, quand toute la famille déménage dans une plus grande maison de Wattrelos (Nord), il décide de construire une cabane dans le jardin, uniquement consacrée à ses petites bêtes, et fait également pousser dans son jardin les plantes leur servant de nourriture. Et si Olivier aime ses insectes et ses reptiles, il ne les considère pas pour autant comme de nouveaux animaux de compagnie, les NAC. « C’est une passion, j’aime les voir grandir, mais je ne les caresse pas et je ne leur donne pas de prénoms. »
Outre le plaisir que lui procure le fait de prendre soin de ses insectes et ses reptiles, la passion d’Olivier a également une visée pédagogique. Il participe deux à trois fois par an à des expositions où il amène une partie de sa collection. Et, surtout, depuis onze ans, il organise annuellement à Croix – une commune située à quelques kilomètres de Wattrelos – une exposition pour sensibiliser le public et faire connaître sa passion peu banale. « Avec un ami également passionné d’insectes, nous avons démarché cette commune pour savoir si elle acceptait de mettre à notre disposition une salle pour organiser une exposition sur les insectes et les reptiles », raconte-t-il. Aussitôt dit, aussitôt fait. C’est ainsi que cette exposition de 500 m2 dédiée à la protection de la nature, accessible gratuitement au public, est devenue une tradition qui séduit environ 1 500 curieux chaque année. Et dès 2005, les deux passionnés créent une association, Le peuple de l’ombre
Insectes, serpents, lézards, tortues sont quelques-unes des têtes d’affiche. « L’idée est d’éduquer les adultes et les enfants car nous sommes à la frontière avec la Belgique, où les réglementations sont moins strictes concernant notamment l’achat de reptiles, regrette-t-il. Les gens en font l’acquisition et ensuite s’en débarrassent car ils ne soupçonnent pas qu’il faille autant s’en occuper. L’idée est d’éviter ce genre de situations. » Dans le cadre de l’exposition, interviennent également des apiculteurs pour sensibiliser le public aux abeilles, une association pour la protection des hérissons ou encore des photographes de nature.
Exceptionnellement, cette année, Le peuple de l’ombre n’organise pas d’exposition, car l’objectif est de la délocaliser à Wattrelos. « Nous avons fait une demande à la commune, et en mars 2016, elle mettra à notre disposition une salle de 1 500 m2, se réjouit Olivier. On triple la surface, c’est un nouveau challenge. » Outre le noyau dur de l’exposition, l’idée est d’élargir le type d’intervenants. « Nous allons faire venir des passionnés de plantes carnivores ou de bonzaïs ou encore des aquariophiles. C’est un moyen d’attirer un public passionné par les plantes ou les poissons, qui pourra ainsi découvrir les insectes. » Olivier doit notamment s’assurer que les futurs exposants d’animaux exotiques disposent de l’autorisation des services vétérinaires, car un certificat de capacité pour la détention et la présentation au public est généralement requis. « À chaque exposition, nous contactons les services vétérinaires qui donnent leur autorisation après avoir constaté que les papiers des exposants sont en règle. » L’Office nationale de la chasse et de la faune sauvage peut également intervenir.
Olivier a acquis ses connaissances à l’aide des livres et d’Internet. « Internet a permis de faire un bond en termes d’échange d’informations et de découverte des espèces. » Autant d’espèces qu’il recherche lors de ses séances de chasse nocturne, muni d’une lampe très forte alimentée à l’aide d’un groupe électrogène pour les attirer.
Père de trois petites filles, qui aident notamment au tri des œufs de phasmes, Olivier se rend également dans les écoles, à la demande des instituteurs, afin de parler de sa passion aux plus jeunes. « Les enfants sont ceux que nous pouvons le plus sensibiliser, estime-t-il. C’est un moyen de leur éviter d’avoir peur. » Lors de ses interventions, ils sont très curieux. « Je les fais participer, je leur pose des questions et leur montre comment les insectes grandissent. » Olivier a d’ailleurs conçu lui-même de nombreux cadres montrant l’évolution des insectes, des œufs en passant par la mue, jusqu’à la mort. « Ma démarche est très ludique, je leur donne l’opportunité de les prendre dans leurs mains, et je force la maîtresse à le faire aussi », précise-t-il en riant.
