L'infirmière Libérale Magazine n° 313 du 01/04/2015

 

LOI DE SANTÉ

Actualité

LAURE MARTIN  

REVENDICATIONS > 40 000 soignants (19 000 selon la police) ont défilé à Paris le 15 mars, deux jours avant le début du parcours parlementaire du projet de loi de santé. Dans les rangs, trois syndicats d’Idels, car la voix des infirmières peine à se faire entendre.

« Votre loi, Marisol, nous n’en voulons pas ! », « Qu’est qu’on veut ? Le retrait !!! » Sur le camion rouge du Mouvement pour la santé de tous, qui rassemble plus d’une quarantaine de syndicats de professionnels de santé, les présidents rappellent au micro leurs revendications. Côté infirmiers : la Fédération nationale des infirmiers (FNI), l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux (Onsil) et Convergence infirmière. Seul le Syndicat national des infirmiers et infirmières libérales (Sniil) n’a pas appelé à manifester car il ne rejette pas la totalité de la loi, préférant une réécriture, comme les autres participants, à l’avant du cortège. Les infirmiers libéraux, nombreux à défiler, s’estiment déconsidérés par la ministre de la Santé qui les a « écartés des concertations ». Ils revendiquent, en chœur, leur indépendance, et refusent de se retrouver sous la coupe des médecins. Les syndicats d’infirmiers libéraux n’ont pas seulement cherché à faire entendre leur voix dans la rue. Invités au ministère de la Santé le 19 février, trois d’entre eux, le Sniil, l’Onsil et Convergence infirmière, ont été reçus par Fabrice Masi, conseiller technique en charge des relations avec les professionnels de santé au ministère de la Santé, et Michèle Lenoir Salfati, sous-directrice des ressources humaines du système de santé à la Direction générale de l’offre de soins.

L’entretien d’environ deux heures a permis au Sniil de faire part de ses revendications sur les articles du projet de loi qu’il faudrait selon lui réécrire. « Au lieu d’aller dans la rue, les  syndicats infirmiers feraient mieux de se regrouper sur ces questions », estime Annick Touba, qui s’est longtemps insurgée contre l’article 32 qui prévoyait d’accorder le droit de vacciner aux pharmaciens. Cet article a été supprimé lors de l’examen du texte en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, car « les pharmaciens ne disposent ni des compétences, ni de la formation indispensables à la réalisation de vaccins », d’après le député PS Jean-Louis Touraine, auteur de l’amendement. L’Ordre des infirmiers s’est, de son côté, félicité de cette suppression et a indiqué avoir pris contact avec la députée chargée de mener une concertation sur la couverture vaccinale (lire l’encadré page ci-contre).

Le Sniil a participé aux groupes de travail sur l’organisation des soins de proximité, et sur l’évolution des compétences, mis en place le 20 janvier par le ministère pour retravailler les articles du texte qui suscitent des inquiétudes. Le syndicat refuse que le médecin soit le seul à avoir le pouvoir de reconnaître, ou non, « la qualité de membre de l’équipe de soins » à un professionnel de santé (article 25) car cela induit « un lien de subordination intolérable entre médecin et infirmière ». Il réaffirme également son soutien à la mise en place de la pratique avancée (article 30) mais exprime son inquiétude quant à la définition qui en est faite.

« Café du commerce »

Plus “radicaux” que le Sniil, Convergence infirmière, qui a appelé à une fermeture des cabinets infirmiers du 20 au 23 mars, ainsi que l’Onsil réclament le retrait du texte de loi, « ne serait-ce que parce que la ministre ne consulte pas les partenaires sociaux, regrette la présidente de Convergence infirmière, Ghislaine Sicre. Nous connaissons bien les problématiques de terrain, c’est dommage de ne pas s’appuyer sur nous. » Ils ont néanmoins profité de la réunion du 19 février pour formuler des propositions de modifications sur les mêmes points que le Sniil. Sachant que le projet de loi n’allait pas être retiré, « nous avons fait des suggestions pour participer aux négociations, comme nous l’a suggéré le ministère, car nous tenons à défendre notre profession », souligne Christine Bouchet-Lagrue, présidente de l’Onsil Paca.

Philippe Tisserand, président de la FNI, a quant à lui boycotté la réunion du 19 février car on lui avait promis une réunion individuelle avec le chef de cabinet de la ministre. Le syndicat a néanmoins participé, avec les trois autres, à une concertation sur le projet de loi, le 4 mars, en présence de conseillers de la ministre. « La FNI y est allée parce que les absents ont toujours tort, fait savoir Philippe Tisserand. Mais il ne s’est rien passé. C’était une discussion de café de commerce. » Pour le syndicat, le projet de loi « porte en lui les germes qui conduiront au salariat des infirmières libérales ou du moins introduira un principe de subordination vis-à-vis des médecins ». Les propositions pratiques de la FNI portent sur « la coordination des équipes de proximité, la prévention et la santé publique, ainsi que l’amélioration de la qualité des soins à travers la mise en œuvre des parcours de soins ».

Les grandes lignes du texte confirmées

Marisol Touraine a organiséle 9 mars une conférence de presse pour faire le point sur son texte. Mais les infirmiers ont été les grands absents de son discours. Outre la confirmation de la mise en place du tiers payant généralisé d’ici fin 2017 (lire pp. 52-53), elle a exprimé son attachement à expérimenterla vaccination par les pharmaciens, soulignant, après la suppression de l’article 32, que les contours de cette expérimentation devraient être définis avec les professionnels de santé. D’autres expérimentations pourraient voir le jour, suivant les propositions de la députée socialiste Sandrine Hurel, à qui le gouvernement a confié une mission sur la politique vaccinale en France. Concernant les pratiques avancées, la loi devrait explicitement écrire qu’une telle délégation s’inscrit au sein d’une équipe de soins, dans le cadre d’une coordination par le médecin. Marisol Touraine a également multipliéles visites dans les maisons de santé pluridisciplinaires (lire aussi p. 8).

L’occasion de rappeler que son projet de loi, rebaptisé à l’Assembléede “modernisation de notre système de santé”, a été construit afin « d’adapter notre système de santé pour répondre aux défisdu vieillissement de la population, du développement des maladies chroniques et du creusement de certaines inégalités de santé ». Elle a par ailleurs annoncé que le texte serait examiné en procédure accélérée (une lecture par chambre).