Cahier de formation
SAVOIR FAIRE
Vous vous rendez chez Monsieur R., 19 ans, atteint de mucoviscidose, pour une prescription d’antibiothérapie intraveineuse pluriquotidienne et un bilan sanguin. Monsieur R. est sorti de l’hôpital avec un Picc destiné à recevoir l’antibiothérapie.
Vous lui demandez le carnet de surveillance du Picc fourni par le service hospitalier. Vous vérifiez l’état du dispositif à travers le pansement transparent puis vous inspectez le matériel livré par le prestataire de santé. S’il n’y a pas de prolongateur, vous devez vous en procurer un via le prestataire de santé ou directement à la pharmacie en prescrivant un set de remplissage doté d’un prolongateur pour mettre en place une ouverture de voie qui protégera le Picc d’une contamination et le patient d’une infection. Le bilan sanguin peut déjà être prélevé sur l’autre bras.
Comme pour la réfection du pansement, toutes les manipulations proximales du Picc imposent une tenue adaptée avec masque de type chirurgical pour le soignant et le patient (qui peut tourner la tête du côté opposé au Picc s’il ne supporte pas le masque), gants stériles après friction hydro-alcoolique des mains et compresse stérile imprégnée d’antiseptique alcoolique.
La valve bidirectionnelle (ou le robinet le cas échéant) est désinfectée avec un antiseptique alcoolique ou de l’alcool éthylique modifié à 70° avant toute utilisation, ou changement si le set de pose contient une valve (comme pour la réfection du pansement vue précédemment). L’intervention directement sur la valve située à l’extrémité extériorisée du Picc n’est pas recommandée, surtout en cas de perfusion discontinue. À chaque perfusion, l’infirmière est obligée d’intervenir en stérile et, malgré ces précautions, le cathéter a de forts risques d’être contaminé (lire l’encadré p.34). L’ajout d’un prolongateur à l’extrémité du Picc est recommandé. Il permet à la fois de protéger le cathéter d’une contamination mais aussi de pouvoir connecter la perfusion simplement, avec des mains désinfectées par une solution hydro-alcoolique. Le prolongateur est changé toutes les 96 heures. En cas de non-utilisation du Picc supérieure ou égale à quatre jours, le prolongateur est retiré et la ligne fermée.
L’ajout d’un prolongateur (l’ouverture de voie) risque de ne pas être prévu par le prestataire.
Si le set de pose de perfusion fourni par le prestataire de santé ne contient pas de prolongateur, les infirmières libérales peuvent alors demander au prestataire de faire prescrire un set de remplissage pour perfusion en vérifiant qu’il contient bien un prolongateur (ça dépend des marques). Elles peuvent le prescrire elles-mêmes dans de nombreux traitements intraveineux sachant qu’il peut y avoir un reste à charge pour le patient (“Mémento de la prescription infirmière”, L’Infirmière libérale magazine, 8e édition, décembre 2014). La valve fournie par le prestataire est alors connectée au prolongateur.
Le rinçage avant perfusion est important même s’il n’est pas formellement recommandé et pas prévu dans les sets de pose, notamment lors du traitement intermittent. Il permet de vérifier la perméabilité du cathéter qui doit permettre une injection manuelle aisée. D’autant plus si la perfusion précédente n’a pas été suivie d’un rinçage ou en cas de doute. L’infirmière libérale peut demander un complément de matériel au prestataire (seringue et 10 cc de sérum physiologique).
Il est effectué tous les quatre jours en cas de perfusion continue d’un même produit, ou après chaque traitement en cas de perfusion discontinue.
Un rinçage efficace est impératif après toute injection par rinçage pulsé par trois poussées successives en injectant 10 ml de NaCl à 0,9 % (2 x 10 ml ou 20 ml en cas de produit à haute viscosité comme les nutritions ou les produits sanguins). Après rinçage, la déconnexion de la seringue se fait en pression positive en cas de doute sur le type de valve ou valve sans pression positive :
→ sans clamper pour les valves bidirectionnelles à pression positive pour permettre à la valve d’éjecter un volume liquidien vers le cathéter ;
→ en utilisant le clamp situé au-dessus de la lumière du Picc pour les valves bidirectionnelles à pression négative ou neutre, pour éviter un reflux sanguin.
Elle est possible sous réserve d’un rinçage efficace après administration. La tubulure de la poche de transfusion est branchée sur le site proximal, plus proche du patient, afin de faciliter le rinçage du dispositif de perfusion. S’il existe une autre voie veineuse que le Picc, elle est privilégiée pour la transfusion.
Diffuseur, pompe volumétrique ou pousse-seringue permettent le contrôle précis du produit et limitent le risque d’obstruction lors de l’administration médicamenteuse.
Le bon fonctionnement du Picc est vérifié par la présence du reflux veineux, l’absence de douleur spontanée ou à l’injection, le bon débit de perfusion (débit observé = débit attendu) et l’injection aisée à la seringue. Utiliser une seringue supérieure ou égale à 10 ml avec une pression adaptée au Picc pour toute injection manuelle.
