Surveillance d’un patient sous plâtre - L'Infirmière Libérale Magazine n° 314 du 01/05/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 314 du 01/05/2015

 

Cahier de formation

Savoir faire

Si les plaies post-opératoires suturées cicatrisent généralement sans incident, la surveillance des complications s’impose néanmoins. De même, l’immobilisation du membre fracturé peut entraîner des complications, comme des compressions provoquées par la contention en plâtre ou en résine, et des risques de survenue d’une phlébite.

Vous venez faire un contrôle des plaquettes chez Monsieur K. qui a un traitement anticoagulant pour une fracture du plateau tibial du genou gauche immobilisée par un plâtre qui va du pied jusqu’en haut de cuisse (cruro-pédieux). Il n’a pas été opéré car la fracture n’était pas déplacée. L’appui du côté gauche lui est interdit pendant trois mois. Il vous dit qu’il peut bouger le genou dans son plâtre.

Vous lui rappelez l’importance de ne pas prendre appui sur son pied gauche pour éviter un déplacement de sa fracture qui imposerait une nouvelle opération, donc une autre immobilisation. Il doit contacter le service de chirurgie pour signaler la mobilité du genou dans le plâtre. Celui-ci est peut-être devenu trop grand après la fonte de l’œdème qui se crée lors d’une fracture.

Un plâtre est un bandage rigide fait avec des bandes enduites de plâtre. Employé pour immobiliser strictement un traumatisme osseux ou articulaire, le vrai plâtre est de plus en plus souvent remplacé par de la résine qui a l’avantage d’être plus légère et imperméable. Pour de nombreuses articulations, un appareil orthopédique “prêt-à-porter” (de type attelle rigide) peut remplacer le plâtre, ce qui ne doit pas faire diminuer la surveillance car les complications sont les mêmes. Dans cette partie, les considérations relatives au “plâtre” concernent aussi les autres moyens de contention rigide.

LA CONTENTION PLÂTRÉE

Elle vise à immobiliser un segment de membre et à éviter un déplacement secondaire tout en respectant le confort du patient grâce à un moulage des reliefs osseux en évitant les zones de compression. Quelle que soit la matière utilisée, elle est peu extensible alors qu’elle englobe un contenu musculo-squelettique susceptible de présenter des variations de volume et de pression. Un plâtre ou une résine peuvent dès lors être à l’origine de phénomènes compressifs et d’un ralentissement du flux circulatoire qui imposent certaines précautions :

→ le patient est averti des complications potentielles d’une immobilisation plâtrée ;

→ un suivi médical de ce traitement dont les conséquences peuvent être graves pour l’avenir fonctionnel du patient (syndrome de loges, thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire…).

Par ailleurs, l’immobilisation des articulations sous-jacentes peut conduire à un enraidissement, une stabilisation en mauvaise position ou un déplacement secondaire d’une fracture instable qui peut provoquer un cal vicieux.

PRINCIPES DES CONTENTIONS

Qu’il s’agisse de bandes plâtrées classiques, de bandes en résine, d’orthèse “prête-à-porter”, quelques principes doivent être respectés :

→ le membre est immobilisé en position de fonction ;

→ les articulations sus et sous-jacentes au foyer de fracture doivent êtres stabilisées par l’appareil ;

→ l’appareillage doit contenir l’ensemble des segments osseux sus et sous-jacents (exemple : pour stabiliser une jambe, la contention va de l’aine jusqu’au bout du pied) ;

→ l’appareillage ne doit pas être compressif des axes vasculo-nerveux (exemple : passage de l’artère humérale et du nerf médian au pli du coude).

PRINCIPALES INDICATIONS

Encore fréquentes chez l’enfant, chez qui l’enraidissement articulaire est rare et un cal vicieux peut être compensé par la croissance, les indications de la contention plâtrée sont rares chez l’adulte compte tenu des méthodes d’ostéosynthèses internes. Celles-ci permettent une meilleure réduction du foyer de fracture avec libération et possible mobilisation précoce des articulations sus et sous-jacentes.

