L'infirmière Libérale Magazine n° 313 du 01/04/2015

 

DISPOSITIF

Votre cabinet

ME GENEVIÈVE BELTRAN*   VÉRONIQUE VEILLON**  

En termes simples, le tiers payant est la possibilité pour un patient de ne pas faire l’avance des frais pour régler ses soins, qui seront en revanche pris en charge par son régime d’assurance maladie et sa complémentaire santé. Précisions sur ce dispositif au cœur de l’actualité avec la loi de santé (lire aussi pp.6-7).

Principe

Le patient peut bénéficier soit du tiers payant intégral, qui l’exonère donc du moindre paiement, soit du tiers payant partiel, auquel cas il acquitte seulement la part non remboursée par l’Assurance maladie (ticket modérateur) laquelle sera ensuite – ou non – prise en charge par son éventuelle mutuelle. Après envoi des feuilles de soins, les professionnels de santé sont remboursés d’une part par la Sécurité sociale du patient et d’autre part par les assurances santé complémentaires.

Qui peut bénéficier du tiers payant ?

Les bénéficiaires “de droit” du tiers payant

Certains patients bénéficient, de droit, du tiers payant. Il s’agit principalement des bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU), de l’aide médicale d’État (AME) et de l’aide à la souscription d’une complémentaire santé (ACS).

→ La CMU permet à toute personne résidant en France de façon stable et régulière de bénéficier de la Sécurité sociale pour ses dépenses de santé (régime de base) et offre une protection complémentaire gratuite aux personnes dont les revenus sont les plus faibles (régime complémentaire). L’affiliation au régime général au titre de la CMU donne droit aux prestations en nature de l’Assurance maladie (prise en charge des soins et remboursement des médicaments). Pour pouvoir en bénéficier, la personne ne doit pas être assurée sociale ou ayant droit ni bénéficier d’un maintien de ses droits. Elle doit résider en France depuis plus de trois mois de façon ininterrompue (exceptions prévues par la loi) et doit, si elle est étrangère, être en situation régulière (exceptions prévues par la loi). L’affiliation à la CMU de base est gratuite si la personne bénéficie du revenu de solidarité active (RSA), de la CMU complémentaire ou si le revenu fiscal de référence, porté sur son avis d’imposition, ne dépasse pas 9 601 euros (plafond de ressources au 1er octobre 2014). Sinon, elle devra verser une cotisation pour avoir droit à la CMU de base (cotisation égale à 8 % de la fraction de revenus supérieure au plafond). Le bénéfice de la CMU complémentaire gratuite est réservé aux personnes dont les ressources ne dépassent pas (plafond au 1er juillet 2014) 8 645 euros sur l’année pour une personne seule.

→ L’AME est destinée aux personnes de nationalité étrangère, qui résident en France de façon ininterrompue depuis plus de trois mois, qui ne disposent pas d’un titre de séjour, et dont les ressources ne dépassent pas le plafond applicable pour l’admission à la CMU complémentaire. Cette couverture de santé permet la prise en charge des dépenses de soins, de consultations médicales à l’hôpital ou en médecine de ville, de prescriptions médicales et de forfait hospitalier. La demande doit être déposée auprès de la Caisse primaire d’Assurance maladie (CPAM).

→ L’ACS est un dispositif pour les personnes dont les ressources ne dépassent pas 11 670 euros par an (pour une personne seule au 1er juillet 2014). Le montant de cette aide varie en fonction de l’âge du demandeur. La demande d’aide pour une complémentaire santé se fait via un formulaire, qu’il est possible de télécharger sur le site de l’Assurance maladie. L’aide est ensuite attribuée au demandeur sous la forme d’un chèque qui doit être remis à la complémentaire de son choix, laquelle en déduira le montant de la cotisation. La CPAM adresse ensuite au bénéficiaire une attestation de tiers payant social. Valable dix-huit mois, cette attestation lui permet de ne pas faire l’avance de frais sur la partie prise en charge par l’Assurance maladie lors des consultations médicales, dans le cadre du parcours de soins coordonnés.

Précisons par ailleurs que les personnes victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, hospitalisées dans un établissement sous convention avec l’Assurance maladie ou bien encore les mineures de plus de quinze ans qui consultent pour leur contraception bénéficient également de droit du tiers payant.

Qui sont les autres bénéficiaires du tiers payant ?

La plupart des mutuelles proposent à leurs souscripteurs le bénéfice du tiers payant, tout au moins en ce qui concerne les achats de médicaments. En revanche, pour les actes de radiologie, les hospitalisations, les analyses, les frais d’optique, les soins dentaires, etc., son fonctionnement peut varier d’un organisme à un autre, d’où l’impérieuse nécessité de bien comparer les contrats proposés.

Les professionnels de santé peuvent-ils refuser le tiers payant ?

De nombreux professionnels de santé, tels, notamment, les pharmaciens, les dentistes, les opticiens, mais également de nombreux médecins spécialistes (radiologues, etc.) et généralistes (près des deux tiers des praticiens) pratiquent déjà le tiers payant. Mais, hors les situations évoquées ci-dessus (bénéfice de droit), et celle où la législation actuelle autorise le pharmacien à refuser le bénéfice du tiers payant aux patients ne souhaitant pas de génériques, le praticien reste libre de l’accepter ou non. L’infirmière libérale peut donc tout à fait demander à son patient de payer l’intégralité de ses actes de soin. D’ailleurs, la convention nationale des infirmiers ne dispose-t-elle pas : « En dehors des cas de dispenses d’avance des frais légales (AME, CMU, accidents du travail…), l’infirmière libérale peut accepter, dans des cas exceptionnels justifiés par des situations sociales particulières, le paiement différé de ses honoraires. » Le tiers payant apparaît donc dans ce texte davantage comme une exception qu’une règle !

Vers quelle évolution ?

Le ministère de la Santé souhaite étendre le tiers payant intégral à l’ensemble des français. Cette extension devrait se faire en deux étapes : dans un premier temps, le tiers payant sera étendu, dès le 1er juillet 2015, à tous les bénéficiaires de l’ACS, puis aux patients bénéficiant d’une prise en charge à 100 % (soit près de 15 millions de personnes) à partir du 31 décembre 2016. Dans un second temps, il sera étendu à tous les patients fin 2017. Afin de répondre aux inquiétudes des professionnels de santé, le ministère de la Santé a demandé à l’Assurance maladie et aux mutuelles de présenter « un dispositif opérationnel pour l’ensemble des patients, simple, rapide et fiable ». Par ailleurs, une garantie de paiement pour les professionnels sera inscrite dans la loi : le paiement pour les feuilles de soins électroniques devra être effectué dans un délai de sept jours, l’Assurance maladie devant payer des pénalités en cas de dépassement des délais. Soulignons que l’avance des frais dissuade aujourd’hui de nombreuses personnes à avoir recours à des professionnels de santé, avec les conséquences qu’une prise en charge trop tardive peut avoir sur leur état de santé.