HUMANITAIRE : UNE MISSION PAS FORCÉMENT IMPOSSIBLE - L'Infirmière Libérale Magazine n° 314 du 01/05/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 314 du 01/05/2015

 

Votre cabinet

Fiche pratique

Géraldine Langlois  

Partir en mission humanitaire n’est peut-être pas aussi simple pour les infirmières libérales que pour les salariées. Mais pas impossible. À condition de bien préparer son départ (et son retour).

Anticiper

Impossible de partir sur un coup de tête : il faut anticiper son absence. Nathalie, qui est déjà partie deux fois, a prévenu plusieurs mois à l’avance ses collègues de son projet, pour qu’elles organisent son remplacement. Pascale, qui part depuis cinq ans plusieurs fois par an et parfois pendant plusieurs mois pour Médecins sans frontières (MSF), appelle les infirmières qu’elle remplace dès que MSF la contacte pour une mission. Si elles peuvent s’arranger, Pascale accepte la mission. Mais si elle s’est déjà engagée à les remplacer, elle refuse ou diffère son départ. Anthony part depuis vingt ans, deux à trois fois par an, avec une petite association qu’il a fondée. « Je travaille avec ma sœur. Quand je ne suis pas là, c’est elle qui travaille, comme pour les vacances. Je ne pars jamais plus de quinze jours. » Tous cumulent leurs jours de congé, avant ou après leur mission, pour pouvoir partir.

Prendre les devants financièrement

Pendant la mission humanitaire, il n’y a pas d’activité libérale, donc pas de revenu… alors que les charges restent à payer. Nathalie a anticipé en calculant la perte de revenu un an à l’avance pour la répartir sur l’année. Pascale provisionne ses comptes avant son départ et a opté pour le paiement de ses charges par prélèvement mensuel pour ne pas avoir de mauvaise surprise à son retour. En tant que bénévole pour une grosse ONG, elle a bénéficié d’indemnités (assez faibles) lors de ses premières missions. Désormais, elle est salariée de MSF lorsqu’elle part. Elle empoche un revenu loin d’être mirobolant, mais un revenu tout de même.

Choisir le bon contrat

Quel que soit son statut, il faut bien prévoir les conditions de son remplacement pendant son absence. Beaucoup conseillent de partir en ayant le statut de remplaçante, plus souple que les autres, comme celui de Pascale. C’était aussi celui de Nathalie lors de sa première mission, et tout s’était bien passé. La seconde fois, elle était collaboratrice d’une infirmière titulaire. Son contrat prévoyait qu’elle devait trouver elle-même sa remplaçante et que sa collègue devait donner son accord. Mais le choix de la remplaçante s’est mal passé… « Cela a créé de fortes tensions entre nous alors qu’avant il n’y en avait pas du tout », se souvient-elle. À son retour, l’infirmière titulaire avait rompu son contrat.

Ne pas “jouer” avec les frais

À moins de partir avec une ONG importante, il faut assurer soi-même ses frais de mission. Il n’est pas possiblede faire passer les dépenses de transport, de logement ou de matériel sur la comptabilité du cabinet. Mais une association humanitaire peut rembourser des frais aux personnes qu’elle envoie en mission, grâce à des dons. Sous certaines conditions (petitlien.fr/frais), les frais engagés peuvent être déclarés aux services fiscaux comme des dons aux associations et ouvrir droit à une réduction d’impôts.

Emporter du matériel ?

Il est possible d’emporter du matériel dans ses bagages. Nathalie a contacté des fabricants de pansements et certains lui ont fourni des cartons de matériel qui ne pouvait plus être vendu en France. Des patients lui ont aussi donné du matériel.

Prévenir ses patients

Pascale prévient les patients du cabinet lorsqu’elle part. « Quand je reviens, je suis presque un héros, s’amuse-t-elle. Ils me voient un peu comme une baroudeuse. Cela nous fait un sujet de conversation en plus ! »

L’avis de l’expert

Cécile Bocquet, infirmière libérale, présidente de l’Association nationale de gestion agréée des paramédicaux libéraux (Angiil), témoigne.

« Il faut veiller à bien personnaliser son contrat, notamment en cas de collaboration, en précisant qu’on pourra s’absenter pour des missions humanitaires.La confiance dans l’équipe est essentielle pour gérer le départ comme le retour. Quand on revient, c’est important de prendre le temps de la transmission des informations sur ce qui s’est passé en son absence afin de se remettre dansle bain rapidement. Le paiement du loyer et des charges (eau, électricité, etc.) est souvent mensualisé, mais pas forcément celui des cotisations Urssaf ou Carpimko. Alors, si on est absent au moment où il faut les payer, mieux vaut prévoir en amont de les mensualiser aussi. Et provisionner son compte bancaire en conséquence…

Les frais de mission ne peuvent pas être déclarés comme des frais d’activité : ils ne sont pas liés à l’activité de soin libérale ni à une action de formation. C’est indéfendablesur le plan fiscal. Attention également à ne pas emporter de médicaments,c’est interdit. »