L'infirmière Libérale Magazine n° 312 du 01/03/2015

 

Cahier de formation

Savoir

Sous le terme de “troubles anxieux”, sont associés à divers degrés des signes psychiques et somatiques. En envahissant l’existence du patient, ils peuvent constituer un handicap quotidien. Leur traitement repose sur l’accompagnement psychothérapique et l’administration d’un antidépresseur, éventuellement associé à un anxiolytique sur une courte période.

GÉNÉRALITÉS

Émotion banale, l’anxiété se traduit par un sentiment de crainte et de mise en alerte de tout l’organisme qu’accompagnent divers symptômes neurovégétatifs (tremblements, sueurs, etc.). Lorsqu’elle constitue un signal d’alarme permettant à l’organisme de réagir face à une menace, elle a une pleine justification biologique et contribue à éviter un danger. Toutefois, il arrive qu’une réaction anxieuse survienne en l’absence de cause objective ou “rationnelle” : dépassant son objectif et inadaptée, souvent durable, elle s’accompagne d’un comportement désordonné, incontrôlé et de signes physiques pouvant suggérer une pathologie somatique et orienter de ce fait vers un diagnostic erroné : il s’agit alors d’un trouble anxieux, pathologie mentale la plus fréquente. Compte tenu de sa fréquence, il importe de le prendre en compte au quotidien, car il peut parfois constituer une véritable “gêne” au soin, face à des patients susceptibles de redouter les traitements médicamenteux (d’autant plus que l’actualité dans ce domaine peut être facilement angoissante, comme l’affaire du Médiator) ou les actes de soins (phobie rendant difficile une prise de sang). Il est d’ailleurs quasiment de règle d’administrer un anxiolytique en prémédication avant un acte de chirurgie, même bénin.

PHYSIOPATHOLOGIE

Les troubles anxieux ont une origine complexe, associant des facteurs individuels (susceptibilité génétique probablement variable selon le type de trouble), environnementaux et culturels. Faute d’une meilleure compréhension de leur origine, la classification met sur un même plan des troubles dont l’étiologie paraît surtout biologique (trouble panique) et des troubles où l’interaction avec l’environnement domine (phobies).

Les dysrégulations neuronales à l’origine de l’anxiété pathologique font intervenir, dans le système nerveux central, les mono-amines (dopamine, sérotonine, etc.) et de nombreux acides aminés excitateurs. Certains auteurs tentent de distinguer les troubles anxieux en fonction de différences neurobiologiques : le trouble panique et le syndrome de stress post-traumatique s’associeraient à des anomalies de la transmission mono-aminergique alors que le trouble obsessionnel compulsif (TOC), le plus “neurologique” des troubles anxieux (et, probablement de ce fait, le plus résistant au traitement), résulterait notamment d’une hyperactivité glutamatergique dans le cortex préfrontal. Pour autant, la physiopathologie des troubles anxieux demeure mal comprise, d’autant qu’il est certain qu’elle implique simultanément plusieurs types de neuromédiateurs.

CLINIQUE

Quel qu’il soit, un trouble anxieux associe en proportion variable selon l’individu et le contexte :

→ des signes psychiques : sensation de malaise, d’angoisse, de tension interne, de dépersonnalisation, de déréalisation, de mourir… ;

→ des signes neurovégétatifs diversifiés : crampes musculaires, tremblements, paresthésies, douleurs abdominales, nausées, vomissements, troubles du transit, sueurs, bouffées de chaleur, sensation d’oppression thoracique, dyspnée, syndrome d’hyperventilation, palpitations cardiaques et précordialgies, tachycardie, sensation de “boule” dans la gorge (“globe hystérique”), céphalées, vertiges, instabilité à la marche, polyurie, pollakiurie, etc. L’intensité de ces symptômes peut faire suspecter une pathologie somatique.

DIAGNOSTIC

→ Le patient anxieux, conscient du caractère irrationnel et pathologique de son trouble, le dissimule souvent longtemps, même s’il constitue parfois un drame quotidien. Ceci explique que la prévalence des troubles anxieux en population générale reste sous-évaluée en raison de la réticence à consulter. C’est l’évolution morbide qui finit par offrir l’occasion de poser un diagnostic : le patient consulte son médecin traitant ou un psychiatre (ou lui est présenté s’il s’agit d’un enfant) lorsque sa souffrance psychique a un retentissement majeur dans son existence et qu’elle devient handicapante. Il est essentiel de traiter le trouble avant qu’il ne soit à l’origine de comorbidités telles qu’une dépression ou une conduite addictive (alcool notamment).

