Les fractures des membres et leurs traitements | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 314 du 01/05/2015

 

Cahier de formation

Savoir

Les fractures de membres sont des lésions traumatiques assez fréquentes. Leur traitement s’appuie sur le processus de consolidation osseuse. Il comprend la remise en place des fragments osseux si nécessaire et leur immobilisation jusqu’à une consolidation effective du membre atteint.

GÉNÉRALITÉS SUR LES FRACTURES DES MEMBRES

Une fracture est une rupture de la continuité d’un os (cassure). La fracture peut correspondre à une simple fissure osseuse sans déplacement ou à une fracture à nombreux fragments déplacés (comminutive). Les fractures les plus fréquentes sont celles du poignet, du col du fémur (surtout chez les personnes âgées), de la cheville et de la jambe.

Étiologie des fractures

→ Les fractures traumatiques sont les plus fréquentes. Elles sont occasionnées par des traumatismes violents : accidents de la voie publique, accidents de sport, accidents domestiques ou professionnels, chutes, etc.

→ Les fractures pathologiques concernent les os fragilisés par des processus ostéolytiques. Elles sont occasionnées par des traumatismes minimes survenant sur infection osseuse chronique, tumeur ostéolytique, drépanocytose, dystrophie acquise (ostéoporose, rachitisme, ostéomalacie) ou congénitale (“maladie des hommes de verre” dite “de Porak et Durante”).

→ Les fractures de fatigue sont dues à des microtraumatismes répétés et au stress. Elles sont surtout observées chez les sportifs et les militaires, souvent au niveau de la jambe. La fracture est due à des contraintes inhabituelles, intenses et répétitives (danseurs et sauteurs).

Mécanismes des fractures traumatiques

→ Le traumatisme direct : un choc direct provoque une fracture au niveau de l’impact.

→ Le traumatisme indirect : os sollicité en torsion, traction ou flexion, compression ou mécanisme complexe. L’onde de choc se propage et l’os se fracture à distance de l’application des forces. Par exemple, une personne chute sur la main et se casse le coude.

Fracture ouverte ou fermée

Une fracture est dite “fermée” lorsque l’intégrité de la peau est conservée (sans plaie associée). Elle est dite “ouverte” lorsque les parties molles (peau et muscles) sont rompues et que le foyer de fracture communique avec l’extérieur. Une fracture est dite “potentiellement ouverte” en présence d’une lésion cutanée en regard du foyer de fracture susceptible de s’ouvrir secondairement (contusion cutanée grave, dermabrasion, décollement cutané, phlyctène).

CONSOLIDATION DES FRACTURES

La consolidation osseuse

Le tissu osseux est renouvelé constamment par un processus de remodelage assuré par les ostéoclastes qui résorbent la matrice osseuse et par les ostéoblastes qui synthétisent une nouvelle matrice. Après une fracture, une ostéogénèse réparatrice est enclenchée, destinée à reconstituer une continuité solide de l’os. La consolidation est un phénomène physiologique complexe qui aboutit à la cicatrisation du tissu osseux, dont la qualité est directement liée au choix du traitement. Toutes les fractures se consolident par l’intermédiaire d’un cal osseux (un cal est un tissu de régénération osseuse qui soude deux fragments d’un os fracturé) constitué selon trois phases principales.

Entre J1 et J20 : l’hématome et la réaction inflammatoire

Tout foyer de fracture est envahi par un hématome qui s’organise rapidement à partir de nouveaux vaisseaux provenant des tissus sains environnants. La détersion du foyer de fracture est assurée par des polynucléaires et des macrophages. Progressivement, l’hématome est remplacé par un tissu fibroblastique très richement vascularisé.

Entre J20 et J30 : le cal conjonctif

Le foyer de fracture est “englué” dans un cal fibreux. Ce cal conjonctif assure une certaine stabilité du foyer de fracture et une diminution de sa mobilité. Progressivement, un cal osseux primaire se constitue. Les ostéoclastes commencent à résorber les extrémités osseuses dévitalisées. Le cal conjonctif est peu à peu envahi par des cellules ostéoblastiques qui vont construire le cal osseux.

