Cahier de formation
Savoir faire
Les Idels peuvent participer à la prise en charge de la migraine, contribuer à informer le patient sur sa pathologie et ses traitements et participer à son suivi.
Profitant d’être à votre cabinet pour un rappel de vaccination, Mme C. vous confie avoir l’impression que son traitement par Isimig (frovatriptan) n’est pas efficace. Elle est la plupart du temps obligée d’en reprendre un second comprimé dans la journée.
Avant de conclure hâtivement à l’inefficacité du triptan, il faut avant tout vérifier que Mme C. le prend correctement. En effet, les triptans doivent être pris le plus tôt possible (dans l’heure suivant l’apparition de la céphalée) pour augmenter leur efficacité. S’il s’avère que Mme C. le prend correctement, il convient de l’orienter vers son médecin en vue d’un changement de triptan ou d’une éventuelle co-prescription d’AINS en prise simultanée.
→ Il est essentiel d’aider le patient à différencier migraine et céphalée de tension afin d’éviter l’abus médicamenteux et l’apparition de céphalées chroniques quotidiennes. Il est également important de rassurer le patient migraineux sur la bénignité de son état.
→ Toutefois, tous les maux de tête ne doivent pas être banalisés et imputés à tort à la migraine. Il est important que le migraineux consulte en urgence un médecin en cas de céphalée d’apparition brutale, s’installant en moins d’une minute, d’intensité sévère inconnue jusqu’alors, durable et intense en dépit du traitement, ou en cas de fièvre associée.
→ L’Idel peut contribuer à apprendre au patient à identifier les facteurs susceptibles de déclencher les crises et à les éviter, dans la mesure du possible.
→ L’Idel peut rappeler au patient certaines règles d’hygiène de vie : respecter des horaires réguliers de repas, de lever et de coucher, essayer de gérer son stress…
L’Idel peut prodiguer certains conseils complémentaires pour contribuer à calmer une crise :
→ comprimer la tempe du côté douloureux ;
→ appliquer des compresses froides ou un bandeau réfrigéré sur le crâne ;
→ rester allongé au calme et dans l’obscurité.
→ Dans certains cas, il peut être utile de bien rappeler la différence entre le traitement de fond (qui sert à espacer les crises et à réduire leur intensité) et le traitement de crise (traitement ponctuel qui vise à soulager le patient).
→ Expliquer avec des mots simples à quoi servent les médicaments : les AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens) vont réduire l’inflammation des vaisseaux méningés ; les triptans vont diminuer le diamètre des vaisseaux méningés, qui sont dilatés lors d’une crise.
→ Vérifier auprès du patient qu’il a bien compris que le traitement de fond n’est pas un traitement curateur, mais qu’il permet de prévenir les crises car il augmente le seuil de déclenchement de ces dernières.
→ S’assurer auprès du patient qu’il a bien compris les modalités de prise du traitement : une bonne observance est indispensable pour optimiser l’efficacité du traitement mais aussi pour éviter une consommation inadaptée de médicaments.
→ Le traitement de crise doit être pris le plus précocément possible, dès les premiers signes de céphalée (une fois que l’aura est terminée pour les triptans et les dérivés ergotés). Il est donc important d’éduquer le patient à avoir toujours son traitement de crise sur soi pour ne pas être pris au dépourvu. En revanche, il est inutile de le prendre à l’avance pour anticiper une éventuelle crise (si l’on devine que l’on va être exposé à un facteur déclenchant par exemple). Une telle pratique est même dangereuse, puisqu’elle expose davantage au risque d’abus médicamenteux.
→ Il faut prendre en première intention l’AINS, et garder le triptan en secours, en cas d’inefficacité à une ou deux heures de l’AINS. Si l’AINS, testé sur trois crises, s’avère inefficace, le triptan doit être pris d’emblée.
→ Les triptans doivent être administrés dès l’apparition de la céphalée, leur efficacité étant meilleure quand ils sont pris au stade de céphalée légère. Toutefois, il ne faut pas les prendre pendant l’aura.
→ Si une première dose de triptan n’est pas efficace, la réadministration d’une seconde dose n’est pas conseillée au cours de la même crise. En revanche, si la première dose a été efficace mais que les symptômes réapparaissent, une deuxième dose peut être administrée en respectant un intervalle d’une à quatre heures selon les molécules et les formes galéniques.
→ Il est important d’insister auprès des patients sur la nécessité de l’administration précoce des triptans, certains patients étant en effet réticents à leur usage et retardant au maximum le moment où ils vont y recourir. Au contraire, il convient de leur expliquer que la prise de triptan dans l’heure suivant l’apparition de la céphalée augmente son efficacité, mais aussi la durée de son effet, limitant le risque de réapparition des symptômes et donc la nécessité de recourir à une seconde prise.