Le diagnostic porte sur la nature comme les conséquences du trouble : antécédents, période d’apparition, traumatisme psychique ancien ou récent, usage de substances anxiogènes (café, alcool), voire de certains médicaments (antiparkinsoniens, yohimbine, disulfirame, varénicline – Champix -, bupropion - Zyban -, etc.) ou sevrage de substances anxiolytiques, intensité des signes, comorbidités psychiques (troubles de l’humeur, psychotiques, de la personnalité, conduite addictive, etc.), signes d’accompagnement et troubles associés (signes neurovégétatifs, céphalées, côlon irritable, etc.). Il s’agit entre autres de savoir si l’anxiété est d’origine intrinsèque (biologie) ou extrinsèque (un soin qui peut faire peur). Le médecin élimine une étiologie organique (dysthyroïdie, hypoglycémie, phéochromocytome, etc.). Le diagnostic différentiel permet d’éliminer un trouble de l’humeur fréquemment associé à de l’anxiété (la clinique du trouble anxieux généralisé évoque souvent une dépression : sensation d’épuisement, fatigabilité, troubles de la concentration, du sommeil, irritabilité) ou une anxiété secondaire à une psychose.

TYPOLOGIE DES TROUBLES ANXIEUX

La clinique distingue six types de troubles anxieux en fonction des conditions de leur survenue et/ou de leur symptomatologie et/ou de leur durée. Plusieurs de ceux-ci peuvent coexister (trouble anxieux généralisé et trouble phobique par exemple).

Attaque de panique

Banale, notamment chez un patient présentant une agoraphobie, il s’agit d’un épisode anxieux atteignant son acmé en une dizaine de minutes pour se résoudre spontanément en une demi-heure à une heure : jadis, cet épisode était appelé “crise d’angoisse”. Survenant dans un contexte de vulnérabilité biologique activée par un stress, l’attaque de panique est fréquente chez le sujet ayant une personnalité anxieuse. Elle associe les signes communs à tous les troubles anxieux, mais qui sont ici paroxystiques : sentiment de catastrophe ou de mort imminente, déréalisation, vertiges, syncope, douleurs thoraciques évoquant un angor, troubles du rythme cardiaque, sécheresse buccale et striction de la gorge, nausées, paresthésies, vertiges, etc. Le patient, désorganisé, parfois violent ou, au contraire, prostré, cherche souvent à échapper à la situation anxiogène par la fuite, voire parfois par un geste aussi extrême qu’un raptus suicidaire.

Trouble panique

Caractérisé par la survenue d’attaques de panique récurrentes (au moins quatre en un mois ou une avec anxiété anticipatoire persistant un mois), spontanées, survenant hors d’un contexte de danger, le trouble panique est proche de ce qui a longtemps été appelé, en France du moins, la “spasmophilie”. Survenant dans un contexte de stress (séparation, décès d’un proche, maladie ou en association à une pathologie organique), parfois au décours d’un effort physique intense (perturbant la gazométrie sanguine), il est souvent à l’origine d’une intense anxiété anticipatoire expliquant que le sujet réorganise son existence pour échapper aux situations induisant les attaques. Il est induit ou renforcé par des modifications ventilatoires avec hyper- ou hypoventilation, d’où l’intérêt préventif des techniques de contrôle respiratoire.

Anxiété généralisée ou trouble anxieux généralisé

Associant des signes d’anxiété constants depuis au moins six mois et ne relevant pas des étiologies propres aux autres troubles anxieux (phobie, obsession, etc.), le TAG est dominé par l’agitation, la fatigue, l’irritabilité, le manque de concentration, les troubles du sommeil, la tension musculaire. Il apparaît progressivement, généralement avant 20 ans. Il est associé à un trouble phobique, rarement à un TOC. Sa chronicité altère souvent l’activité sociale et professionnelle.

