Cahier de formation
Alors que vous êtes au domicile de Mme J., 89 ans, pour préparer son pilulier, sa petite fille Aude, âgée de 26 ans, en profite pour vous confier avoir un retard de règles. Elle s’inquiète parce qu’il y a cinq jours, elle a eu une crise de migraine qu’elle a soulagée avec du Zomigoro (zolmitriptan).
Il convient de rassurer Aude : la prise de triptan au tout début de la grossesse, avant qu’un retard de règles n’ait pu être identifié, est sans conséquence. Vous l’enjoignez à confirmer sa grossesse par la réalisation d’un test. Si celui-ci s’avérait effectivement positif, vous lui rappelez qu’elle ne devrait pas prendre d’AINS (y compris de l’ibuprofène) en automédication, et il faudrait qu’elle consulte son médecin, en vue d’une éventuelle adaptation de son traitement.
Il est avant tout important de rassurer les patientes migraineuses en âge de procréer : la migraine n’a pas d’effet péjoratif connu sur l’issue de la grossesse.
→ Dans la majorité des cas, la grossesse est associée à une rémission partielle, voire totale, des crises. Tant que la rémission des crises ne s’est pas manifestée, un suivi mensuel d’une patiente migraineuse enceinte est préconisé.
→ Cependant, une récurrence des crises est fréquente après l’accouchement (moins souvent toutefois en cas d’allaitement).
→ Le paracétamol peut être utilisé pendant toute la grossesse.
→ L’aspirine et les AINS sont contre-indiqués à partir du début du sixième mois de grossesse (risque fœtotoxique cardiopulmonaire et rénal), et déconseillés avant.
→ L’utilisation d’un triptan est contre-indiquée selon les résumés des caractéristiques du produit, mais la pharmacovigilance est tout à fait rassurante quant à l’utilisation d’un triptan en début de grossesse, au moment où la personne migraineuse ne se sait pas encore enceinte.
→ Les dérivés ergotés sont contre-indiqués.
→ Les crises étant généralement moins fréquentes pendant la grossesse, la pertinence d’un traitement de fond peut être remise en question. S’il est maintenu, les bêta-bloquants, notamment le propranolol qui est la molécule la plus étudiée pendant la grossesse, peuvent être utilisés. Cependant, une surveillance des fréquences cardiaque et respiratoire et de la glycémie du nouveau-né est recommandée à la naissance.
→ Si le propranolol est contre-indiqué, l’amitriptyline peut être utilisée. Mais une surveillance du transit, de la diurèse et de la capacité de succion du nouveau-né est justifiée.
→ Le topiramate et le valproate de sodium sont tératogènes et ne doivent pas être utilisés pendant la grossesse.
→ Il y a peu de données concernant l’utilisation de l’oxétorone et du pizotifène chez la femme enceinte.
→ Le méthysergide est contre-indiqué du fait de son pouvoir ocytocique.
→ Selon le Crat (Centre de référence des agents tératogènes), la flunarizine est à éviter en raison de sa longue demi-vie.
La prévalence de la migraine en pédiatrie est de 3 à 10 %. Les garçons sont autant concernés que les filles.
→ Chez les enfants, les facteurs déclenchants les plus fréquents sont :
• les émotions fortes, le fait d’être stressé ou contrarié ;
• l’exposition aux odeurs, aux lumières ou aux bruits forts ;
• l’effort physique ;
• les voyages en bus ou en voiture ;
• les efforts de concentration ;
• le fait d’avoir faim ou trop chaud ;
• le fait de dormir trop ou pas assez.
→ Chaque enfant est plus ou moins sensible à chacune de ces situations.
→ La migraine de l’enfant se distingue de celle de l’adulte par des crises plus courtes, une localisation bilatérale plus fréquente, des troubles digestifs au premier plan ainsi qu’une pâleur inaugurale fréquente.
→ La douleur des céphalées est intense, empêchant l’enfant de jouer ou de travailler. Il décrit une sensation de “cœur qui bat ou de marteau qui tape dans la tête”.
→ Parfois, les crises de migraine peuvent se manifester sans céphalée, mais par des vertiges récurrents, des vomissements cycliques ou des douleurs abdominales récurrentes.
→ Chez l’adolescent, la clinique se rapproche de celle de l’adulte.
→ Le diagnostic est posé en écoutant l’enfant et ses parents décrire ce qui se passe pendant les crises de migraine. Ainsi, s’il est possible que des nourrissons souffrent de migraine, le diagnostic est difficilement posé avant que l’enfant ne soit en âge de parler.
→ Chez l’enfant, il n’existe pas d’échelle de qualité de vie validée en français. Il est recommandé de faire tenir à l’enfant ou/et à ses parents un agenda de crises pour permettre au médecin d’apprécier la sévérité de la migraine et son retentissement sur la scolarité de l’enfant.
→ Le traitement de crise doit pouvoir être pris le plus tôt possible, même à l’école.
→ Si le paracétamol est insuffisant, le traitement de crise recommandé en première intention, chez l’enfant de moins de 12 ans, est l’ibuprofène.
→ En seconde intention, le diclofénac (> 16 kg), le naproxène (> 25 kg), ou le tartrate d’ergotamine associé à la caféine (> 10 ans) peuvent être proposés. Chez les plus de 12 ans, le sumatriptan en pulvérisation nasale peut être utilisé.
→ Lorsque c’est possible, l’enfant doit s’allonger, se détendre et, s’il a faim, manger quelque chose.
La relaxation et l’apprentissage de techniques de gestion de stress sont recommandés en première intention. Les enfants migraineux sont souvent hypersensibles, un soutien psychologique peut donc s’avérer utile chez ces jeunes patients.
Dr Michel Lantéri-Minet, chef de service du département évaluation de la douleur du CHU de Nice (Alpes-Maritimes)
« Les infirmières scolaires ont un rôle majeur à jouer tant en termes de dépistage de masse que d’éducation thérapeutique. La migraine concerne 0,5 collégien sur dix et jusqu’à un à deux lycéens sur dix. Chez les enfants et adolescents, les crises, qui sont plus courtes que chez les adultes, sont volontiers banalisées et “psychologisées”, attribuées par exemple au divorce des parents ou au stress d’un examen. La physiopathologie n’est pas prise en compte. L’infirmière scolaire peut être un vecteur d’information utile pour toute la famille car, souvent, d’autres membres de la famille sont aussi migraineux. »