L'infirmière Libérale Magazine n° 313 du 01/04/2015

 

Cahier de formation

Savoir faire

Aux complications mécaniques et infectieuses du Picc s’ajoutent les risques liés à l’utilisation d’une nouvelle technique. La prise en charge des systèmes de fixation, la maîtrise des valves bidirectionnelles et la technique du rinçage pulsé demandent une bonne connaissance du matériel et de la dextérité.

Affaiblie par l’évolution de son cancer et par les traitements, Madame G., 65 ans, rentre de l’hôpital avec un Picc. Il sera utilisé pour les traitements médicamenteux mais également pour une nutrition parentérale a priori temporaire.

Vous demandez à Madame G. si on lui a expliqué les précautions à prendre avec son cathéter et ce qu’elle en a retenu. Vous reprenez ensemble les conseils qui sont méconnus. Vous vérifiez que le cahier de suivi du Picc (fiche de suivi ou carnet de surveillance) stipule bien la longueur de la partie émergente du Picc et le type de valve mis en place lors de la pose. Si ces informations sont absentes, vous contactez le service qui a posé le Picc pour les obtenir avant d’intervenir.

LA RÉFECTION DU PANSEMENT

Le pansement du Picc doit être stérile, occlusif et de préférence transparent pour favoriser la surveillance du point d’insertion. Le changement de ce pansement se fait tous les huit jours au maximum (J+7). Le premier pansement après la pose du Picc est souvent réalisé avec une compresse pour absorber les exsudations et il doit être renouvelé au bout de 24 à 48 heures.

Si le pansement est non transparent, il est changé tous les quatre jours. En cas de souillure, sudation et décollement, le pansement doit être refait immédiatement.

« La réfection du pansement de Picc est compliquée parce que le cathéter n’est pas fixé. Il faut garder à l’esprit que le Picc peut bouger. C’est un geste qui nécessite de la concentration et de la dextérité. Car si le Picc est déplacé, il faut renvoyer le patient à l’hôpital pour un contrôle radiographique », souligne Danièle Antoine, infirmière libérale à Haroué (Meurthe-et-Moselle). La réfection du pansement comprend le changement du système de fixation sans suture et de la valve bidirectionnelle proximale. « La réfection d’un pansement de Picc est plus compliquée que celle d’un pansement sur cathéter central ou chambre implantable », ajoute l’infirmière.

Installation du patient

« Il est très important que l’installation du patient et du soignant soit ergonomique, insiste Béatrice Adjamagbo, cadre hygiéniste en hospitalisation à domicile (HAD) à l’Assistance publique-hôpitaux de Paris. Le patient ne doit pas bouger pendant toute la durée du soin et le soignant doit avoir un accès facile au cathéter. Pour cela, il est préférable d’installer le patient couché en décubitus latéral du côté du Picc car le bras porteur du cathéter bascule et ne bouge plus. » À défaut, le patient est bien installé en décubitus dorsal ou assis le bras posé sur une table, paume de la main vers le haut. L’infirmière aussi doit être bien installée, ce qui n’est pas forcément évident à domicile. « Soit le lit est suffisamment haut pour travailler debout, soit le soignant doit prendre une chaise pour être installé à la bonne hauteur », ajoute la cadre de HAD qui organise des formations sur le Picc ouvertes aux infirmières libérales. Car le soin est plus ou moins long en fonction de l’expérience de l’infirmière. Il faut en moyenne compter une demi-heure pour prévoir le soin dans une tournée.

Traçabilité

« Il est aussi essentiel de vérifier et de noter la longueur de la partie extériorisée du cathéter dès l’accueil du patient. Elle peut être repérée à travers le pansement transparent, ajoute Béatrice Adjamagbo. Il est indispensable d’avoir une bonne traçabilité dès le début de la prise en charge pour surveiller que le Picc reste bien en place tout au long du parcours de soins du patient. » Les éléments de traçabilité comportent au minimum :

→ la carte du porteur Picc (lot, marque, longueur) et le carnet de suivi, remis au patient dès la pose du cathéter ;

→ la notification de toute manipulation, entretien ou utilisation du Picc dans le dossier de soins et le carnet de suivi. En précisant la longueur de la partie externe du cathéter à partir du point de ponction dès la première réfection du pansement ;

→ la notification du type de valve en place (bidirectionnelle, nom de marque de la valve…).