Syndrome de stress post-traumatique

Son diagnostic repose sur la chronicité de signes ayant pour origine un traumatisme (catastrophe naturelle, guerre, viol, agression, accident) : syndrome de répétition (rêves, flash-back, rumination mentale, sentiment de colère, parfois de culpabilité), insomnies, attaques de panique, hypervigilance, hyperactivité neurovégétative, évitement de situations rappelant le trauma (inversement, un intérêt morbide pour ce qui le rappelle est parfois décrit), détachement de nombreuses activités, émoussement affectif, repli sur soi avec fréquente dépendance à l’entourage, revendications de réparation ou de réhabilitation. L’évolution de ce trouble, qui peut apparaître de quelques jours à quelques mois voire parfois plus d’un an après le traumatisme, voit alterner des phases de rémission et d’exacerbation liées à l’environnement ou à l’actualité. Il induit volontiers une addiction (alcool, anxiolytiques) ou une dépression.

Troubles phobiques

→ Les phobies sont des peurs irrationnelles centrées sur une situation (être en hauteur avec “attirance” pour le vide, être enfermé, être blessé, être pris sous un orage, être disgracieux, etc.), une activité (prendre l’avion, conduire), un objet (escalier roulant, couteau), un animal (araignée, insecte, serpent, pigeon, chat, microbes).

→ Le plus fréquemment toutefois, la phobie, dite alors “sociale”, se traduit par la crainte de rougir en public (érythrophobie), d’être humilié, de prendre la parole, d’être ridicule, d’être présenté à quelqu’un, de parler à un supérieur hiérarchique, de manger en public, etc. Non moins fréquemment, elle peut être suscitée par la foule, les transports en commun, les espaces confinés (ascenseur, avion).

→ Les premières manifestations phobiques surviennent dans l’enfance (phobies simples) ou l’adolescence (phobies sociales, agoraphobie). Le patient finit par craindre de se retrouver dans une situation suscitant une réaction phobique que traduit souvent une attaque de panique : cette anxiété anticipatoire explique qu’il fasse tout pour l’éviter, même au prix de difficultés sociales ou professionnelles. Une phobie peut fréquemment se compliquer de dépression et finir par constituer un handicap social et professionnel.

Trouble obsessionnel compulsif

→ Les TOC « font partie des troubles anxieux mais n’ont en commun avec les autres troubles […] que la souffrance émotionnelle », écrivions-nous dans notre cahier de formation du numéro 235 (mars 2008). Ils associent des obsessions et des compulsions.

→ Une obsession est une idée ou une image irrationnelle ou incongrue faisant irruption dans la pensée et s’imposant au patient. Cette idéation dont le thème le plus fréquent est celui de la contamination, de la souillure ou de l’agression, est envahissante, incessante et douloureuse psychiquement en raison des efforts épuisants déployés, en vain, pour la chasser de l’esprit.

→ Les compulsions sont des actes délibérés et inutiles visant à neutraliser les obsessions (rituels de vérification, conjuration, rangement, lavages ; comportement d’accumulation).

→ Certaines obsessions sont plus fréquemment associées à certaines compulsions. Par exemple, une peur de la contamination entraîne des lavages incessants des mains.

→ S’installant souvent progressivement mais parfois dès l’enfance, le TOC reste longtemps dissimulé par le patient qui a conscience du caractère irrationnel de ses idées et de l’incongruité ou de l’inadaptation de ses pratiques. Se compliquant fréquemment d’une dépression et pouvant revêtir une symptomatologie très handicapante, il peut conduire au suicide.

PRISE EN CHARGE

→ Le traitement d’un trouble anxieux relève d’une prise en charge multimodale incluant des mesures psychothérapeutiques. La prise en charge est généralement ambulatoire, mais les crises sévères peuvent relever d’une hospitalisation. Les troubles chroniques sévères (TOC, TAG, stress post-traumatique) peuvent être également suivis dans des Centres médico-psychologiques (CMP), dispositifs rattachés à un hôpital psychiatrique proche.

→ Si le patient, présentant des symptômes modérés à sévères, n’est pas accessible à une psychothérapie, si elle ne semble pas souhaitable ou si elle n’apporte pas à elle seule un bénéfice suffisant, il est légitime d’envisager la prescription d’un antidépresseur, associé temporairement, si besoin, à un anxiolytique. La posologie est adaptée au patient (insuffisance rénale ou hépatique, âge), à la puissance de la molécule et à la symptomatologie. Ce traitement médicamenteux est poursuivi au moins six mois à un an, parfois deux ans (trouble panique) ou plus encore (TOC) avant de constater une régression puis la disparition de la symptomatologie justifiant alors sa réduction progressive : une guérison définitive reste toutefois difficile à obtenir et des récurrences sont toujours possibles.

