L’orage cévenol fait plier les lignes téléphoniques, et un orage de critiques s’abat sur Orange, chargé du service universel. Chantal Thérond, Idel, décrit l’isolement géographique et parfois technologique qui touche la Lozère.
« En juillet dernier, nous sommes restés dix jours sans connexion à Internet ni téléphonie fixe avant qu’Orange [chargé d’assurer le service universel des télécommunications] ne règle le problème. Mon cabinet se trouve dans une commune de 450 habitants, dans les Cévennes, et j’y habite aussi. J’ai pour habitude d’effectuer mes télétransmissions une fois par mois et la panne s’est produite à ce moment-là. D’habitude, ça ne dure pas si longtemps. J’ai donc fait le choix de ne pas envoyer les feuilles de soins à la Caisse primaire d’Assurance maladie par la poste. Je ne voulais pas prendre le risque de perdre la prime calculée en fin d’année. Heureusement que le réseau a été rétabli parce que je n’avais plus de revenus. Régler mes factures et cotisations par virement était également impossible, et ma banque est située à 35 kilomètres. Bien sûr, on peut penser que la téléphonie mobile peut servir de relais, mais il n’y a pas ici de réseau 3G ni de réseau 4G permettant l’accès à Internet. Pour les rendez-vous, la plupart de mes patients utilisaient leurs téléphones mobiles, mais les personnes âgées ne sont pas toujours équipées. Parfois, le portable ne passe même pas. C’est le problème que nous avons rencontré chez une dame âgée de plus de 80 ans que nous suivions avec ma collègue. Elle vivait seule, dans une maison isolée, et sa ligne téléphonique était coupée en raison de la panne. Mais son état s’est aggravé. Pour communiquer avec le médecin coordonnateur du samu, il fallait monter au sommet de la colline voisine. Ma collègue a dû faire plusieurs allers-retours. Au final, la patiente a été hospitalisée. Chez les patients équipés de la téléalarme, le service ne fonctionnait pas non plus. On a eu de la chance de ne pas avoir d’incident sur cette période. L’opérateur a finalement rétabli le service et fait un geste commercial envers les professionnels. Mais le réseau reste vétuste. Il y a un défaut d’entretien, des fils traînent à terre. En été, nous sommes habitués à essuyer de violents orages, des poteaux tombent et des pannes s’ensuivent. Une pétition a circulé et 300 habitants ont manifesté à la sous-préfecture de Florac le 17 octobre dernier pour demander une amélioration. »
Romaric Rigaudias, chargé de communication du Syndicat mixte Ardèche-Drôme- numérique qui porte la politique d’aménagement numérique du territoire
« Beaucoup de territoires ruraux partagent cette réalité. En Ardèche (enquête 2014), plus de la moitié des communes sont touchées par des interruptions fréquentes de téléphonie fixe (utilisée pour l’ADSL). Quant à la téléphonie mobile, elle dépend des quatre opérateurs privés. Or 5 % de la population habite un tiers des communes… rurales, peu rentables. Mais les collectivités territoriales peuvent intervenir (article L.1425-1 de leur Code général) : nous déployons un réseau de fibre optique “Fiber to the Home” jusque dans l’arrière-pays ardéchois ou les Baronnies. Cela contribue à maintenir l’activité des hôpitaux. Des maisons de santé pourront se connecter : un besoin vital pour retenir les populations actives et attirer de nouveaux acteurs. »