L'infirmière Libérale Magazine n° 313 du 01/04/2015

 

Infectiologie

Cahier de formation

LE POINT SUR

ANNE-GAËLLE HARLAUT  

En recrudescence en France depuis quinze ans, la syphilis vénérienne touche surtout les jeunes hommes homosexuels ou bisexuels. Simple et efficace, le traitement par antibiotique retard injectable connaît des difficultés de commercialisation en France.

Définition

→ La syphilis dite “vénérienne” ou plus familièrement la “vérole” est une infection sexuellement transmissible (IST). L’agent responsable, dont le seul hôte est l’homme, est la bactérie Treponema pallidum (tréponème pâle), de la famille des spirochètes.

→ La contamination se fait très majoritairement par voie sexuelle, par contact direct avec les lésions de la peau ou des muqueuses infectées qui fourmillent de bactéries, au cours d’un rapport sexuel non protégé, oral, anal ou génital. Plus rarement, la contamination se fait par transmission materno-fœtale (avant ou au cours de l’accouchement) ou via transfusion sanguine.

Épidémiologie

→ Instaurée en 1946, la surveillance obligatoire de la maladie a été abandonnée en 2000 et repose actuellement sur la déclaration volontaire par les Centres d’information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (Ciddist), les consultations hospitalières et les médecins libéraux.

→ Pratiquement disparue en France dans les années 1990 (quatre cas déclarés en 1998), la syphilis est en recrudescence depuis le début des années 2000, plus de 900 cas ayant été déclarés en 2013 (chiffres probablement sous-estimés du fait de la déclaration volontaire).

→ Les plus touchés sont les hommes homosexuels ou bisexuels (plus de 80 % des cas), l’âge moyen étant de 35 ans. Une co-infection par le VIH est retrouvée dans 35 % des cas déclarés (augmentation du risque de contamination VIH due à la présence des lésions syphilitiques).

Signes cliniques

Après une période d’incubation moyenne de trois à quatre semaines, la maladie évolue en plusieurs phases, entrecoupées de périodes de latence asymptomatiques, d’où l’importance du diagnostic.

→ Phase primaire : apparition sur la peau ou les muqueuses du chancre syphilitique, lésion unique ulcérée, indurée, exsudative et indolore, là où le germe a pénétré l’organisme (sillon balano-préputial qui sépare le gland de la face interne du prépuce, gland, anus, vulve, vagin, rectum, bouche…). Plus ou moins accompagné d’adénopathie satellite (ganglions), le chancre n’est pas toujours visible et guérit spontanément en deux à six semaines sans cicatrice.

→ Phase secondaire : éruptions cutanéo-muqueuses successives peu caractéristiques, plus ou moins accompagnées de fièvre, céphalées, altération de l’état général. La première, six semaines environ après le chancre et d’une durée moyenne de dix jours, est une roséole syphylitique caractérisée par l’apparition de macules (lésions planes), souvent sur le tronc. Les suivantes, plusieurs mois plus tard, peuvent prendre diverses formes : syphilides papuleuses (papule – “bouton” plein – généralement cuivrée, parfois ulcérée ou croûteuse, sur le tronc, membres, mains, paumes et plantes, etc.), perlèche, papules acnéiformes, alopécie…

→ Phase tertiaire : dominée par des manifestations cutanéo-muqueuses disséminées dites “gommeuses” plus ou moins ulcérées, aussi par des atteintes irréversibles cardiovasculaires, ophtalmologiques, rénales, ostéo-articulaires et neurologiques. Environ 10 % des patients non traités aux stades antérieurs (rare en France).

À noter : la syphilis congénitale peut être responsable de mortalité fœtale et d’anomalies congénitales graves.