Médicaments

Le traitement d’un trouble anxieux repose sur une prise en charge psychothérapique (thérapie cognitivo-comportementale). Lorsqu’elle se révèle insuffisamment active ou difficile à mettre en œuvre, ce sont les antidépresseurs qui en constituent le fondement. Les anxiolytiques devraient rester destinés à l’urgence (anxiété réactionnelle) ou constituer un simple relais avant que les antidépresseurs ne soient suffisamment actifs – désormais banalisé, leur usage constitue un problème de santé publique.

Antidépresseurs : un traitement de fond

→ Les antidépresseurs constituent la base du traitement pharmacologique du trouble anxieux : leur efficacité est reconnue depuis les travaux du psychiatre américain Donald F. Klein dans les années 1970. Leur effet anxiolytique est indépendant de leur action antidépressive mais leur action sur l’anxiété nécessite au minimum trois à cinq semaines pour se développer. Par rapport aux tranquillisants “classiques” que sont les benzodiazépines (BZD), les antidépresseurs n’exposent ni à risque de dépendance (difficulté à se priver du traitement), ni à risque de tolérance (besoin d’augmenter la dose utilisée).

En raison de leur bonne tolérance, les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) sont les antidépresseurs les plus étudiés dans le trouble anxieux. Escitalopram (Séroplex) et paroxétine (Déroxat, Divarius) ont le “spectre” d’action anxiolytique couvert par leur AMM le plus étendu, à des posologies respectives de 10 à 20 mg par jour et de 20 à 60 mg par jour, mais le médecin peut aussi recourir à la fluoxétine (Prozac), à la sertraline (Zoloft), au citalopram (Séropram) ou à la fluvoxamine (Floxyfral). Ils sont prescrits en première ligne, en association ou non avec une psychothérapie, à une posologie et sur une durée toutes deux supérieures à celle préconisée dans le traitement de l’épisode dépressif. Agitation, nervosité, troubles gastro-intestinaux, augmentation paradoxale de l’anxiété, insomnies compromettent la compliance pendant les premiers jours du traitement : ces effets sont atténués par une augmentation progressive de la dose. La tolérance à long terme est satisfaisante et les effets indésirables réduits : risque de syndrome d’hypersérotoninergie, hyponatrémie, dysfonction sexuelle, syndrome d’interruption (nausées, vertiges, céphalées, troubles du sommeil).

→ Par ailleurs, deux antidépresseurs d’action dite “duale” bénéficient d’une indication dans l’anxiété. La venlafaxine (Effexor) a un profil thérapeutique voisin de celui des IRS : elle est indiquée dans le traitement du trouble panique, du trouble anxieux généralisé et dans l’anxiété sociale (75-225 mg/j). La duloxétine (Cymbalta) est indiquée, en France, dans le traitement du trouble anxieux généralisé (30-120 mg/j).

→ Enfin, un antidépresseur tricylique bénéficie d’une indication dans l’anxiété : la clomipramine (Anafranil). Elle peut être prescrite dans le traitement du TOC (75-250 mg/j) et dans la prévention des attaques de panique (20-50 mg/j) mais elle est réservée à un usage de deuxième ou troisième ligne car ses effets indésirables le rendent moins maniable que les antidépresseurs précédents : elle expose en effet à des signes anticholinergiques et à une toxicité cardiaque.

Anxiolytiques : intérêt limité

Les anxiolytiques ne devraient pas, sauf exception psychiatriquement justifiée, être administrés sur des périodes prolongées.