COMPLICATIONS DE L’IMMOBILISATION PLÂTRÉE

Réduction imparfaite

Une contention appliquée sur une mauvaise réduction du foyer de fracture peut être responsable d’un cal vicieux après consolidation. Plusieurs traitements sont possibles :

→ laisser l’évolution vers un cal vicieux en estimant qu’une ostéotomie ultérieure permettra de le corriger s’il est trop important ;

→ corriger la malposition par une nouvelle contention plâtrée ;

→ corriger la malposition par une ostéosynthèse interne.

Ces dernières corrections doivent être faites avant le début de la consolidation osseuse, c’est-à-dire avant la troisième semaine.

Déplacement secondaire

Un déplacement sous plâtre est possible alors que la fracture était initialement bien réduite. Un tel déplacement est souvent favorisé par la fonte de l’œdème associée à une forme de fracture instable (oblique longue, spiroïde, comminutive…). Un œdème péri-fracturaire se constitue en quelques heures après une fracture. La contention initiale tient compte de cet œdème. Quand celui-ci régresse quelques jours plus tard par l’action des anti-inflammatoires et une position en déclive, la contention devient alors trop grande et permet une mobilisation des segments osseux. Un déplacement secondaire doit être dépisté avant la fin de la troisième semaine (début de la consolidation osseuse) pour pouvoir réaliser une nouvelle réduction ou une ostéosynthèse. Compressions dues au plâtre La compression des tissus sous la contention est due à un plâtre initialement trop serré ou l’apparition secondaire d’un œdème. La compression peut être à l’origine d’irritation, de prurit ou d’escarres, en particulier chez les patients âgés chez lesquels le flux vasculaire et veineux est extrêmement ralenti. Un simple érythème peut évoluer vers une phlyctène puis vers une escarre. Toute douleur, démangeaison ou mauvaise odeur doit conduire à l’ablation du plâtre pour vérification de l’état cutané.

Compression nerveuse

Elle peut conduire à une simple perte de la conductibilité du nerf sans dégénérescence distale (neurapraxie) avec récupération dans les semaines qui suivent la levée de la compression. Une compression nerveuse localisée peut aussi être à l’origine d’une dégénérescence distale du nerf (axonotmésis), qui récupère très lentement après la levée de la compression, parfois incomplètement.

Les compressions les plus fréquentes concernent le nerf cubital au coude et le sciatique poplité externe à la tête du péroné (genou).

Compression vasculaire

La compression d’une artère entraîne une ischémie musculaire. Trop prolongée (de quelques heures à quelques jours selon les cas), elle peut entraîner une nécrose musculaire irréversible. L’ischémie musculaire se manifeste dans un premier temps par de violentes douleurs, un œdème et une perte progressive de la mobilité, alors que les pouls restent perçus pendant longtemps. La compression doit être levée par ablation du plâtre dès les premiers signes et au moindre doute. La compression vasculaire la plus fréquente est celle de l’artère humérale au pli du coude qui entraîne une ischémie des muscles de l’avant-bras (syndrome de Wolkman, lire l’encadré ci-dessous).

Compression veineuse

Elle se caractérise par des douleurs et l’apparition d’un œdème qui entraîne une compression de l’ensemble des tissus.

Œdème douloureux des extrémités

Le gonflement de l’extrémité distale du membre immobilisé est fréquent après la pose d’un plâtre.

Cet œdème est toléré si les extrémités du membre restent colorées, en l’absence de trouble sensitif et avec une mobilité possible des doigts ou des orteils. En cas d’œdème important ou de douleur persistante des extrémités, le médecin doit être averti. Il faut parfois fendre le plâtre en urgence et le refaire quelques heures ou quelques jours plus tard pour décomprimer la région.

En prévention, le membre lésé est surélevé.

Phlébite sous plâtre

L’immobilisation plâtrée associée à la lésion de fracture est une cause de ralentissement du flux veineux. Ce ralentissement entraîne une stase secondaire qui peut être à l’origine d’une thrombophlébite avec un risque d’accidents thromboemboliques aux conséquences parfois graves (embolie pulmonaire). Une phlébite touche le plus souvent des membres inférieurs à la jambe mais est également possible aux membres supérieurs.