Tenue adaptée

Pour le soignant

« L’opérateur porte une tenue professionnelle propre (à défaut de tenue professionnelle, il porte une surblouse à usage unique), un masque de type chirurgical et une coiffe », précisent les recommandations de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H). Si l’absence de coiffe ou charlotte peut être tolérée pour des cheveux très serrés ou très courts, la surblouse à usage unique est considérée comme la tenue de travail à domicile.

Pour le patient

Le patient porte un masque de type chirurgical, indique la SF2H. Ce n’est qu’à condition que le patient ne supporte pas le masque que l’infirmière lui demandera de tourner la tête du côté opposé au Picc. « Les cas où les patients ne supportent pas sont rares, c’est le cas des insuffisants respiratoires par exemple, remarque Béatrice Adjamagbo dans ses formations sur le Picc. Il faut expliquer au patient l’intérêt du masque et pourquoi il doit le porter. Le soin est un peu long et il n’est pas évident pour un patient de rester sans parler et sans tourner la tête pendant toute la durée du soin. Il y a un réflexe de regarder ce que fait le soignant sur le bras porteur du cathéter. »

Retrait du pansement et du fixateur

Le retrait du pansement transparent se fait avec des gants non stériles à usage unique après une friction hydro-alcoolique des mains. Les pansements transparents semi-perméables de type Tegaderm se retirent par étirement latéral pour limiter la douleur du patient et les mobilisations accidentelles du Picc. « Ce n’est pas aussi évident, avec les fixateurs Grip-Lok, avertit Danièle Antoine. Le pansement se décolle bien sur les côtés mais reste collé au Grip-Lok. En insistant pour le retirer on peut faire bouger le fixateur et le cathéter. » Lorsque le pansement est retiré, il faut désengager les ailettes du cathéter du système de fixation. Lorsque le fixateur est installé trop près du point de ponction (moins de 1 à 1,5 cm), les manipulations sans toucher le point de ponction sont plus difficiles. Certaines recommandations indiquent d’utiliser des gants stériles pour le retirer. Le Picc peut ainsi être maintenu en respectant les règles d’asepsie, avec une compresse imbibée d’un antiseptique alcoolique au niveau du point d’insertion. Dans ce cas, une autre paire de gants stériles est nécessaire pour la suite du soin.

Retrait du fixateur

Retirer le fixateur…

Parmi les systèmes de fixation les plus répandus, le Grip-Lok semble plus facile à utiliser que le Statlock dont il est parfois difficile de “déclipser” les ailettes du cathéter. « Le Statlock demande plus d’expérience, il ne faut pas hésiter à “forcer” pour débloquer les ailettes », remarque Benoît Le Hasif, infirmier de bloc opératoire hygiéniste au Centre de lutte contre le cancer François-Baclesse à Caen (Basse-Normandie). Le Grip-Lok a l’avantage d’être plus plat, plus confortable pour le patient ; le Statlock quant à lui assure une meilleure tenue du Picc, qui est bloqué par les ailettes.

… tout en stabilisant le cathéter

« Il y a une technique pour changer le fixateur en évitant de faire bouger le cathéter. Il faut un minimum de formation ou d’expérience pour maîtriser le geste, souligne Béatrice Adjamagbo, qui revient sur l’importance de bien installer le patient et le soignant. Il faut travailler avec des gants stériles pour pouvoir maintenir le cathéter au point d’insertion avec une compresse stérile imprégnée d’antiseptique d’une main, et retirer le système de fixation de l’autre main. » La cadre hygiéniste ajoute qu’il faut alors stabiliser le cathéter avec un adhésif de type Steri-Strip, au niveau des raccords, assez loin du point d’insertion au niveau des raccords, pour maintenir le cathéter en place et pour pouvoir le soulever légèrement pour nettoyer la peau en dessous.