Benzodiazépines

Les BZD manifestent, de façon variable selon la molécule administrée, une action anxiolytique, sédative, hypnotique, myorelaxante, anticonvulsivante et amnésiante. Cette action, exercée sur l’hypothalamus et le système limbique, supprime ainsi les réponses émotionnelles psychiques mais aussi somatiques (troubles neurovégétatifs évoqués précédemment). L’activité étant immédiate, leur administration évite le rebond anxieux parfois observé en début de traitement antidépresseur. Toutefois, si elles bénéficient d’une tolérance satisfaisante, leur usage n’en est pas moins dénué de risques :

→ il expose à un risque de somnolence, de diminution des performances psychomotrices (prudence, donc, sur la route ou en cas de travail posté), de trouble de la mémorisation à court terme (prudence chez le sujet âgé ou chez l’étudiant passant un examen), de confusion mentale, de chute (avec risque de fracture, notamment chez le sujet âgé), de comportement paradoxal (agitation, hostilité, etc.) et parfois à un risque de parasomnies). L’association à l’alcool potentialise ces signes ;

→ il expose à un risque de dépression respiratoire (sujet âgé ou fragilisé, association à des médicaments dépresseurs de la respiration : antalgiques opiacés dont le tramadol notamment) ;

→ il expose, lors d’un arrêt brutal, à un “rebond” d’anxiété (plus marqué au décours de l’administration de doses fortes) ;

→ il expose à un risque de tolérance (accoutumance) et de dépendance (lire aussi p. 38).

Buspirone

Cet anxiolytique actif sur les récepteurs sérotoninergiques a une action sédative moins intense que les BZD ; il n’exerce ni action myorelaxante, ni action anticonvulsivante. La buspirone, indiquée dans l’anxiété réactionnelle et l’anxiété généralisée (15-20 mg/j en deux ou trois prises, sans excéder 60 mg), a un inconvénient relatif : elle agit en environ deux semaines.

Hydroxyzine

L’hydroxyzine (Atarax) est indiquée dans les manifestations mineures de l’anxiété. Elle expose à des effets anticholinergiques (sécheresse buccale, troubles de l’accommodation visuelle, etc.) et à une sédation : il faut éviter de l’associer à un autre médicament anticholinergique comme à un dépresseur du système nerveux central. Elle est contre-indiquée en cas de glaucome à angle fermé ou de rétention urinaire liée à un trouble urétro-prostatique.

Psychothérapie

La dichotomie longtemps prééminente entre la pensée et le fonctionnement neurobiologique du cerveau a eu des conséquences au niveau des modalités de diagnostic (origine endogène ou exogène) et de traitement des maladies mentales (psychothérapie, pharmacothérapie). Cette position est toutefois arbitraire puisque la maladie mentale a une origine multifactorielle.

Face à un trouble anxieux, il est indispensable de prendre en compte deux niveaux complémentaires : le niveau biologique (modifications dans la neurotransmission d’origine génétique, environnementale, toxique, etc.) relevant d’une réponse médicamenteuse, et le niveau psychoaffectif qu’illustre la parole du patient exprimant son vécu des ruptures, des deuils, des conflits, des violences subies, son angoisse, sa culpabilité et sa perte d’estime de soi, mais aussi ses capacités de résilience, pris en compte par la psychothérapie (psychothérapie d’inspiration analytique ou thérapie cognitivo-comportementale, TCC, notamment). Il y a donc complémentarité du traitement médicamenteux et psychothérapique. Des méta-analyses récentes confirment la place de la psychothérapie dans la prise en charge d’un trouble anxieux : elle peut être aussi efficace que le médicament dans les présentations légères à modérées ; son association à un traitement médicamenteux en augmente l’efficacité lorsque ce dernier est indispensable (surtout dans le trouble panique et le TOC).

La réponse thérapeutique adaptée au type de trouble

La réponse thérapeutique, qui peut donc mêler médicaments et psychothérapie, se distingue selon le type de trouble anxieux. Pour les troubles légers à modérés, une psychothérapie est généralement le traitement de choix.

→ Attaque de panique. Une attaque de panique isolée ne constitue pas un trouble anxieux et ne requiert pas de traitement : une simple réassurance psychologique suffit. Face à des signes sévères, l’administration ponctuelle d’une BZD d’action rapide (alprazolam, Xanax) est possible. En revanche, une anxiété anticipatoire (crainte d’une nouvelle attaque) et/ou des évitements phobiques peuvent justifier un traitement par antidépresseur.

→ Trouble panique. Le traitement du TP est instauré le plus précocement possible pour éviter le développement de phobies multiples ou d’une dépression. Si la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) constitue ici une réponse de choix, les techniques de relaxation, un apprentissage de la régulation ventilatoire, un exercice physique modéré régulier sont aussi recommandés. La prescription d’un antidépresseur, exceptionnelle, s’associe toujours à une psychothérapie.

