L'infirmière Libérale Magazine n° 314 du 01/05/2015

 

Éditorial

MATHIEU HAUTEMULLE  

On a d’abord cru à une blague. La période s’y prêtait : quelques relents de poissons d’avril flottaient encore dans l’air. Quelques jours plus tôt, n’avait-on pas appris que la “Fonction pneumatique hospitalière” allait remplacer une infirmière sur deux partant à la retraite par un modèle gonflable ? Que les pharmaciens allaient vacciner hors des pharmacies, épaulés par… les vétérinaires ? N’avait-on pas appris, encore, que Marisol Touraine avait rêvé un jour d’être infirmière ? Ou enfin que non, l’ONI, la ministre ne voyait pas ce que c’était(1). Pas si anodins, les poissons d’avril peuvent sérieusement libérer « d’une tension nerveuse trop forte », et constituer « une bravade » à l’encontre d’une figure d’autorité(2)… à l’image d’une ministre. C’est dans ce contexte rigolard et acerbe qu’au petit matin du 10 avril, la nouvelle de la suppression de l’Ordre infirmier est tombée, comme sont tombés de leur chaise nombre d’IDE. Au fond, cette suppression n’a rien d’extravagant pour les opposants de longue date. Elle est un simple rebondissement dans une histoire rocambolesque. Elle est pourtant surprenante, au moment même où la publication du code de déontologie rédigé par l’ONI est imminente, et alors que la ministre en personne salue « une équipe nouvelle (…), dont tout le monde reconnaît qu’elle travaille mieux, et qu’elle contribue à apaiser les choses »(3). Le Sénat, cet été, reviendra probablement sur l’amendement voté, contre l’avis ministériel, par quatre poignées de députés - d’ailleurs, où étaient les autres ? L’ampleur et le nombre de réactions favorables à l’ONI montrent en tout cas que, même contesté, il a bien commencé à se faire une place, au moins dans les esprits. Comme si, à force d’entendre des plaidoyers pour sa disparition, l’annonce d’une réelle suppression avait désormais tout d’une blague.

(1) Le best of des poissons à lire sur notre site espaceinfirmier.fr, à la date du 2 avril (raccourci : bit.ly/1IitE8k).

(2) L’article de sociologie “Le rire dans les relations de travail”, qui date de 1961, n’a pas pris une ride (bit.ly/1DM3hrz) !

(3) Les débats à lire sur le site de l’Assemblée (bit.ly/1b3Sm15).