Préparation cutanée

Elle est réalisée selon les différents temps de l’antisepsie : détersion, rinçage, séchage à l’aide d’une compresse stérile, application d’un antiseptique alcoolique et séchage spontanée. En ville, les antiseptiques alcooliques de type Bétadine ou Chlorexidine ne sont pas remboursés et restent à la charge de l’infirmière. La Commission de transparence de la HAS a donné un avis sur la Biseptine datant du 19 février 2014. Elle propose des antiseptiques remboursables, ayant au moins une indication commune à la Biseptine, et précise que la Bétadine dermique offre un service médical important pour l’antisepsie de la peau du champ opératoire. La Bétadine dermique est un antiseptique majeur à spectre étendu qui peut être utilisé pour les soins de cathéters en ville. La Biseptine est plutôt recommandée chez l’enfant. Béatrice Adjamagbo préconise donc :

→ une détersion à la Bétadine Scrub ;

→ un rinçage avec de l’eau stérile en monodose ;

→ un séchage avec une compresse stérile ;

→ une antisepsie avec de la Bétadine dermique ;

→ un séchage spontané.

Mise en place du nouveau fixateur

Après séchage spontané complet de l’antiseptique (voir délai d’action donné par le fabricant), les ailettes du cathéter sont d’abord appliquées dans les encoches du Grip-Lok ou clipsées dans les picots du Statlock, puis le fixateur est collé à la peau.

Pansement transparent

Le pansement doit être suffisamment grand pour protéger le point d’insertion et le système de fixation du Picc dont il assure le maintien.

LA GESTION DE LA VALVE

Désinfection de valve

Lors d’un traitement discontinu, il n’y a pas lieu de changer la valve à chaque perfusion si les intercures n’excèdent pas sept jours. La valve bidirectionnelle doit alors être désinfectée et rincée à chaque utilisation. Les Idels peuvent utiliser de l’alcool éthylique modifié à 70° pour la désinfection de la valve avec une action rapide (30 secondes).

Changement de valve

En cas de perfusion continue ou de non-utilisation du Picc, la valve est changée tous les sept jours lors de la réfection programmée du pansement. « Avant de connecter une valve sur le Picc, il faut la purger comme une tubulure, sinon un faible volume d’air est injecté dans la perfusion, explique Benoît Le Hasif dans ses formations. Même si ce volume est minime, il est d’usage de purger un dispositif avant de le connecter. Cela donne en plus une indication sur le type de valve. En fin de purge à la déconnexion de la seringue, si un petit volume liquidien est éjecté au bout de la valve, c’est une valve à pression positive ; si le liquide au bout de la valve est absorbé, il s’agit alors d’une valve à pression négative ou neutre. »

Pansement de valve

« L’intervention sur la valve proximale située en bout de Picc est un soin stérile réalisé dans les même conditions d’asepsie que pour la réfection du pansement du point d’émergence du cathéter », souligne Benoît Le Hasif. « La valve doit être protégée par un autre pansement transparent et, quand il y a clamp, il doit rester apparent entre les deux pansements », rappelle-t-il dans ses formations, ce qui surprend souvent les stagiaires. Le problème à domicile, c’est que ce pansement, souvent négligé, n’est pas prévu dans les sets pour Picc. « Les libérales peuvent alors prescrire une boîte de pansements semi perméables transparents de type Opsite supplémentaire [lire l’encadré ci-dessous] sachant qu’il y a un reste à charge qu’il faut expliquer au patient », rajoute l’ancien Idel, et de rappeler l’intérêt d’un pansement transparent semi-perméable :

→ transparent pour un contrôle visuel qui peut durer jusqu’à sept jours en fonction du type de perfusion. Il y a un risque de serrer un peu trop le pansement et de créer une ulcération provoquée par la pression de la valve chez un patient âgé ou affaibli à peau fragile. Le fait de glisser une compresse sous la valve est discutable car cela crée un réservoir à macération ;

→ semi-perméable pour permettre à la peau de respirer et prévenir ainsi toute accumulation d’humidité sous le pansement (transpiration).