→ Anxiété généralisée. Le traitement médicamenteux du TAG?n’a d’intérêt que si la symptomatologie est sévère : la TCC constitue l’unique modalité de traitement d’un TAG léger à modéré et elle reste associée aux médicaments dans les présentations sévères. Le traitement est poursuivi pendant au moins six mois (TCC : souvent 12 à 25 séances de 45 minutes environ). Dans cette situation, les BZD sont préconisées si les symptômes physiques dominent. Lorsque ce sont les signes psychiques qui dominent au contraire, ou en cas de contre-indications aux benzodiazépines, il sera possible de recourir à la buspirone ou à un antidépresseur. Si ce traitement s’avère actif après quatre à six semaines de suivi régulier, il est poursuivi quatre à douze semaines (BZD) ou trois à six mois (buspirone, antidépresseur).

→ Syndrome de stress post-traumatique. Le traitement de ce trouble anxieux inclut la TCC mais aussi l’hypnose ; l’absence d’amélioration ou une amélioration insuffisante au terme d’une vingtaine de séances de psychothérapie font indiquer la prescription de paroxétine ou de sertraline, voire de clomipramine, à laquelle pourra même être ajouté un antipsychotique (olanzapine, rispéridone ou autres). Le traitement est poursuivi douze à vingt-quatre mois.

→ Phobie sociale. Une TCC (individuelle ou de groupe) peut être prescrite isolément, et améliore le succès du traitement antidépresseur réservé aux formes sévères. Le traitement prend en compte les comorbidités souvent associées : dépression, attaque de panique, alcoolisme, addictions…

→ Phobies spécifiques. La plupart des patients souffrant de phobie (s) spécifique (s) ne consultent pas, sauf lorsque la phobie se révèle handicapante. Elle relève alors d’une psychothérapie.

→ Trouble obsessionnel compulsif. Le fait pour un patient de se représenter la nature de son TOC peut lui permettre de réguler son angoisse : le moyen mis en œuvre pour supprimer le trouble est à évaluer au cas par cas par le spécialiste.Ce trouble anxieux répond moins favorablement que les autres à la prescription d’un antidépresseur : la TCC s’impose comme un traitement de choix (généralement 25 séances de 45 minutes). Une rémission est obtenue dans 70 % des cas environ au terme de 24 semaines, mais le traitement est souvent pérennisé plusieurs années, voire de façon indéfinie. Une résistance (après plusieurs années de suivi correct du traitement antidépresseur à très forte dose, sans amélioration significative) fait indiquer une stimulation magnétique transcrânienne, une neurostimulation profonde, voire de la neurochirugie.

À noter : il est déconseillé, sauf exception, de recourir aux anxiolytiques chez un enfant ou un adolescent présentant un trouble anxieux : le traitement repose idéalement sur une prise en charge psychothérapique prolongée. En revanche, ces médicaments peuvent être administrés chez l’enfant pour répondre à une anxiété ponctuelle ne s’inscrivant pas dans le registre des troubles anxieux tels que les définit la psychiatrie : prémédication avant anesthésie générale, manifestations anxieuses au coucher (hydroxyzine)…

En chiffres

→ En France, l’ensemble des troubles anxieux a une prévalence sur la vie entière d’environ 21 %.

→ Plus en détail, cette prévalence dans la population est de 6 % pour le trouble anxieux généralisé, 3 % pour le trouble panique, 1,8 % pour l’agoraphobie, 4,7 % pour la phobie sociale, 11,6 % pour la phobie spécifique, 3,9 % pour le stress post-traumatique.

→ La fréquence des troubles anxieux est deux fois plus élevée chez la femme que chez l’homme.

Source : HAS (2007), Guide ALD : “Affections psychiatriques de longue durée  - Troubles anxieux graves”.