Entre J30 et J60 : l’ossification du cal

Visible dès le trentième jour sur une radiographie standard, le cal osseux se modèle et s’organise en formant une jonction efficace entre les deux fragments. Ce processus nécessite une détersion, une contention et une immobilisation de qualité. Les contraintes en compression et en traction sont très utiles au développement du cal. Il faut aussi que l’espace entre les deux fragments et la brèche du périoste (membrane fibreuse qui gaine l’os à l’exception de ses surfaces articulaires) soit minime. Le cal osseux continue à se remodeler en s’adaptant aux conditions mécaniques pendant de nombreux mois.

Les troubles de la consolidation osseuse

Cal vicieux

Un cal vicieux se forme lorsque la consolidation se fait dans une position non anatomique (position vicieuse), par exemple à cause d’une mauvaise immobilisation ou d’une réduction incomplète du foyer de fracture (surtout traitement orthopédique). Cette consolidation défectueuse peut avoir par exemple pour conséquence une longueur inégale des membres inférieurs ou une contrainte anormale au niveau des articulations qui entraîne douleurs et arthrose. En cas de déformation importante ou de gêne fonctionnelle, un cal vicieux peut être corrigé par une ostéotomie en réalisant une nouvelle fracture chirurgicale pour aligner l’os en bonne position, stabilisé par une ostéosynthèse. S’ensuit une nouvelle consolidation.

Ouverture du foyer de fracture

Outre la perte de l’hématome péri-fracturaire, l’ouverture de la peau au niveau de la fracture entraîne un risque d’une contamination qui impose en urgence l’administration d’antibiotiques et d’une vaccination anti-tétanique, et de laver et parer la plaie (dans les six premières heures). Une infection au niveau de la plaie entraîne un risque de pseudarthrose septique, c’est-à-dire une non-consolidation du foyer de fracture associée à une infection sous-jacente. C’est l’une des complications les plus graves de la traumatologie des os longs.

Pseudarthrose

Une pseudarthrose est une fracture qui ne consolide pas (lire “Complications des fractures” p. 30).

CRITÈRES DE GRAVITÉ DES FRACTURES

Les fractures ouvertes et les lésions vasculaires et nerveuses, qui sont aussi des critères de gravité, sont évoquées dans la partie suivante concernant les complications.

Le niveau de la fracture

C’est un élément important du pronostic. Les fractures distales sont souvent plus complexes que les fractures proximales. L’environnement musculaire autour du foyer de fracture est plus faible ; le foyer est donc moins vascularisé et plus exposé en cas de nécrose.

La forme de la cassure

Le type de trait de la fracture conditionne la stabilité et les possibilités de consolidation du foyer favorisée par la mise en compression de l’os. Les fractures transverses ou transversales présentent une ligne de cassure perpendiculaire à l’axe de l’os, et les fractures longitudinales ou linéaires, une cassure parallèle à cet axe. Ces deux formes de fractures maintiennent un contact os/os, elles sont plus stables et consolideront mieux que les fractures obliques. Les fractures comminutives, caractérisées par la présence de nombreux fragments ou esquilles, sont de deux types :

→ les fractures en papillon présentent un fragment central et de petits fragments latéraux ;

→ les fractures engrenées, dans lesquelles les fragments se chevauchent.

Les fractures comminutives peuvent occasionner de véritables pertes de substance osseuse à prendre en compte lors de l’ostéosynthèse. Elles nécessitent une réduction chirurgicale compliquée.

Le terrain

Évidemment, une fracture sur terrain fragile est plus grave qu’une fracture chez un sujet sain. C’est notamment le cas des personnes diabétiques et immunodéprimées qui peuvent présenter des complications infectieuses plus importantes. Les personnes âgées préoccupent les spécialistes et une collaboration se développe entre gériatres et orthopédistes, appelée “orthogériatrie”.

TRAITEMENT DES FRACTURES

Principes du traitement

Ils respectent le processus de consolidation osseuse. Il s’agit de :

→ conserver l’hématome péri-fracturaire ;

→ favoriser les forces de compression ;

→ éviter l’infection par tous les moyens.

Le traitement des fractures sans déplacement comprend une immobilisation avec surveillance (radiologique) d’un éventuel déplacement secondaire, suivie d’une mobilisation douce instaurée progressivement.

Le traitement des fractures déplacées repose sur deux temps indispensables. La réduction de la fracture, de façon orthopédique ou chirurgicale, consiste à ramener l’os fracturé dans sa position anatomique normale. Cette intervention est suivie d’un temps d’immobilisation de cette réduction.