Diagnostic

Il est orienté par la clinique et confirmé par deux types d’examens :

→ la mise en évidence du tréponème directement au microscope (la culture reste impossible) dans un prélèvement au niveau du chancre ou de lésions cutanées secondaires. C’est l’examen de référence au stade primaire lorsque la sérologie n’est pas encore positive ;

→ les examens sérologiques qui se positivent environ dix jours après apparition du chancre et reposent sur deux tests dont la positivité conjointe est suffisante pour affirmer le diagnostic : le VDLR (Venereal Disease Research Laboratory) recherche des cardiolipines, non spécifiques de la syphilis. Le taux augmente progressivement, se stabilise et ne disparaît qu’après traitement, d’où son rôle de marqueur de l’évolutivité et de la réponse au traitement ; quant au TPHA (Tréponema Pallidum Haemagglutination Assay), il met en évidence des anticorps spécifiques des tréponèmes.

Dépistage

→ Il est conseillé au minimum annuellement aux personnes ayant des pratiques sexuelles à risque, lors du diagnostic d’un VIH ou autre IST, après un viol et aux migrants en provenance de pays d’endémie (en Afrique, Asie, Europe de l’Est, Amérique du Sud).

→ Il est obligatoire au cours de la grossesse (lors du premier examen prénatal, au troisième trimestre en cas de rapport sexuel non protégé avec un nouveau partenaire, à l’accouchement si le test n’a pas été fait avant) et en cas de don du sang.

À savoir : la découverte d’une syphilis justifie la recherche d’autres IST : VIH, hépatite B…

Traitement

Sujet infecté

Il repose sur l’utilisation de pénicilline G retard en intramusculaire (IM), les modalités variant selon la durée d’évolution de la maladie.

→ Moins d’un an d’évolution : pénicilline G retard en intramusculaire (IM) à raison de 2,4 millions d’unités en injection unique ou, en cas d’allergie, doxycycline orale à raison de 200 mg par jour pendant quatorze jours (sauf chez la femme enceinte).

→ Évolution supérieure à un an ou impossible à dater : 2,4 millions d’unités de pénicilline G retard en IM à raison de trois administrations consécutives à une semaine d’intervalle ou, en cas d’allergie, doxycycline orale à raison de 200 mg par jour pendant 28 jours sauf chez la femme enceinte.

À savoir :

→ les formes neurologiques nécessitent un traitement hospitalier via perfusion intraveineuse de pénicilline G pendant quatorze jours ;

→ d’autres antibiotiques (ceftriaxone, minocycline, azithromycine) sont cités comme alternative mais controversés en raison d’un risque d’effets indésirables majoré ou de résistance ;

→ s’il n’y a pas d’alternative à la pénicilline (allergie chez la femme enceinte ou neurosyphilis), on peut pratiquer une “désensibilisation” par administration de petites doses de pénicilline quelques jours avant le traitement ;

→ le contrôle clinique et sérologique est nécessaire à trois mois, six mois puis un an.

Sujet(s) contact(s) sexuel(s)

Une sérologie et – le cas échéant – un traitement sont recommandés systématiquement.

Prévention

Le port systématique du préservatif lors de tout rapport est le seul moyen préventif efficace. La maladie ne conférant pas d’immunité, la recontamination est possible après traitement.

En France, la pénicilline G retard IM bientôt recommercialisée ?

Depuis 2014, les seules spécialités française contenant de la pénicilline G retard IM (Extencilline à 0,6, 1,2 et 2,4 MUI) ne sont plus commercialisées. L’alternative est la mise à disposition par le laboratoire Sigma-Tau, à titre exceptionnel et transitoire et en accord avec l’ANSM, de la spécialité italienne Sigmacillina (benzathine benzylpénicilline) via les pharmacies hospitalières. Cependant, l’ANSM a délivré au laboratoire Sandoz une AMM pour une spécialité à base de benzathine benzylpénicilline dosée à 0,6, 1,2 et 2,4 MUI dont la mise sur le marché, sous réserve du bon déroulement des étapes réglementaires obligatoires préalables à toute commercialisation, est prévue courant 2015.