Point de vue

Crucial diagnostic différentiel

Gregory Bouiges, cadre de santé, Centre hospitalier Henri-Laborit (Poitiers)

« Le patient accueilli en hôpital général peut être adressé à un infirmier d’une unité d’accueil médico-psychologique s’il est admis dans un contexte de passage à l’acte suicidaire ou dès qu’il présente des signes évocateurs d’une pathologie psychiatrique. Il est fréquent que des signes, parfois très alarmants, au plan somatique, – et inquiétant donc le patient comme ses proches – inaugurent un trouble anxieux ou lui soient associés. Le diagnostic différentiel revêt alors une extrême importance face à une symptomatologie évoquant un infarctus, une crise d’asthme, un syndrome digestif, ou toute autre pathologie qu’il conviendra d’éliminer avant d’instaurer un traitement d’urgence de la crise anxieuse, souvent par voie orale, parfois par voie injectable. Un bilan plus approfondi est réalisé une fois que le patient, calmé, est redevenu réceptif à un entretien permettant de mieux cerner l’origine du syndrome anxieux. »

Question de parent

Mon fils Yoan a peur du noir. Dormant mal et avec une petite lumière allumée, il est plutôt fatigué le matin. Est-ce normal à 15 ans ?

La peur du noir, banale chez l’enfant de 2 à 8-9 ans, peut prendre un aspect pathologique et constituer une phobie (nyctophobie ou scotophobie). Symptôme de la peur des dangers que pourrait occulter l’obscurité, elle est tenue par certains psychanalystes comme une expression de l’angoisse de séparation. Cette phobie cesse en général entre 8 et 12 ans. Si elle persiste, ou si elle est ravivée par un événement traumatisant, elle peut justifier, si elle devient source d’anxiété ou d’épuisement (impossibilité de dormir dans une pièce suffisamment obscure), une psychothérapie cognitivo-comportementale car elle traduit l’existence d’un conflit interne révélée par l’obscurité qui confronte l’individu à son “monde” intérieur. Cette peur n’est autre que celle de soi-même.

Point de vue

« L’anxiété, un phénomène d’origine aussi sociale »

Brigitte Lecointre, Idel à Nice (Alpes-Maritimes), membre de notre comité scientifique

« Aujourd’hui, l’infirmière libérale est confrontée à des situations de soins de plus en plus complexes liées au vieillissement, à l’isolement social et familial, à la précarité et à la fragilité. Vieillir, voir vieillir ses proches, peut s’avérer anxiogène aussi bien dans la gestion du quotidien que dans un accompagnement affectif soutenant. De même, la précarité génère des craintes existentielles à propos de l’avenir. C’est un phénomène sociétal, et les réponses les plus adaptées viendront autant de nos institutions que des professionnels de santé qui peuvent repérer les signes précocement et définir le niveau d’anxiété. Il existe aussi une anxiété de source “médicale” : les médecins traitants, moins nombreux, surchargés de travail, ne sont sans doute plus aussi disponibles. Plus largement, d’un point de vue social, il peut exister une grande solitude génératrice d’anxiété, en raison d’un manque d’amour, d’un déficit de liens familiaux et d’une banalisation du diagnostic. »

Point de vue

« Difficile de détecter un trouble anxieux en fin de vie »

Kim Sadler, infirmière clinicienne en soins palliatifs à l’Hôpital général juif de Montréal (Canada), doctorante en psychologie clinique

« Il est souvent difficile de poser un diagnostic de trouble psychologique en fin de vie. D’abord, beaucoup de signes et de symptômes présents peuvent être attribuables à la maladie terminale et à ses traitements. Ensuite, la distinction entre un trouble psychologique, comme l’anxiété et la dépression, et une souffrance existentielle, est difficile à établir. […] Soulignons [par ailleurs] la perception erronée voulant qu’une détresse en fin de vie soit normale, de même que le sentiment d’impuissance et les angoisses des soignants à propos de la maladie et de la mort, ainsi que certaines lacunes dans leurs connaissances et leurs habiletés. »

Extraits de “Dépression, anxiété et souffrance existentielle en fin de vie – Des réalités oubliées”, dans le journal de l’Ordre des infirmiers du Québec, novembre-décembre 2014 (lien raccourci : bit.ly/1zGTUY5).