Traitement orthopédique

Une réduction de la fracture est indiquée en cas de déplacement d’un ou de plusieurs fragments osseux. La réduction consiste à remettre en place les fragments osseux fracturés par manipulation externe. Elle peut être effectuée sous anesthésie locorégionale ou générale. La réduction est ensuite “bloquée” par immobilisation (plâtre, attelle rigide…). Le traitement orthopédique présente des avantages : absence de cicatrice, diminution du risque infectieux et faible taux de pseudarthrose.

Le traitement des fractures de fatigue est le plus souvent orthopédique. Il repose sur une décharge éventuelle (si possible), du repos (arrêt du sport pendant six semaines pour fracture des métatarsiens, douze semaines pour tibia, fémur ou bassin), un glaçage, une attelle ou des orthèses. Le pronostic est favorable et la prise en charge chirurgicale est exceptionnelle.

Traitement chirurgical

L’ostéosynthèse consiste à mettre en place un matériel de soutien anatomique (vis, plaques vissées, clous centro-médullaires…). Ce traitement permet de replacer et maintenir l’os fracturé dans sa position normale, de stabiliser le membre et de favoriser la consolidation osseuse. Elle permet aussi d’éviter les déformations. Les ostéosynthèses favorisent une “immobilisation réduite” et une rééducation précoce des articulations afin d’obtenir une reprise fonctionnelle dans les meilleurs délais. L’ostéosynthèse par brochage a tendance à diminuer au profit des techniques par plaque et vis qui permettent une meilleure stabilisation. Les broches restent néanmoins indiquées dans le traitement chirurgical de la majorité des fractures du poignet ou du doigt.

Les vis et les plaques d’ostéosynthèse

→ La mise en contact des fragments est assurée par des vis et par leur orientation par rapport au trait de fracture. Lors d’une ostéosynthèse pour une fracture complexe, les fragments sont fixés par des vis car la compression des fragments favorise la consolidation osseuse. La plaque d’ostéosynthèse sert alors à stabiliser l’ensemble une fois la réduction obtenue.

→ Les plaques ne peuvent maintenir les fragments que pendant le temps du développement du cal. En cas de consolidation retardée ou absente, les contraintes dynamiques absorbées par la plaque peuvent aboutir à une fracture de la plaque ou des vis.

→ En présence d’un cal solide, il faut néanmoins attendre au moins dix-huit mois avant d’envisager l’ablation du matériel. L’ablation est indispensable, surtout pour des os porteurs (membres inférieurs), afin que l’os puisse retrouver ses propriétés mécaniques, en particulier son élasticité et sa résistance. Dans le cas d’un os non porteur, la plaque n’est pas systématiquement retirée, sauf si elle est gênante.

→ Des fractures sont possibles après ablation de matériel lorsque l’os n’a pas encore retrouvé ses capacités mécaniques au moment de l’ablation. Des précautions sont nécessaires pendant quelques semaines (utilisation d’une canne, arrêt des sports…).

Les clous centro-médullaires

Ce sont de long tubes métalliques creux et fendus faits pour être introduits dans le fémur, le tibia et l’humérus (os longs). L’enclouage centro-médullaire consiste à introduire un clou dans la cavité médullaire de l’os qui sert de tuteur interne dans le but d’une reprise rapide de la fonction, une mobilisation immédiate et une remise en charge précoce aux membres inférieurs.

Ils existent en différentes longueurs et calibres et sont utilisés pour les fractures des diaphyses des os longs, mais aussi dans de nombreuses situations (fractures traumatiques métaphysaires, voire épiphysaires, cure des pseudarthroses, traitement des cals vicieux…). En fait, le clou stabilise bien les mouvements et permet un appui rapide, même avant une consolidation acquise, mais les mouvements de rotation sont parfois mal contrôlés. Dans ces cas, le clou peut être “verrouillé” à ses extrémités par des vis transversales traversant l’os et le clou (enclouage verrouillé, voir schéma p. 37).

Fixateur externe

Avec la fixation externe, l’implant principal, la ou les barres, est situé en dehors de l’organisme. Cet implant est connecté aux fragments osseux par des fiches transcutanées. Ce type de fixation permet de stabiliser très rapidement les fractures à lésions multiples. Il est privilégié pour le traitement initial du patient polytraumatisé instable. De nombreuses variétés de fixateurs externes existent. Plusieurs fiches métalliques sont vissées dans l’os à travers la peau, de part et d’autre de la fracture, à distance des plaies cutanées. L’absence d’implant interne au niveau du foyer réduit le risque infectieux dans les situations à risque (fracture ouverte, pseudarthrose septique). Néanmoins, le risque infectieux au niveau des fiches transcutanées reste le principal inconvénient de la fixation externe. Ce risque est prévenu par une technique rigoureuse lors de la pose des fiches et par des soins post-opératoires (lire “Prise en charge des plaies post-opératoires” p. 33).

