Droits des femmes
Le débat
Comment améliorer l’accès à l’avortement ? Le projet de loi de santé, en cours d’examen, évoque le sujet. Mi-mars, la commission des affaires sociales a ainsi supprimé le délai de réflexion de sept jours pour l’IVG, suivant l’une des récentes propositions de la Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale
Porte-parole de la Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception (Cadac)
Pourquoi, quarante ans après sa légalisation, l’IVG est-elle encore à ce point contestée ?
La France a des difficultés à reconnaître le droit des femmes, et notamment leur droit à disposer de leur corps. La France est un pays où la misogynie est forte, comme le montrent l’exclusion des femmes du pouvoir ou le droit de vote qui ne leur a été accordé qu’en 1944. La lutte pour le droit à l’IGV a été exemplaire, mais difficile. Des femmes ont été guillotinées pour l’avoir pratiquée. Le procès de Bobigny, en 1972, d’une jeune femme mineure qui a avorté après avoir été violée, et de quatre femmes majeures, dont sa mère, pour complicité ou pratique de l’avortement, montre que le rapport de force se construisait à l’époque. Tout comme le manifeste des 331, en 1973, pétition signée par des médecins revendiquant avoir pratiqué des IVG. Malgré ce combat exemplaire, nous avons du mal à avancer et nous avons une loi limitée. L’IVG reste tabou. Aujourd’hui, ce qui joue un rôle négatif, c’est la restructuration hospitalière qui supprime des lieux au sein desquels sont pratiquées les IVG, dont les maternités.
Que pensez-vous de l’article 31 du projet de loi de santé qui prévoit de permettre aux sages-femmes de réaliser l’IVG médicamenteuse ?
Nous y sommes tout à fait favorables. Mais nous ne voulons pas que l’IVG médicamenteuse se substitue à l’IVG instrumentale. Nous craignons cette substitution, facilitée probablement parce que l’IVG médicamenteuse coûte moins cher. Nous pensons
Êtes-vous favorable à la suppression de la double clause de conscience des professionnels de santé
Oui, tout à fait. Aucun médecin n’est contraint de faire des actes. Pourquoi ajouter une clause supplémentaire pour l’IVG ? C’est encore une façon de la dramatiser, de l’ostraciser. La loi de 1979 prévoit que tous les hôpitaux publics doivent avoir une structure où pratiquer l’IVG. Est-ce qu’ils sont sanctionnés s’ils ne le font pas ? Non. On n’a jamais voulu limiter le pouvoir médical et on laisse faire aux médecins ce qu’ils veulent. La situation n’est pas brillante.
Présidente du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes
Pourquoi, quarante ans après sa légalisation, l’IVG est-elle encore à ce point contestée ?
Il y a toujours eu des pro et des anti-IVG. Mais, aujourd’hui, il est surtout question des difficultés d’accès à l’IVG. 130 établissements pratiquant l’IVG ont fermé ces dix dernières années et d’autres sont menacés. La situation s’aggrave. 6 000 Françaises sont contraintes tous les ans de se rendre à l’étranger pour avorter car elles n’ont pas trouvé de solution en France et ont dépassé la limite du terme. Par ailleurs, les nombreux médecins militants des années 1970 partent à la retraite et la relève n’est pas assurée. Il y a de moins en moins de médecins qui veulent travailler dans les centres d’orthogénie.
Que pensez-vous de l’article 31 du projet de loi de santé qui prévoit de permettre aux sages-femmes de réaliser l’IVG médicamenteuse ?
Les sages-femmes sont proches des femmes, peu importe l’évolution de leurs grossesses, et elles sont nombreuses à travailler dans les centres d’orthogénie. D’où cette proposition pour qu’elles puissent prescrire l’IVG médicamenteuse et suivre le procédé. En 2013, nous avions interrogé les élues ordinales sur ce sujet. Sur les 72 % qui ont répondu au questionnaire, 85 % d’entre elles ont affirmé vouloir cette évolution. Si cet article de loi est adopté, cela suppose que les sages-femmes vont s’impliquer et rendre l’accès à l’IVG plus facile. Le délai d’attente sera moins long et donc davantage de femmes pourront y accéder.
Êtes-vous favorable à la suppression de la double clause de conscience des professionnels de santé concernant l’IVG ?
Pour nous, cette clause est indispensable. Certes, il y a déjà une clause de conscience générale. Mais, lors de l’adoption de la loi Veil, cette clause supplémentaire a été instaurée car le vote de la loi s’est déroulé dans des conditions difficiles et houleuses. Nous pensons qu’il faut la maintenir, ne serait-ce que pour une question de qualité de prise en charge des femmes. On ne peut pas contraindre quelqu’un à prescrire une IVG s’il n’est pas intimement convaincu. Bien sûr, les femmes sont libres, mais les professionnels aussi doivent être libres d’y participer ou non.
(1) Toutes les propositions disponibles sur ce lien internet raccourci : bit.ly/1FYotJt
(2) Pour en savoir plus, lire notamment ce manifeste : bit.ly/1MMQllQ
(3) À la clause de conscience générale au nom de laquelle un professionnel de santé peut refuser un acte contraire à ses convictions (cf. bit.ly/19gNKVd), s’ajoute en effet une clause spécifique à l’IVG. Sa suppression n’est pas prévue dans le projet de loi de santé.
À lire : “Le combat pour l’IVG continue” du 19 janvier sur espaceinfirmier.fr (bit.ly/1B3Perj).