L'infirmière Libérale Magazine n° 313 du 01/04/2015

 

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DANIELLE JULIÉ  

ANALYSE > Près de cinq ans après la réforme du secteur de la biologie médicale, les relations entre infirmiers libéraux et laboratoires semblent dans l’ensemble “plutôt très satisfaisantes”. Mais la situation est plus nuancée, surtout lorsque l’activité de prélèvement des premiers est conséquente. C’est ce que révèle une enquête du Syndicat des jeunes biologistes médicaux.

Engagée en 2010, la réforme de la biologie médicale n’a pas été sans modifier l’exercice quotidien des infirmiers libéraux, loin s’en faut, et notamment leurs relations avec les laboratoires de biologie médicale (LBM). Mais à quel degré précisément ? C’est pour mieux objectiver cet impact que le Syndicat des jeunes biologistes médicaux (SJBM) a mené du 10 novembre au 28 février derniers une enquête à laquelle 1 279 Idels ont participé. En recoupant les résultats bruts et les nombreux commentaires libres reçus par ailleurs (plus de 5 000), le syndicat décortique assez finement le ressenti des Idels vis-à-vis de leurs partenaires biologistes en regard de la réalité du terrain.

Une coopération avec un seul labo presque inévitable pour les Idels

S’agissant du nombre moyen de LBM avec lesquels ils sont amenés à collaborer, près d’un infirmier libéral sur deux (49 %) a répondu ne travailler exclusivement qu’avec un seul LBM et seuls 17 % coopèrent avec plus de deux labos. Une situation à mettre en lien avec la réforme de la biologie médicale dont les deux mesures phares, rappelons-le, sont la médicalisation du métier de biologiste médical (lequel interprète à présent systématiquement l’ensemble des résultats des examens qu’il réalise) et l’accréditation du LBM certifiant de sa compétence (lire l’encadré ci-contre). La forte concentration du secteur qui en a ainsi découlé (rachats, fusions, diminution du nombre de sites…) et qui « se poursuit encore en 2015 », fait « qu’en dehors des grandes métropoles, la coopération avec un laboratoire unique devient presque inévitable pour les infirmiers libéraux » compte tenu, entre autres, « des délais préanalytiques à respecter », analyse ainsi le SJBM.

Des relations qui se sont améliorées… avant de se dégrader au gré des monopoles établis

Dans le temps, près de 40 % des Idels notent une amélioration de leurs relations avec les LBM, lesquelles « se font dans des conditions appropriées de confraternité ». Le SJBM relève que, face aux « exigences d’accréditation de plus en plus strictes » auxquelles ils doivent répondre, les laboratoires « ne se contentent pas d’en répercuter les conséquences sur les infirmiers libéraux. Bien au contraire, ils ont mis à leur disposition des outils (procédures, matériel, points de collecte…) destinés à faciliter leur travail quotidien ». Toutefois, ce dernier observe « une certaine dégradation des relations » […] « une fois les monopoles locaux établis » d’abord due, pour les Idels interrogés, au manque de concertation et de reconnaissance plus qu’à la charge supplémentaire de travail ou à la réorganisation des pratiques.

Une explosion des prélèvements à domicile qui rejaillit sur les Idels

Autre enseignement de l’étude, près de 67 % des Idels affirment ne pas avoir été impactés dans leur exercice quotidien par cette réforme du secteur de la biologie médicale. Pourtant, la conséquence des regroupements a accru le nombre de prélèvements à domicile* - et donc de prélèvements infirmiers - en raison d’une difficulté d’accès croissante aux LBM pour nombre de patients. Si bien qu’en croisant les commentaires libres reçus en parallèle, le SJBM constate que ceux « ayant une activité réelle de prélèvements se révèlent au contraire souvent fortement impactés et correspondent en bonne partie aux 23 % d’Idels qui annoncent avoir des difficultés dans l’organisation de leurs tournées (respect des délais préanalytiques, dépôts obligatoires des prélèvements avant des horaires fixes, nombreux déplacements non rémunérés pour rapporter les prélèvements, patients à repiquer à leurs frais…) ».

Pour répondre à la problématique économique du prélèvement à domicile, le syndicat formule d’ailleurs plusieurs propositions d’amélioration : « La multiplication des “lieux de dépôts” (cabinets IDE et pharmacies notamment) pour les infirmiers, avec des tournées de “ramassageÏ régulières des coursiers des laboratoires, dans les situations qui le nécessitent (contraintes géographiques…) », « la création d’une cotation d’acheminement au laboratoire […] cotée soit par le laboratoire (tournées des coursiers sur les points de collecte), soit par les Idels (s’ils ramènent directement les prélèvements au laboratoire) », souhaitant ainsi « une évolution des nomenclatures concernées », enfin, « une sensibilisation accrue du corps médical pour réserver les “prélèvements à domicile” aux patients le nécessitant réellement ».

Pratiques illégales

Le SBJM ne manque pas non plus dans son interprétation des résultats de rappeler utilement les pratiques prohibées - mais qui existent - comme la rémunération des Idels “en sus” de la cotation normale afin d’inciter au dépôt préférentiel, la fourniture de centrifugeuses, ou encore l’adaptation de posologie en fonction des résultats (notamment les anti-vitamines K)… ce que pourtant plus de 80 % des Idels affirment modifier.

Quelles attentes de la part des Idels ?

Plus globalement, si les Idels ont pointé un certain nombre de difficultés, on retiendra aussi leurs suggestions pour améliorer leur coopération avec les LBM, comme avoir « du personnel dédié avec une ligne téléphonique spécifique », « une zone de dépôt indépendante (à l’écart des patients) », « des horaires d’ouverture plus souples afin de faciliter la dépose des prélèvements et l’obtention des résultats », « des délais de rendu de résultats moins longs », pour les INR (International Normalized Ratio) notamment, « des réunions d’information » - au moins une par an - ou encore le fait d’obtenir « des outils ou du matériel mieux adaptés à leur pratique quotidienne » en les consultant avant ou après.

Autant de retours précieux que les LBM doivent donc désormais s’approprier au vu, au final, d’un dialogue plus constructif, fortement attendu par leurs partenaires infirmiers.

* Pris en charge lorsqu’ils sont mentionnés sur les ordonnances.

EN SAVOIR +

Pour les Idels, une « source de tension réside dans les exigences d’accréditation des laboratoires de biologie médicale » (LBM), indique le rapport. Le 30 avril, les LBM devront avoir déposé les demandes d’accréditation auprès du Comité ad hoc. Ils ne pourront fonctionner sans une accréditation d’au moins 50 % de leur activité à partir du 1er novembre 2016 ; 70 % le 1er novembre 2018 ; 100 % le 1er novembre 2020.