Un recours aux antidépresseurs non optimal

« Les données de recours aux soins de l’Assurance maladie semblent montrer un usage non optimal [des antidépresseurs]. Alors que la Haute Autorité de santé et l’Agence nationale de sécurité du médicament recommandent une durée de traitement d’au moins six mois et d’un arrêt progressif, plus de la moitié des nouveaux patients (régime général) qui ont débuté un traitement en 2011 n’ont eu qu’une à deux délivrances d’antidépresseurs (correspondant à un ou deux mois de traitement). Ces écarts […] peuvent en partie s’expliquer par l’abandon du traitement, spontané ou à la suite d’effets indésirables, mais aussi par la complexité dans l’établissement du diagnostic de la dépression. »

Source : rapport “Charges et produits pour l’année 2015” de la Cnamts (lien raccourci : bit.ly/1t8BWcu).

Remboursement des hypnotiques : une baisse drastique

Depuis la fin de l’année passée, le remboursement des hypnotiques dérivés des benzodiazépines ou apparentés (estazolam, Nuctalon ; loprazolam, Havlane ; lormétazépam, Noctamide ; nitrazépam, Mogadon ; témazépam, Normison ; zolpidem, Stilnox ; zopiclone, Imovane) n’est plus pris en charge par la solidarité nationale qu’à hauteur de 15 % au lieu de 65 % (JO du 14 novembre 2014).

Point de vue

« Utiliser des médicaments moins évidents »

Pr Nemat Jaafari, psychiatre, chef de service, unité de recherche clinique Pierre-Deniker, Centre hospitalier Henri-Laborit (Poitiers)

« Le spécialiste doit savoir recourir, face à un trouble anxieux résistant, à des alternatives médicamenteuses. La prégabaline (Lyrica), avant tout indiquée comme anti-épileptique et dans le traitement des douleurs neuropathiques, l’est également dans le traitement du TAG (150 à 450 mg voire 600 mg/j en deux ou trois prises) à un index thérapeutique satisfaisant : il ne faut pas oublier d’adapter la prescription hypoglycémiante lorsqu’elle induit une prise de poids chez un patient diabétique et savoir qu’elle peut induire des vertiges en début de traitement (risque de chute) ainsi que des trouble de la vision transitoires et cédant à l’arrêt de l’administration. L’arrêt du traitement est toujours progressif, sur une semaine au minimum. D’autres anticonvulsivants normothymiques sont évoqués dans les recommandations internationales (topiramate, lévétiracétam, etc.) : leur prescription dans le traitement d’un trouble anxieux, hors AMM en France, reste affaire de spécialiste. »

Je cote à la nomenclature

→ Une infirmière est rarement appelée à domicile uniquement pour la prise d’un traitement anxiolytique ou antidépresseur. Quant à l’aspect relationnel du soin (qui peut aider contre un trouble anxieux), il n’est pas pris en charge. On peut toutefois rappeler ce point de la NGAP :

Surveillance et observation d’un patient lors de la mise en œuvre d’un traitement ou de la modification de celui-ci, sauf pour les patients diabétiques insulino-dépendants, avec établissement d’une fiche de surveillance, avec un maximum de quinze jours, par jour : AMI 1.

Homéopathie, acupuncture…

→ Largement utilisée dans la gestion des troubles anxieux, l’homéopathie impose un suivi rigoureux par un spécialiste compétent. De nombreuses spécialités sont prescrites dans des domaines parfois spécifiques : Ambra grisea 15 CH (prévention des palpitations), Gelsemium 9 CH (anxiété chronique), Aconitum napellus 15 à 30 CH (attaque de panique), Argentum nitricum 9 CH (phobies), Arsenicum album 15 CH (angoisses, peur de la solitude), Coffea cruda 9 CH (troubles du sommeil par hyperactivité cérébrale), Valeriana 1 DH (insomnie simple), Nux vomica 9 CH (insomnie par angoisse), etc.

→ L’oligothérapie modifie le “terrain” par l’apport sublingal (granules ou solution) de très faibles doses d’ions métalliques. Dans l’anxiété, il est classique de recourir au magnésium (Oligosol Magnésium) ou à d’autres types d’ions (Oligosol Cuivre-Or-Argent en alternance avec Oligosol Lithium).

→ Divers compléments alimentaires traitent l’anxiété mineure : ils sont composés de magnésium, de vitamine B, d’oméga-3, de casozépine (Sériane), de tryptophane (Granions L-tryptophane), de diverses plantes (Coquelicot Arkogélules, etc.)

→ Enfin, l’acupuncture est également active contre les troubles anxieux.