Une plume sur leur vie - L'Infirmière Libérale Magazine n° 314 du 01/05/2015 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 314 du 01/05/2015

 

Myriam Cadéot, écrivain public à Castelnau-sur-l’Auvignon (Gers)

La vie des autres

Sophie Magadoux  

Après dix ans d’expérience professionnelle dans le sanitaire et social, Myriam Cadéot a décidé d’user de son amour des mots pour les mettre au service des autres. Après avoir suivi une formation, elle est écrivain public depuis quatre ans.

« Tous les gens que je suis amenée à rencontrer dans mon travail me touchent. Leur vie n’a peut-être rien d’exceptionnel, mais ils sont les témoins de la vie locale, d’une époque qui s’éloigne », explique Myriam Cadéot, la quarantaine, écrivain public depuis quatre ans.

Aider les gens

Native du Gers, elle réside avec son mari agriculteur et leurs trois jeunes enfants au nord du département, dans un village gascon typique de cent soixante-quinze âmes, Castelnau-sur-l’Auvignon. « Pendant dix ans, j’ai accueilli et accompagné des personnes toxicomanes au sein d’un centre médico-social. En 2009, mon poste était sur la sellette. Du coup, j’ai fait un bilan de compétences », raconte-t-elle. À cette occasion, son amour des mots vient sur le devant de la scène. En effet, l’écriture a toujours été importante pour elle. Elle a un baccalauréat littéraireet une maîtrise en psychologie à son actif. Toutefois, aider les gens compte aussi à ses yeux. Alors, écrivain public, voilà l’opportunité d’allier les deux. Emballée, « j’ai bouclé en six mois les six modules de formation à distance du Cned(1) prévus pour durer une année ». En septembre 2011, Myriam dépose flyers et affichettes dans les mairies, les centres communaux d’action sociale, les bibliothèques… dans un périmètre situé à une demi-heure maximum de son domicile. « Je m’attendais surtout à des demandes d’ordre administratif : des curriculum vitae, des rapports à relire, des courriers à mettre en forme… Même s’il y en a, le gros du travail est d’un autre ordre. Dans les mois qui ont suivi, j’ai reçu deux appels téléphoniques, puis trois et quatre, de personnes qui souhaitaient travailler sur des récits de vie. Deux ont abouti. Depuis, les demandes se succèdent. J’ai remarqué qu’à partir de cinquante-soixante ans, les gens ont envie de transmettre leur histoire, un épisode particulier de leur vie, à leurs enfants, leurs petits-enfants, mais ils n’en ont pas le temps ni les capacités rédactionnelles », témoigne-t-elle.

Les mots des autres

Un premier entretien téléphonique ou un e-mail définit le travail. Puis, devis en main, voilà les “clients” engagés pour cinq séances à raison d’une tous les quinze jours, au minimum. « Cela se passe à leur domicile – on parle mieux de soi dans son propre environnement. Pendant une heure trente, ils se racontent… Car au-delà, l’attention décline. J’enregistre et je prends des notes. » Après quoi, documents et photos à l’appui, Myriam travaille chez elle à la retranscription et à la mise en page – « cinq heures pour une heure d’entretien ». Pour, au final, une dizaine d’exemplaires reliés au format A5 destinés aux proches. « C’est quand l’entourage ne soupçonne pas ma participation que mon travail est réussi. Je ne suis pas biographe, mon but n’est pas la qualité littéraire, mais la transmission écrite des mots des autres. Les “tics” de langage doivent se retrouver. »

D’écrivain public à EP32

En 2012, pour échapper à l’écueil du travail en solo, l’isolement, Myriam contacte ses pairs installés dans le département. « Comme j’appréciais particulièrement le travail pluridisciplinaire, j’ai cherché à retrouver un certain esprit d’équipe. Nous sommes complémentaires, c’est un travail de proximité. Échanger, faciliter l’accès à la formation, mener des projets en relais, c’est un plus et nous gagnons en visibilité. Nous étions sur le salon du livre à Condom en mai 2014. Associés à la Société archéologique du Gers à l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, nous rédigeons des articles. Chacun s’investit selon ses disponibilités », explique Myriam, présidente de l’association des Écrivains publics du Gers (EP32)(2). Créée en mars 2013, l’association est la vitrine des spécificités de ses douze membres actuels : dans le cas de Myriam, l’animation d’ateliers d’écriture. « De juin à septembre, une fois par mois, je propose des ateliers chez moi et j’anime durant l’année un autre atelier voulu par une commune. Là, sous prétexte de réaliser un recueil de recettes de cuisine, la démarche ludique vise à conserver du lien et à stimuler la mémoire des anciens. » Au sein de l’association, les savoir-faire particuliers sont issus des parcours des uns et des autres. « On a tous fait autre chose avant, archéologie, secrétariat, journalisme… Notre point commun est clairement la relation à l’écriture. »

Toutefois, il est difficile de faire fortune en exerçant cette activité, qui reste plutôt une vocation. Pour la plupart, c’est une source de revenus annexe. Pourtant, « vu la richesse des rencontres, je suis heureuse que la vie m’ait amenée à découvrir ce métier », confie Myriam. En 2012, elle en a même profité pour publier, en son nom, un premier ouvrage, La Naissance des coquelicots, un conte inspiré d’une légende gasconne. Un deuxième est en cours.

(1) Centre national d’enseignement à distance.

(2) www.ep32.org

Elle dit de vous !

« À mon avis, les infirmières libérales font preuve d’une véritable passion dans l’exercice de leur métier, mais leur rôle est relativement ingrat. Elles assurent une présence continue, parfois au détriment de leur vie familiale, et souvent auprès de gens démunis. Elle font face à leur douleur. C’est un métier très “humain”. Même si mon travail a un caractère social, les gens abordent rarement leurs soucis de santé. On passe dessus. Et, de fait, je suis rarement en contact avec les infirmières, sauf si j’interviens pour traiter des documents administratifs ou si j’assure le soutien scolaire d’un jeune immobilisé pour quelques semaines à domicile, à la suite d’un accident par exemple. Prochainement, je pourrais être amenée à collaborer avec l’une d’entre elles. Dans deux ans, celle-ci sera à la retraite et elle souhaite proposer des ateliers pour les personnes âgées, combinant activités manuelles et écriture créative. »

FORMATION

Pas obligatoire, mais plutôt utile

Un écrivain public n’a pas besoin de diplôme pour exercer son métier. Mais plusieurs formations sont dispensées, notamment par le Cned, l’université de la Sorbonne Nouvelle à Paris ou l’université de Toulon. Car savoir écrire ne suffit pas. Les prestations s’étendent du simple travail de relecture d’un rapport de stage jusqu’au récit de vie en passant par un compte rendu, un discours ou une lettre d’amour. La formation porte aussi bien sur les pratiques rédactionnelles, la bureautique, les règles typographiques que sur les connaissances de base en droit social, fiscal ou associatif. Profession surtout relationnelle, l’écrivain public doit développer l’écoute et savoir mener un entretien. Ils sont plusieurs centaines à exercer dans l’Hexagone selon le Groupement des écrivains conseils, l’un des groupements professionnels d’envergure nationale. Par ailleurs, existent aussi le Syndicat national des prestataires et conseils en écriture ou l’Académie des écrivains publics de France.