Tous ces insectes accaparent une bonne partie de son temps : changer les végétaux des phasmes, donner des asticots à manger aux mantes religieuses, pulvériser les terrariums, donner à manger aux cafards qui servent eux-mêmes de nourriture aux reptiles. « Quand il faut uniquement les nourrir, j’y consacre entre une demi-heure et une heure tous les jours, sinon, cela peut me prendre jusqu’à deux heures », raconte-t-il. Et d’ajouter : « Je le fais tard le soir ou pendant ma coupure dans ma tournée. »
Olivier a créé sa propre tournée en 2006 et sa maison médicale en 2014. Beau parcours pour quelqu’un qui ne se destinait absolument pas à l’exercice de ce métier. Après le baccalauréat, il s’oriente – rien de surprenant – en faculté de biologie. « Seule la biologie m’intéressait. » Il décide d’une réorientation pour devenir masseur-kinésithérapeute, mais échoue au concours. À l’époque, il est possible d’intégrer l’école de kinésithérapie après avoir validé une première année d’Ifsi. Olivier fait ce choix et suit son cursus en Belgique, sa future épouse ayant décidé de faire ses études d’infirmière à Mouscron, une commune belge située à la frontière. « Contre toute attente, dès le premier stage, ce métier m’a plu et j’ai décidé de continuer jusqu’à l’obtention du diplôme européen. » Une fois diplômé, il exerce dans un centre de soins à domicile en Belgique pendant trois ans environ, avant de venir exercer en France, à l’hôpital de Tourcoing en service de médecine puis aux urgences, ce qui l’a beaucoup aidé en termes de gestion de stress. « Mon épouse était également infirmière à l’hôpital, explique-t-il. Donc pour la vie de famille, ce n’était pas pratique. On s’échangeait nos filles sur le parking de l’hôpital… » Olivier décide alors de s’installer en libéral. En novembre 2005, il rejoint une infirmière libérale qui cherche un collaborateur. « J’ai seulement travaillé trois mois avec elle, car je n’aimais pas sa façon de faire, elle cherchait surtout à abattre le travail. » Il la quitte pour fonder son propre cabinet en mars 2006. Au départ, il a un, puis deux patients, et en attendant que le bouche-à-oreille fonctionne, il effectue en parallèle des remplacements dans d’autres cabinets de la commune. Ce qui lui plaît dans le libéral ? Le contact avec les patients et la capacité offerte aux infirmiers de pouvoir faire de plus en plus de soins techniques. « Puis j’ai pris en charge une patiente atteinte d’une sclérose en plaques qui avait de nombreuses escarres. J’ai réussi à les soigner et le médecin, satisfait de mon travail, m’a alors recommandé. » Désormais, il a une cinquantaine de patients par jour, qu’il prend en charge avec sa belle-sœur, devenue son associée il y a sept ans. « Je voulais être sûr de travailler avec quelqu’un qui fonctionne de la même façon que moi car, dans les premiers temps d’une association, il y a souvent une bonne entente entre les infirmiers, mais la relation se dégrade par la suite. C’est exactement ce que je voulais éviter. »
Depuis un peu plus d’un an, la pratique est devenue une vraie histoire de famille. « Avec les normes accessibilité, on ne pouvait pas rester dans notre ancien cabinet car le propriétaire ne voulait pas faire les travaux, ni nous céder le local. On a donc décidé d’acheter une maison afin de créer une maison médicale. » Son épouse, infirmière, sa belle-sœur et associée, son frère, ambulancier, et Olivier se partagent donc les parts de la société. Depuis, trois médecins ainsi qu’une pédicure-podologue ont rejoint les locaux. « On a ciblé les médecins qui exerçaient seuls et qui ne pouvaient pas mettre leur cabinet aux normes accessibilité, explique Olivier. On leur a loué leur cabinet sur plans afin qu’ils décident, pendant les travaux, de ce dont ils avaient besoin dans leur pièce. » Et d’ajouter : « J’ai fait de nombreux travaux dans la maison médicale : détapissage, abattage et reconstruction des murs, peintures. » En janvier 2014, la maison médicale a ouvert ses portes.
* Pour plus d’informations sur l’association d’Olivier Vuillemin : www.lepeupledelombre.com