Chirurgie à foyer ouvert ou fermé

→ L’ostéosynthèse à foyer ouvert consiste à inciser les tissus jusqu’à l’os, à réaliser la réduction puis à fixer la fracture par un matériel d’ostéosynthèse. Ces techniques concernent essentiellement les ostéosynthèses par plaques vissées et sont appliquées pour le traitement des fractures articulaires complexes.

→ Les ostéosynthèses à foyer fermé par enclouage centro-médullaire sont actuellement privilégiées. La fracture est manipulée par des manœuvres externes. Lorsque la fracture est réduite, le matériel d’ostéosynthèse est introduit par une petite voie. Cette technique présente l’avantage de ne pas contrecarrer le processus de consolidation, d’entraîner moins de risques d’infection et de ne laisser qu’une petite cicatrice.

Immobilisation « anatomique »

Les fractures sans déplacement peuvent être immobilisées sans réduction par un plâtre ou une résine jusqu’à consolidation de l’os. Les fractures déplacées sont immobilisées après réduction orthopédique ou chirurgicale.

L’exemple des fractures du poignet

→ En cas de fractures pas ou peu déplacées, l’avant-bras, le poignet et éventuellement le coude sont immobilisés par un plâtre (ou une résine) pendant six semaines au moins (ou quarante-cinq jours). Un contrôle radio-clinique régulier (à une, trois et six semaines) permet de s’assurer que la fracture ne bouge pas et que le plâtre est bien supporté.

→ En cas de fractures déplacées, une intervention de courte durée (hospitalisation d’une journée) sous anesthésie loco-régionale permet la réduction de la fracture avec des broches (déplacement postérieur) ou des plaques d’ostéosynthèse (déplacement antérieur). Le bras est ensuite immobilisé dans une attelle pendant six semaines, avec contrôle radio-clinique (à trois et six semaines).

L’exemple des fractures bimalléolaires

→ C’est la fracture de la pince bimalléolaire constituée de la partie distale du péroné (malléole externe) et du tibia (malléole interne).

→ En cas de fractures peu déplacées sans atteinte cutanée, un traitement orthopédique avec réduction ou sans réduction (plus rare) est possible. Cette méthode est rarement utilisée car elle impose une longue immobilisation stricte de l’articulation du genou (six semaines) et de la cheville (trois mois) avec risque d’amyotrophie et/ou de raideur.

→ Le traitement chirurgical est le traitement de choix pour les fractures déplacées et instables.

→ L’immobilisation par une botte plâtrée bivalvée (composée de deux pièces réunies par des sangles) permet une rééducation précoce de la cheville sans appui pendant six semaines puis un appui partiel selon l’évolution de la consolidation osseuse.

COMPLICATIONS DES FRACTURES

Complications immédiates

Ouverture cutanée

En cas de fracture ouverte, l’ouverture cutanée en regard du foyer de fracture augmente le risque infectieux qui retarde ou empêche la consolidation. Le risque d’infection est lié :

→ au degré de septicité de la plaie (plaie souillée par de la terre, des débris divers…) ;

→ au délai écoulé entre l’accident et la prise en charge (pullulation microbienne importante à partir de la sixième heure).

Cette ouverture diminue également le pouvoir de consolidation en éliminant les facteurs inducteurs contenus dans le sang et la moelle. Une fracture peut être ouverte de dehors en dedans lorsque l’agent contendant vient léser la peau puis atteindre l’os, ou de dedans en dehors lorsque l’os fracturé déchire la peau. Les lésions de dedans en dehors sont logiquement moins souillées que celles de dehors en dedans. La gravité variable des lésions a une influence sur le pronostic et la possibilité de pouvoir ou non réaliser une ostéosynthèse (lire l’encadré ci-dessous).

Lésions vasculaires

C’est l’artériographie qui permet de confirmer une lésion vasculaire et d’en préciser le niveau. Il peut s’agir d’une lésion simple par compression due à un fragment osseux ou à un hématome. La suppression de la compression est urgente.