Signes cliniques

→ Apparition d’une douleur au niveau du mollet exacerbée par la flexion dorsale du pied ou à la pression de la loge musculaire concernée (parfois difficile à analyser sous le plâtre).

→ Fièvre d’origine indéterminée.

→ Dissociation de la température et du pouls : élévation progressive du pouls jusqu’à 120 battements par minute et de la température qui se stabilise aux alentours de 38 °C.

→ Ce sont parfois les premiers signes de l’embolie pulmonaire : apparition soudaine d’une douleur thoracique d’un côté, qui augmente à l’inspiration ; difficultés à respirer avec respiration rapide et courte (dyspnée) ; parfois une toux et crachats avec du sang.

La suspicion d’une phlébite du membre inférieur doit être vérifiée soit par un écho-Doppler veineux du membre suspect, soit par une phlébographie.

Prévention

Membres inférieurs

Tous les patients munis d’un plâtre du membre inférieur doivent bénéficier d’un traitement par antithrombotique prophylactique dès la pose du plâtre, même si l’appui est autorisé. Le plus souvent, ce traitement est réalisé à l’aide de l’injection sous-cutanée d’héparine de bas poids moléculaire (HBPM) avec un contrôle régulier du taux de plaquettes. Rappeler au patient qu’il faut éviter l’alitement prolongé et surélever le membre immobilisé au-delà d’un plan horizontal le plus souvent possible.

Membres supérieurs

La pose de plâtre au niveau du membre supérieur n’implique pas un traitement antithrombotique systématique car les thrombophlébites et les accidents emboligènes sont exceptionnels à ce niveau. Le traitement sera discuté pour une immobilisation longue du membre supérieur chez un sujet à risque (antécédents personnels ou familiaux de thrombose veineuse ou d’embolie pulmonaire, insuffisance veineuse des membres inférieurs, tabagisme, prise d’œstroprogestatifs, obésité…).

Dosage plaquettaire

Le traitement antithrombotique est poursuivi jusqu’à l’ablation du plâtre avec une surveillance biologique régulière. Les durées du traitement et de la surveillance peuvent varier selon les choix du chirurgien, par exemple : numération plaquettaire avant le traitement ou au plus tard 24 heures après le début du traitement, puis deux fois par semaine pendant un mois, puis une fois par semaine jusqu’à l’arrêt du traitement, en cas de traitement prolongé (recommandations de l’Afssaps, 2011).

SURVEILLANCE

Des radiographies de contrôle des foyers de fracture permettent de dépister précocement les déplacements secondaires, les défaillances d’ostéosynthèse et de surveiller l’évolution de la consolidation osseuse. La fréquence des contrôles radiographiques dépend de la lésion et du résultat de l’examen clinique.

Douleur

Toute douleur sous un plâtre doit faire évoquer une éventuelle complication. Une douleur lancinante, intolérable et parfois pulsative peut révéler un phénomène compressif. La palpation des extrémités permet de vérifier l’absence d’altération de la sensibilité et de douleur ressenties lors de la mobilisation des doigts ou des orteils, ainsi que la symétrie des pouls capillaires. Les impressions de chaleur anormale, de tension, d’altérations de la sensibilité ou de la motricité doivent être signalées au médecin.

Coloration des extrémités

Les extrémités des membres immobilisés (doigts ou orteils) doivent rester roses :

→ une pâleur comparative de ces extrémités avec disparition ou ralentissement important du pouls capillaire peut signifier une ischémie ;

→ un membre œdématié, marbré et associé à une douleur importante peut révéler une lésion artérielle méconnue ;

→ une teinte plus violacée peut être due à des altérations profondes du retour veineux.