Le petit diamètre de la lumière du Picc majore le risque de thrombose et d’occlusion. Le fait que le patient bouge le bras au cours des activités quotidienne provoque une action de pompage qui entraîne un reflux vers le cathéter, qui peut se boucher. « Des travaux ont montré qu’en intercures, quelle que soit la valve, à quinze jours, il y a toujours plus ou moins un reflux de sang dans le Picc et un risque d’occlusion. Même la valve à pression positive ne permet pas de compenser la surpression du Picc provoquée par les mouvements du bras. D’où la recommandation de refaire le pansement du Picc tous les sept jours, avec recherche du reflux et rinçage du dispositif », explique Benoît Le Hasif dans ses formations sur le Picc.
Commencer par vérifier la possibilité d’un reflux (d’où l’intérêt d’un rinçage avant la pose d’une perfusion). En présence de reflux, l’injection doit se faire sans résistance. « L’absence de reflux est une première alerte, prévient l’infirmier hygiéniste. Dans tous les cas, si l’injection ne passe pas bien, il ne faut pas forcer, car, outre le risque d’embolie pulmonaire, s’il s’agit d’un Picc en silicone, et pas en polyuréthane, il peut casser. » L’infirmière doit signaler le problème au service qui a posé le Picc.
S’il est effectué directement sur la valve située à l’extrémité du Picc, il répond aux mêmes conditions d’asepsie que toute intervention sur ce site proximal. Comme pour la perfusion, il est recommandé de ne pas intervenir directement sur le Picc mais à distance, en ajoutant un prolongateur à l’extrémité du Picc. Dans ce cas, le prélèvement peut s’effectuer simplement avec des mains désinfectées avec une solution hydro-alcoolique. Le prolongateur étant changé toutes les 96 heures, le Picc est protégé du risque de contamination.
Le patient est installé avec la tête tournée du côté opposé au Picc et le bras placé en abduction pour faciliter le retour veineux.
Les 5 à 10 premiers millilitres de sang sont purgés et ne sont pas utilisés pour le prélèvement, sauf pour la réalisation d’hémocultures en cas d’infection liée au Picc (et en l’absence de verrou antibiotique). Ils sont éliminés à la seringue ou plus facilement par l’élimination d’un ou deux tubes secs via le corps de pompe avant de faire le bilan prescrit.
Dans ce cas, les prélèvements sanguins se font à partir du robinet proximal pour faciliter le rinçage de la ligne de perfusion et du Picc tout en évitant une altération de l’échantillon prélevé.
Un bilan prescrit en dehors d’un autre soin sur le Picc pose la question du site du prélèvement. L’infirmière qui intervient directement sur la valve fixée sur le cathéter devra mettre en œuvre les conditions stériles pour un prélèvement sur voie centrale. Dans ce cas, il est plus facile et plus rapide de prélever directement sur une veine de l’autre bras si l’état veineux le permet. Comme pour la perfusion, la mise en place d’un prolongateur changé toutes les 96 heures permet une technique de prélèvement plus simple sur le Picc (friction hydro-alcoolique et gants non stériles à usage unique) et épargne au patient une piqûre dans l’autre bras.
Un rinçage pulsé avec 10 ml de NaCl à 0,9 % est recommandé après le prélèvement, mais les spécialistes préconisent plutôt un rinçage pulsé de 20 ml. En présence d’une valve transparente, rincer jusqu’à ce que la valve soit propre. « L’infirmière doit préciser au laboratoire d’analyse que le prélèvement a été fait sur Picc car, pour certains dosages de chimie, le prélèvement sans garrot modifie le résultat. Comme pour les chambres implantables, il se crée un biofilm auquel les molécules adhèrent, avec une élévation du dosage médicamenteux », précise Benoît Le Hasif.
Sylvie Demeure-Laurent, infirmière libérale à Châteauneuf-de-Gadagne (Vaucluse)
« Le premier patient porteur de Picc que nous avons pris en charge se plaignait de devoir retourner à l’hôpital pour la réfection du pansement en plus de ses séances de chimiothérapie. Au premier abord, le pansement du Picc n’était pas évident à maîtriser. J’avais déjà rencontré ce type de cathéter il y a quelques années lors d’une formation sur la nutrition parentérale. Le formateur rassurait les stagiaires en précisant que, la plupart du temps, le Picc serait fixé par des points de suture, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui et rend le soin plus délicat. Nous avons insisté pour être formées sur ce nouveau dispositif tant auprès des prestatairesavec qui nous travaillons qu’auprès de la clinique qui avait posé le Picc. Nous avons obtenu une première intervention d’un prestataire au domicile du patient pour une explication de la réfection du pansement. N’étant pas complètement assurées après cette présentation du soin, nous avons demandé une seconde visite que le prestataire a acceptée en rechignant. Nous sommes aujourd’hui à même de faire une prise en charge correcte, même si je garde le projet d’une formation plus complète avec la clinique. »
Benoît Le Hasif, infirmier de bloc opératoire hygiéniste et formateur sur Picc au Centre de lutte contre le cancer François-Baclesse à Caen (Basse-Normandie)
« L’ouverture de voie consiste à ajouter un prolongateur valvé mis en place stérilement à l’extrémité proximale du Picc. Cette recommandation permet de protéger le Picc d’une contamination. Le prolongateur joue le même rôle sur le Picc que l’aiguille de Huber ou de Gripper sur une chambre implantable. C’est-à-dire un “sas” entre les sites d’injection et le matériel qui reste en place pour parfois plusieurs mois. »