→ En cas d’administration par voie nasale (sumatriptan, dihydroergotamine), les narines ne doivent pas être encombrées pour que le spray antimigraineux soit pleinement efficace : rappeler au patient, en cas de rhinorrhée, de se moucher avant l’administration, mais pas après !
→ Il est important d’orienter le patient vers un médecin dès lors qu’il confie avoir recours au traitement de crise plus de deux fois par semaine (même si celui-ci est efficace) pour discuter de la mise en place d’un traitement de fond.
→ Le traitement de fond doit être pris régulièrement et quotidiennement. Il ne doit pas être interrompu sous prétexte que les crises s’espacent ou sont moins fortes. Au contraire, cela signifie que le traitement de fond est bénéfique.
→ Rappeler au patient qu’il ne faut pas être impatient de juger son efficacité pour éviter de conclure hâtivement à un échec et de décourager le patient. Celle-ci ne sera en effet évaluée qu’au bout de deux ou trois mois.
→ Conseiller au patient de prendre l’AINS avec une collation pour limiter la survenue de troubles digestifs. La survenue de manifestations d’hypersensibilité cutanée ou d’une crise d’asthme pouvant faire craindre une allergie doit être impérativement signalée au médecin.
→ Rassurer sur le caractère bénin de “l’effet triptan” : bien qu’angoissant pour le patient, il est rapidement réversible. En revanche, s’il se prolonge plus d’une à deux heures, le patient doit consulter un médecin.
→ En cas de survenue de cauchemars sous bêta-bloquant, il est préférable de le prendre le matin ou à midi et d’éviter une administration le soir.
→ L’hypotension orthostatique liée au bêta-bloquant peut être prévenue par un lever en deux temps. La fatigue s’observe surtout en début de traitement et s’améliore généralement avec la poursuite de celui-ci. Informer les patients diabétiques que les bêta-bloquants masquent les signes annonciateurs d’hypoglycémie, leur conseiller d’augmenter la fréquence des contrôles de glycémies capillaires en début de traitement, et leur apprendre à reconnaître une hypoglycémie atypique (nausées, vomissements, troubles de l’humeur et du comportement).
→ De nombreux traitements de fond sont responsables de somnolence : déconseiller au patient la consommation d’alcool et recommander la prudence lors de la conduite automobile.
Dr Michel Lantéri-Minet, chef de service du département évaluation de la douleur du CHU de Nice (Alpes-Maritimes)
« Certains migraineux souffrent de crises sévères. Dans ces cas-là, le traitement repose sur du kétoprofène en intramusculaire, ou de l’aspirine en intraveineuse lente, ou de l’acupan en intramusculaire, éventuellement associés à du métoclopramide en intramusculaire.
Ces injections peuvent être faites à domicile par une Idel. Avant d’injecter du kétoprofène ou de l’aspirine, elle doit s’assurer que le patient n’a pas pris dans les 24 heures des AINS et prendre garde à injecter l’aspirine (en 3 à 5 minutes) pour éviter les malaises vagaux. Il est important que le patient migraineux ait au préalable pris contact avec un cabinet d’infirmiers libéraux, de façon à ce que les Idels soient averties de la possibilité d’un appel “en urgence”.
La prise en charge des crises sévères par les Idels doit être à l’avenir développée, pour éviter la saturation des urgences hospitalières et éviter au patient un scanner ou une ponction lombaire pas forcément justifiés ou une mise sous morphine inadaptée. La Société française d’études des migraines et céphalées réfléchit à des recommandations de prise en charge des migraines en urgence en ville. Une Idel formée à l’hypnoanalgésie ou à la sophrologie peut profiter d’être à domicile pour coupler à l’injection une approche non pharmacologique. Il est vraiment important de réfléchir à la valorisation,à la rétribution de ces actes chronophages et à leur remboursement. »
Amayelle, 23 ans, étudiante, souffrant de migraine
« Je connais bien les facteurs qui déclenchent mes crises de migraine, mais je ne peux pas toujours les éviter. Ainsi, je sais que l’hypoglycémie et certains exercices physiques sont favorisants et je peux les éviter. En revanche, la fatigue et le manque de sommeil sont difficilement évitables quand on est étudiante ! En période de révisions, j’étudie beaucoup et ne dors que cinq à six heures par nuit, mais je ne peux faire autrement devant la charge de travail, même si je sais que cela favorise les migraines. »