Les Picc multi-lumières

Le cathéter inséré par voie périphérique expose à un risque de thrombose et de complications mécaniques supérieur à celui d’un cathéter de voie centrale implanté dans un gros tronc veineux. Plus il y a de lumières dans le Picc, plus leur diamètre est petit et le risque d’occlusion augmenté.

Les Picc multi-lumières qui évitent le risque de précipitation entre des traitements incompatibles au sein du cathéter sont le plus souvent réservés à des indications précises (en cardiologie par exemple). Néanmoins, en présence d’un Picc multi-lumières, toutes les lumières se prolongent jusqu’au bout du cathéter et doivent être toutes rincées en même temps que la lumière utilisée.

Point de vue

Le port du masque n’est pas une option

Béatrice Adjamagbo, cadre hygiéniste en hospitalisation à domicile à l’Assistance publique-hôpitaux de Paris

« Le port du masque pour le patient n’est pas une recommandation à prendre à la légère ni une option. Si le patient exprime des doutes, l’infirmière doit lui rappeler le risque de contamination et la responsabilité qu’il prend. C’est plus facile quand le soignant est lui-même convaincu de la nécessité de porter un masque. »

Risques de complications plus élevés pour les Picc

→ Taux d’incidence des bactériémies pour 1 000 jours d’exposition au dispositif

Cathéter veineux périphériques (CVP) : 0,5

Chambres à cathéter implantables (CCI), abord séquentiel : 0,5

Cathéters centraux à insertion périphérique (Picc) : 1 à 2

Cathéters veineux centraux (CVC) à émergence cutanée : 1,5 à 2,5

→ Risque de thrombose veineuse

Picc : 6,3 % > CVC : 1,3 %

→ Risque d’occlusion

Plus élevé pour les Picc/CVC

Source : “Bonnes pratiques et gestion des risques associés aux Picc”, CClin et Arlin du Sud-Est, 2014 (bit.ly/1xx3Xuy).

Les films adhésifs semi-perméables

→ Dénomination commune : films adhésifs.

→ Autres noms : films auto-adhésifs transparents, films adhésifs extensibles, films polyuréthane, pansements de maintien transparents ou pansements transparents adhésifs…

→ Description : constitués d’un film transparent plastique, le plus souvent à base de polyuréthane (PUR) et enduits d’une masse adhésive, les films adhésifs semi-perméables stériles sont extensibles, souples, perméables à l’air et à la vapeur d’eau, imperméables aux bactéries et aux liquides.

→ Exemples de produits (marques) : Leukomed T (BSN Medical), Askina Derm (BBraun Medical), Hydrofilm (Hartmann), Opsite Flexigrid (Smith & Nephew), Suprasorb F (Lohmann & Rauscher), Tegaderm (3M Santé)…

→ Prise en charge pour protection de sites de cathéters intraveineux : sans nombre limite d’unités ; sans prix limite de vente avec un dépassement éventuel à payer pour le patient.

→ Prescription type : “Film adhésif semi-perméable de marque X, format Y, Z boîte (s) de N.” Précisez la marque, le format (impératif), le nombre de boîtes, en indiquant si vous souhaitez une boîte de 5, de 10 ou de 20. En cas d’oubli, le pharmacien délivre la plus petite boîte. Si vous ne connaissez pas de marque, indiquez “film transparent en polyuréthane”.

Extrait du “Mémento de la prescription infirmière”, L’Infirmière libérale magazine, 8e édition, décembre 2014.