Le Conseil d’État a récemment enjoint au gouvernement de prendre le décret reprenant le projet de code de déontologie élaboré par le Conseil de l’Ordre infirmier. Que changerait ce code aux règles professionnelles existantes ?
L’article L. 4312-1 du Code de la santé publique (CSP) prévoit que « le Conseil national de l’Ordre prépare un code de déontologie, édicté sous forme d’un décret en Conseil d’État. Ce code énonce notamment les devoirs des infirmiers dans les rapports avec les patients, les membres de la profession et les autres professionnels de santé ». Un projet de code élaboré en 2010 attendait sur le bureau du ministre de la Santé. Le Conseil d’État, saisi par l’Ordre, a enjoint le premier ministre de “sortir” ce décret avant le 31 décembre 2015. Il y a fort à parier que l’existence de l’Ordre infirmier, à laquelle les députés ont mis fin par amendement en avril (lire p.6), sera rétablie lors de la suite du projet de loi de santé. Et que le décret contenant le code de déontologie verra le jour.
En 1993, des règles professionnelles pour régir la profession quelle que soit sa forme d’exercice, salariée comme libérale, avaient été édictées par décret. Elles sont reprises directement dans le CSP aux articles R. 4312-1 et suivants. Elles servent de fondement non seulement aux décisions prises par les instances disciplinaires de l’Ordre mais également par toutes les autres juridictions. Notre examen des modifications de ces règles par le code de déontologie, tel qu’actuellement rédigé, ne sera pas exhaustif. Nous reprendrons ici seulement quelques points concernant l’exercice libéral.
Actuellement, une infirmière peut s’installer où elle le souhaite. La seule restriction à cette liberté est celle des “zones surdotées” imposée par la convention. L’article 72 du projet de code prévoit un autre bémol, à l’instar des médecins : « L’infirmier ne doit pas s’installer dans un immeuble ou à proximité immédiate du cabinet d’un autre infirmier sans l’accord de celui-ci ou, à défaut, sans l’autorisation du conseil départemental de l’Ordre. Cette autorisation ne peut être refusée que pour des motifs tirés d’un risque de confusion pour le public. Le silence gardé par le conseil départemental vaut autorisation tacite à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la réception de la demande. »
La demande d’autorisation d’ouverture d’un cabinet secondaire ne se ferait plus auprès de l’Agence régionale de santé (ARS) mais devrait être adressée au conseil départemental de l’Ordre où cet autre lieu d’activité serait envisagé. Là encore le silence du l’Ordre pendant deux mois vaudrait autorisation implicite. Cette autorisation resterait personnelle et incessible et serait retirée si les besoins de la population ne justifiaient plus l’existence de ce lieu d’exercice secondaire.
Une infirmière installée pourrait toujours se faire remplacer soit par une collègue ayant son propre cabinet, soit par une infirmière n’ayant pas de clientèle propre. Cette dernière devrait toujours être titulaire d’une autorisation de remplacement. Mais cette autorisation de remplacement serait délivrée non plus par l’ARS mais par le conseil départemental de l’Ordre auprès duquel elle serait inscrite. La durée de cette autorisation de remplacement serait toujours d’un an renouvelable.
S’agissant de la fin du remplacement, le projet vient préciser le calcul de la durée du remplacement à l’issue de laquelle la remplaçante ne peut pas s’installer dans un cabinet où elle peut entrer en concurrence directe avec la collègue remplacée et, éventuellement, avec les infirmières exerçant en association ou en société avec elle. En effet, les règles professionnelles prévoient « une période totale supérieure à trois mois » (article R. 4312-47 du CSP) sans autre indication. Le projet indique, quant à lui, que ces trois mois seront « consécutifs ou non ». La seule exception prévue à cette interdiction est actuellement celle d’une éventuelle clause dans le contrat de remplacement annihilant cette interdiction. Le projet retient cette possibilité mais précise qu’en cas de désaccord entre remplaçante et remplacée, l’affaire serait soumise au conseil départemental « qui apprécie (rait) l’opportunité et décide (rait) de l’installation ». Le projet de l’Ordre rappelle la possibilité pour un infirmier de « s’attacher le concours d’un confrère collaborateur libéral, dans les conditions prévues par l’article 18 de la loi n° 2005-882 en faveur des petites et moyennes entreprises ».
Règles professionnelles et code de déontologie concordent sur le fait que la profession d’infirmière ne doit pas être pratiquée comme un commerce.
L’article R. 4312-37 du CSP dispose que « tous les procédés directs ou indirects de réclame ou publicité sont interdits aux infirmiers et infirmières ».
Selon le projet de code, les seules indications qu’un infirmier serait autorisé à diffuser « par voie d’annuaire ou de tout autre support accessible au public » sont ses noms, prénoms, adresse professionnelle, numéros de téléphone, de télécopie, professionnels, « à l’exclusion des coordonnées personnelles ». Toute insertion payante dans un annuaire serait considérée comme publicité et, à ce titre, interdite, sauf autorisation de l’Ordre. Quant aux plaques professionnelles, les seules indications autorisées – qui doivent être « présentées avec discrétion » – sont, outre les noms, prénoms et numéros de téléphone, « les jours et heures de consultations » (préférés à « horaires d’activité » de l’article R. 4312-37 du CSP), diplômes et titres ainsi que « la situation de l’infirmier vis-à-vis des organismes d’Assurance maladie ». En clair, l’infirmière sera autorisée à indiquer qu’elle est conventionnée.
La taille des plaques professionnelles (25 x 30 cm) ainsi que la possibilité de faire insérer dans la presse deux annonces lors de l’installation ou du changement d’adresse sont maintenues. En revanche, il faudrait maintenant – si le projet n’est pas modifié – communiquer au conseil départemental de l’Ordre le texte et les modalités de publication. Mais “communiquer” ne veut pas dire obtenir une autorisation préalable.
Bien entendu, le projet de code de déontologie reprend à son compte que sont interdits « tous procédés de concurrence déloyale » et de « détournement de clientèle » et précise que le sont aussi « tout compérage, commission, abaissement ou partage d’honoraires ».
À la suite d’un article paru dans cette rubrique (n° 311) et où étaient évoqués les Témoins de Jéhovah, « à propos desquels des “dérives sectaires” ont été signalées (cf. www.derives-sectes.gouv.fr) », les Témoins de Jéhovah nous demandent de publier ce droit de réponse.
« Dans son édition de février 2015, L’Infirmière libérale magazine a publié un article intitulé “Relation soignant-soigné. Et Dieu, dans tout ça ?”. Les Témoins de Jéhovah y sont accusés de “dérives sectaires”.
« Contredisant cette accusation, la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé, par un arrêt du 10 juin 2010, que les croyances et pratiques religieuses des Témoins de Jéhovah ne constituent ni un danger ni une dérive et sont donc respectueuses des individus. La Cour européenne a également rappelé de nombreuses fois que les Témoins de Jéhovah constituent bien une religion connue et établie en Europe.
« Par ailleurs, le statut cultuel de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l’État leur a été reconnu dès 1993 par les tribunaux, dont le Conseil d’État, ainsi que par les préfectures. Ce statut leur a été octroyé après une étude de leurs activités, qui ont été reconnues comme étant religieuses et sans danger. »