Il peut s’agir d’une ischémie aiguë avec extrémité froide et abolition du pouls liée à une lésion plus grave comme une section artérielle, qui doit être traitée en urgence. L’évolution rapide de lésions ischémiques, nerveuses et musculaires (syndrome de loges), est une urgence des premières heures qui suivent un traumatisme (lire l’encadré p.38 sur le syndrome de loges).

Lésions nerveuses

Elles peuvent être dues à un élément compressif simple entraînant une paralysie sensitive et/ou motrice sans interruption des fibres nerveuses. Il peut aussi s’agir d’une lésion des fibres avec une dégénérescence distale dont la régénération demandera de nombreux mois après une réparation chirurgicale. Le risque de lésion nerveuse doit faire vérifier la sensibilité et la motricité en urgence. Par exemple, une lésion du nerf sciatique poplité externe, qui court sur la face externe du mollet, se répercute sur les muscles extenseurs des orteils et les muscles fléchisseurs dorsaux du pied(1). Lors de la marche, le pied tombe vers le bas et les orteils touchent le sol.

Complications secondaires

Infection

C’est la complication la plus redoutée en raison des difficultés de son traitement et de son retentissement négatif sur la consolidation de la fracture. L’infection d’une fracture se produit en cas de fracture ouverte ou lors de l’intervention chirurgicale (complication iatrogène). Une fracture fermée n’a aucune raison de se surinfecter(2). Plusieurs types d’infections sont possibles :

→ le tétanos est exceptionnel grâce à la prévention systématique (sérothérapie et vaccination) ;

→ la gangrène gazeuse est une infection grave liée à des germes anaérobies. Elle se caractérise par une nécrose des tissus au niveau de la plaie. Elle est favorisée par la présence d’un hématome ou d’un corps étranger. Le diagnostic clinique repose sur l’apparition de crépitation gazeuse à la pression des parties molles (gaz d’odeur putride) et sur des signes généraux de gravité : douleur intense, fièvre élevée, chute de la pression artérielle, affaiblissement. Rare de nos jours, la gangrène gazeuse concerne le plus souvent des personnes diabétiques (sensibles aux infections). La prévention passe par une antisepsie rigoureuse des plaies et une antibiothérapie en cas de plaie profonde ou souillée. Le traitement associe antibiothérapie, oxygénothérapie hyperbare et l’évacuation chirurgicale de la collection purulente avec un nettoyage large des tissus environnant pour éviter une évolution vers l’ostéite ;

→ les infections secondaires habituelles sont dues aux germes classiques (staphylocoques dorés…) ;

→ l’infection chronique avec fistulisation est caractéristique de l’ostéite. Les fragments osseux atteints par l’ostéite se dévitalisent et ne peuvent se consolider, ce qui engendre une pseudarthrose infectée. Une excision des fragments osseux dévitalisés et une greffe osseuse sont nécessaires pour obtenir la consolidation. La pseudarthrose infectée peut persister malgré les traitements, l’amputation du membre est alors parfois inévitable.

Nécrose cutanée

Elle peut se produire dans différentes situations :

→ la peau a été contuse lors du traumatisme ;

→ il y a eu une plaie avec un décollement. Ce sont alors les bords cutanés qui se nécrosent ;

→ parfois une esquille osseuse refoule la peau ; cette nécrose secondaire peut avoir des conséquences graves, surtout si elle se développe sous un plâtre.

Une nécrose cutanée peut empêcher la couverture du foyer de la fracture et conduire à une infection. Le traitement consiste à exciser la zone nécrosée, soit par une excision superficielle avec cicatrisation spontanée, soit par des interventions de chirurgie plastique pour recouvrir l’os.

Phlébites

Les thromboses veineuses profondes sont possibles malgré la prévention par un traitement anticoagulant. Outre la prophylaxie anticoagulante, la mobilisation précoce, le lever rapide et les contractions musculaires favorisent la circulation veineuse et évitent la stase (lire la partie Savoir faire p. 38).

Déplacements secondaires

Ils sont toujours possibles, même avec une immobilisation bien réalisée. Favorisés par la fonte des œdèmes et par les mouvements, les déplacements secondaires sont dépistés par des radiographies de contrôle, systématiques pendant l’immobilisation. Une nouvelle réduction fracturaire est souvent nécessaire, surtout si le déplacement est important. S’il est modéré, une réduction secondaire par gypsotomie correctrice est possible. Le plâtre est fendu (gypse = plâtre, tomie = coupure) pour corriger le défaut axial. Le plâtre est ensuite “circularisé” par quelques tours de bandes et la correction est contrôlée par radiographies. Ce type de correction est possible jusqu’à la troisième semaine (surtout pratiquée chez les enfants).