L’aspect du plâtre

Toute tache suspecte doit faire évoquer l’existence d’un saignement sous plâtre ou d’une infection (macération, escarre, etc.). Une augmentation de l’espace entre la peau et le bord profond du plâtre observée aux extrémités de la contention reflète une diminution de l’œdème traumatique. Le plâtre trop lâche est alors probablement inefficace et doit être signalé au médecin. De même, toute détérioration importante du plâtre (fissuration, fracture) nécessite un changement ou une adaptation de celui-ci.

CONSEILS AUX PATIENTS PORTEURS D’UN PLÂTRE OU D’UNE RÉSINE

→ Conserver le membre plâtré surélevé, surtout durant les premiers jours, ce qui limite le gonflement de l’œdème causé par le traumatisme :

– immobilisation au bras : porter une écharpe et laisser reposer le bras en l’air ;

– immobilisation à la jambe : ne pas rester longtemps debout, poser le pied sur un tabouret en position assise, sur un coussin en position couché.

→ Le plâtre ne doit pas être abîmé : ne pas retirer le jersey ni le coton qui se trouvent sous le plâtre car ils protègent la peau. Le plâtre ne doit pas être mouillé. La résine ne craint pas l’eau mais la peau en dessous ne séchera pas et il y a un risque d’ulcérations.

→ Ne pas rentrer d’objet ni d’aiguille sous le plâtre, même en cas de démangeaisons, à cause du risque de blessure.

→ Si l’appui est interdit sur la jambe, respecter cette consigne. La reprise d’un appui intempestif expose au déplacement secondaire d’une fracture et à un mauvais résultat.

→ Si le plâtre est cassé, prendre rendez-vous dans le service qui l’a posé pour le refaire.

→ Consulter rapidement si :

– douleur importante sous le plâtre qui ne cède pas aux antalgiques ni à la surélévation ;

– gonflement important du membre immobilisé qui ne dégonfle pas malgré la surélévation ;

– engourdissement des doigts ou des orteils ;

– mauvaise odeur sous le plâtre ;

– écoulement de pus à travers le plâtre.

Syndrome de loges / Syndrome de Volkman

Le syndrome de loges est une urgence immédiate après le traumatisme car son évolution est rapide vers des lésions ischémiques, nerveuses et musculaires. Il correspond à une augmentation de la pression intra-tissulaire dans une loge anatomique inextensible ostéo-membraneuse. Il est causé par un hématome ou un plâtre trop serré et altère la vascularisation des tissus, avec ischémie nerveuse et musculaire. Il est plus fréquent en postopératoire. Les signes cliniques sont :

→ douleurs spontanées importantes sous le plâtre ;

→ hypertension de la loge concernée ;

→ hyperesthésie cutanée (exacerbation de la sensibilité du toucher) puis hypoesthésie (diminution de la sensibilité), souvent tardive ;

→ abolition (tardive) des pouls.

Traitement d’urgence : aponévrotomie de décharge (incision chirurgicale de l’aponévrose) et mobilisation pour prévenir les rétractions.

Le syndrome de Volkmann est une séquelle définitive d’un syndrome de loges. Ce syndrome apparaît le plus souvent après un traumatisme par écrasement ou une compression sous plâtre (le plus souvent à l’avant-bras, parfois à la jambe). Il survient souvent quelques heures après l’installation du plâtre mais peut apparaître quelques jours plus tard. Sa prévention consiste en la suppression des causes de compression vasculaire, comme l’ouverture d’un plâtre par exemple. Traité tardivement, le syndrome de Volkmann entraîne un risque de paralysie musculaire définitive. Les signes d’appel sont une douleur et des fourmillements dans les doigts (ou les orteils) associés à une diminution de leur mobilité.

Traitement : ablation du plâtre en urgence. L’ouverture chirurgicale des loges est indispensable si la pression dans les loges est augmentée (supérieure ou égale à 30 mm de Hg).

Je cote à la nomenclature

Titre XVI. – Soins infirmiers chapitre I – Soins de pratique courante

Article 1er – Prélèvements et injections

→ Pour l’injection du traitement antithrombotique en sous-cutané (HBPM) : Injection sous-cutanée = AMI 1

→ Pour le contrôle des plaquettes : Prélèvement par ponction veineuse directe = AMI 1,5