L'infirmière Libérale Magazine n° 313 du 01/04/2015

 

POLITIQUE DE SANTÉ

Actualité

ADRIEN RENAUD  

RECOMMANDATIONS > Dans un récent rapport*, la Haute Autorité de santé a livré ses pistes pour favoriser le développement de la chimiothérapie en HAD (hospitalisation à domicile). Un document qui laisse une place – suffisante – pour le travail des infirmières libérales.

Seulement 0,7 % des chimiothérapies sont réalisées en HAD, d’après la Haute Autorité de Santé (HAS). Il existe des territoires entiers où cette activité est totalement absente. Une situation insatisfaisante d’après l’agence, car la chimiothérapie en HAD constitue à la fois une possibilité d’amélioration du confort pour le patient et une source potentielle d’économies pour le système de santé.

Saisie par le ministère de la Santé, la HAS a donc rendu publiques en début d’année ses recommandations pour développer ce mode de prise en charge, au moins pour certains types de chimiothérapie (notamment pour celles qui concernent l’hématologie, les traitements administrés par voie sous-cutanée, et les populations les plus fragiles).

Des freins

Dans son rapport, la HAS identifie de nombreux freins au développement de la chimiothérapie en HAD : manque d’information des médecins prescripteurs sur cette option de traitement, lourdeur de la mise en place des protocoles, tarification qui incite les établissements à privilégier la prise en charge en hôpital de jour (HDJ)… Résultat, d’après l’agence, les flux de patients adressés par les établissements prescripteurs en HAD « dépendent plus de la saturation de l’activité d’HDJ ou de décisions au cas par cas, que d’une réelle prévision d’activité en concertation avec les prescripteurs ».

Dix-huit mesures

Pour remédier à cette situation, la HAS préconise dix-huit mesures, parmi lesquelles une refonte du modèle tarifaire de la chimiothérapie en HAD, des actions d’information en direction des oncologues et hématologues prescripteurs, une adaptation du fonctionnement des pharmacies hospitalières…

Mais attention, si la HAS compte développer la prise en charge à domicile, elle n’envisage pas pour autant d’opter pour des modèles plus “légers”, avec des traitements anticancéreux qui seraient administrés directement par des Idels ou par des réseaux, sans la supervision d’un établissement hospitalier. L’agence considère que l’HAD « mobilise la même technicité » que l’HDJ, ce qui la conduit à recommander que l’hôpital garde la main.

Des tarifs avantageux pour les Idels

Ceci ne veut pas dire qu’il n’y a pas de place pour les libérales dans le développement de la chimiothérapie à domicile. Bien au contraire, la HAS encourage les établissements à offrir aux Idels, dans le cadre de conventions, des tarifs avantageux leur permettant notamment de réaliser les interventions longues (plus d’une heure) au domicile du patient. Voilà qui devrait intéresser les syndicats d’infirmiers libéraux, actuellement en négociation pour un accord global avec les établissements d’HAD.

* “Conditions du développement de la chimiothérapie en hospitalisation à domicile : analyse économique et organisationnelle”, janvier 2015. Lien : bit.ly/1y4JrBP

Réactions

« POURQUOI ÊTRE INFÉODÉES AUX HAD ? »

« Pourquoi particulièrement en HAD ? », s’interroge Flo sur notre page Facebook (facebook.com/Inflib) à l’annonce de cette étude, défendant les compétences des Idels. En fait, à la demande de la Direction générale de l’offre de soins (qui a commandé ce travail), et contrairement à une étude de 2005 (bit.ly/1HpLYeN), cette analyse n’a pris en compte que les chimiothérapies en HAD, excluant celles des réseaux de libéraux. Les réactions suscitées à la mention de cette étude témoignent plus généralement d’un contexte assez tendu entre Idels et HAD. « Pourquoi donc devoir être inféodées aux HAD ? », se demande ainsi Joëlle. « Les HAD se permettent de nous évincer même avec nos patients qui sont hospitalisés, renchérit PF. Être sous leur servitude, très peu pour moi. Maintenant, travailler en concertation avec les services concernés, pourquoi pas… »

Certains professionnels évoquent des situations décevantes, à l’image de Matt, à propos d’un patient pris en charge depuis cinq mois « pour un gros pansement de métastase cutanée. L’hôpital décide de le perfuser à domicile sur son port à cath, et de l’adresser à une HAD ». Au final, c’est l’HAD qui s’occupe de la chimiothérapie. « Si l’HAD ne passe même que cinq minutes chez un patient, ça devient SON patient et nous LEUR prestataire, se plaint Matt. Donc pas le choix du matériel, ni des cotations, ni du rythme de paiement, et des livraisons énormes de matériel chez le patient… »