Algodystrophie

L’algodystrophie s’installe le plus souvent à la suite d’un traumatisme (fracture, entorse) ou d’une intervention chirurgicale et elle touche l’adulte à tout âge avec une prédominance féminine (environ trois femmes pour un homme). Elle reste exceptionnelle chez l’enfant et l’adolescent. Il n’existe aucun traitement médicamenteux spécifique. Le traitement symptomatique porte à la fois sur la douleur et la gêne fonctionnelle (antalgiques et rééducation).

Embolie graisseuse

L’origine de cette complication est supposée due à la migration de particules graisseuses dans la circulation générale à partir du foyer de fracture. Un défaut d’immobilisation de la fracture pourrait favoriser cette complication qui survient le plus souvent quelques jours après le traumatisme (12 à 72 heures) ou après une ostéosynthèse. L’embolie graisseuse concerne surtout des fractures du fémur et du bassin avec des manifestations principalement pulmonaires et neurologiques. La symptomatologie associe détresse respiratoire aiguë (embolie pulmonaire), fièvre, pétéchies, état confusionnel et possible insuffisance rénale aiguë. La biologie montre anémie, hyperleucocytose, thrombopénie et perturbations du métabolisme protidique et lipidique. Le traitement se fait en urgence en service de réanimation. Il est parfois nécessaire d’opérer en urgence dans les suites de l’embolie pour stabiliser la ou les fractures et éviter la multiplication répétée des emboles.

Complications tardives

Retard de consolidation

C’est lorsque la consolidation tarde à se produire par rapport aux délais attendus. Le foyer de fracture conserve une mobilité douloureuse, un œdème et une chaleur locale. Le diagnostic est parfois difficile entre retard de consolidation avec consolidation encore possible (mais avec une immobilisation prolongée et son retentissement social), et pseudarthrose avec consolidation spontanée impossible. Une greffe est alors possible.

Pseudarthrose

La pseudarthrose est une fracture qui n’a pas bien consolidé après le délai habituel. Il y a deux principaux types de pseudarthrose :

→ la pseudarthrose hypertrophique se caractérise par la présence d’un cal osseux avec un trait de non-consolidation (trait de fracture) toujours visible radiologiquement six mois après une fracture. La pseudarthrose hypertrophique est très rare pour les fractures fermées traitées orthopédiquement, plus fréquentes après des fractures ouvertes ou ostéosynthésées. Son traitement, plutôt simple, repose soit sur la stimulation de sa consolidation avec une mise en charge du membre (si possible), soit par une ostéosynthèse stable (clou centro-médullaire ou ostéosynthèse par plaque). Autres traitements, deux procédés qui permettent la constitution d’un cal : la stimulation électromagnétique de l’ostéogénèse, et la “décortication ostéo-musculaire de Judet” qui utilise des copeaux détachés de l’os disposés autour de la pseudarthrose pour jouer un rôle de greffons, souvent associée à une osthéosynthèse ;

→ la pseudarthrose atrophique est caractérisée par l’absence de cal osseux et une mobilité anormale entre les segments osseux qui n’ont pas consolidé. Les fragments osseux sont dévitalisés et atones. Elle est plus rare, et concerne plutôt la pseudarthrose congénitale (pathologie rare de l’enfant) ou les échecs répétés au cours du traitement de certaines fractures diaphysaires. Dans les pseudarthroses hypotrophiques, il n’y a pas de cal osseux : il faut donc greffer et fixer les deux segments en réalisant une ostéosynthèse. L’absence de cal osseux impose une greffe osseuse et la fixation des segments osseux par ostéosynthèse. Le traitement est plus lourd pour les pseudarthroses congénitales. On parle de “pseudarthrose septique” lorsqu’une pseudarthrose est associée à une infection.

SÉQUELLES DES FRACTURES

Cals vicieux

Il s’agit d’une consolidation vicieuse faite avec un ou plusieurs des déplacements initiaux (angulation, décalage, chevauchement et translation). Une angulation persistante au niveau du membre inférieur peut entraîner de graves conséquences comme une arthrose douloureuse du genou de la hanche ou de la cheville, installée en quelques années. Les cals vicieux sont moins gênants au niveau du membre supérieur puisque le bras est suspendu. Les fractures articulaires ne supportent aucun défaut de réduction puisque ce dernier aura toujours un retentissement sur le fonctionnement articulaire.

Raideurs articulaires

Ces raideurs sont consécutives à des immobilisations trop prolongées, des fractures articulaires ou à des complications comme l’algodystrophie. Elles sont prévenues et traitées par la rééducation. Dans certains cas, un fragment osseux peut jouer le rôle de butoir et limiter l’amplitude des mouvements. L’arthrose post-traumatique est une cause d’enraidissement. Les adhérences musculaires peuvent limiter les mouvements.

FRACTURE DU PATIENT ÂGÉ

Le syndrome de glissement

Il s’agit d’une dégradation rapide de l’état général secondaire à une affection aiguë médicale, chirurgicale ou psychologique. Il est donc particulièrement à surveiller après une chirurgie pour fracture, du col du fémur par exemple. L’évolution spontanée du syndrome de glissement est mortelle dans 50 % des cas. La guérison est marquée par la reprise de l’alimentation et de la communication, mais les rechutes concernent 30 % des patients. Sa survenue nécessite un signalement au médecin et une prise en charge rapide dès l’apparition des signes cliniques :

→ signes généraux : anorexie, adipsie, évoluant vers la cachexie et la déshydratation ;

→ signes abdominaux : atonie vésicale et intestinale (globe, fécalome), incontinence ;

→ signes psychiques : confusion mentale, dépression sévère, mutisme avec refus de soins, d’alimentation, de communication.

L’orthogériatrie

Dans le cas des personnes âgées, une fracture survient souvent dans un contexte qui associe d’autres pathologies dont les décompensations en cascade peuvent avoir de graves conséquences, jusqu’à entraîner le décès. C’est par exemple le cas des personnes qui ne se remettent pas (syndrome de glissement), ou mal, après une chirurgie banale pour une fracture du col du fémur. Pour améliorer la prise en charge des patients âgés, l’orthogériatrie est une nouvelle approche des traumatismes orthopédiques dans cette population. Elle englobe tout ce qui concerne les soins péri-opératoires, l’opération elle-même, la réhabilitation, la prévention secondaire, la recherche clinique et préclinique ainsi que l’accompagnement de la personne âgée hospitalisée pour fracture. Il s’agit d’organiser un continuum de la prise en charge, depuis l’arrivée aux urgences jusqu’au suivi post-opératoire, avec un double regard chirurgical et gériatrique en vue d’une remise en condition sociale du patient âgé.

(1) Le nerf sciatique chemine dans la fesse, à l’arrière de la cuisse et du genou où il se divise en deux branches : le nerf sciatique poplité externe court sur la face externe du mollet, sur le devant de la cheville, sur le dessus du pied jusqu’au gros orteil ; le nerf sciatique poplité interne court à l’arrière du mollet, de la cheville, sous le pied côté externe jusqu’au petit orteil.

(2) Cyril Lazerges, Bertrand Coulet, Michel Chammas, CHU Lapeyronie, Montpellier, “Évaluation de la gravité et complications chez un traumatisé des membres”, via le lien raccourci bit.ly/1O6vR8m

Classifications des fractures ouvertes

Les classifications des fractures ouvertes les plus utilisées sont la classification de Jean Cauchoix, orthopédiste français (1957), et celle de Gustilo et Anderson, orthopédistes américains (1976)*. La classification de Jean Cauchoix distingue :

→ type I : ouverture punctiforme ou linéaire (plaie simple, franche, sans décollement), souvent de dedans en dehors, qu’il est possible de suturer sans tension. La peau est faiblement lésée, la cicatrisation est le plus souvent obtenue simplement sans complication, sans nécrose secondaire ;

→ type II : ouverture plus large (plus de 1 cm), le plus souvent de dehors en dedans. La couverture cutanée est possible d’emblée, mais la peau est en tension et lésée. Les bords sont parfois excisés pour permettre la suture, mais la fermeture est possible. Il y a un risque de désunion secondaire, voire d’infection ou de nécrose secondaire ;

→ type III : perte de substance cutanée large empêchant la fermeture cutanée primitive. La couverture de la plaie se fait par lambeau ou par transplant musculaire et greffe de peau.

* Dictionnaire médical de l’Académie de médecine, version 2015.