L'infirmière Libérale Magazine n° 315 du 01/06/2015

 

VAL-D’OISE

Initiatives

LAURE MARTIN  

L’Idel Cédric Berrurier préside l’association “Les Arts des villes, les arts des champs”, créée avec deux amis et dont le but est d’inviter enfants et adultes à emprunter le chemin de la culture,où se dressent souvent des obstacles comme le manque de temps, d’énergie…

Dans l’une des salles de la maison des associations d’Éragny, dans l’agglomération de Cergy-Pontoise, quatre enfants de sept ans environ sont réunis autour d’une table. Revêtus d’un tablier, ils sont attentifs aux consignes de Cédric, infirmier libéral mais officiant ici en tant que président de l’association “Les Arts des villes, les arts des champs”, et de Céline, responsable de projet dans la structure. Les artistes en herbe s’apprêtent à réaliser des nénuphars avec du papier et de la peinture. « Céline est une amie d’enfance qui a longtemps travaillé avec les enfants et qui se passionne depuis de nombreuses années pour les arts plastiques », explique Cédric. C’est elle qui a réfléchi au concept de l’association car elle considère que, malgré les nombreuses expositions existantes, les gens ne s’y rendent pas, seuls ou avec leurs enfants, faute de temps ou d’énergie. Faute d’argent aussi ou encore de familiarité avec le monde de l’art, pourrait-on ajouter. Pour démocratiser l’accès à la culture, Cédric, Céline et Sébastien, le trésorier de l’association, ont créé la structure en novembre 2014. Leur objectif : inviter à la culture, en faisant découvrir aux adhérents des artistes et des lieux.

Entre Jeff Koons et Niki de Saint Phalle

Leurs activités s’organisent sur un cycle de trois semaines composé d’une sortie culturelle autour d’un peintre et de sa technique de création, puis de deux ateliers de mise en pratique artistique de deux heures chacun. Ce cycle, qui coûte entre 30 et 35 euros par personne incluant la visite, les deux ateliers, le transport et le matériel, a lieu au minimum une fois par mois. « Nous avons fait des ateliers avec nos enfants, et, très rapidement, il y a eu de la demande pour d’autres enfants ainsi que pour les adultes. » Après les expositions de Jeff Koons et de Niki de Saint Phalle à Paris, l’association a aussi convié les adhérents à Giverny, à une heure de route d’Éragny, pour découvrir le musée des impressionnistes et la maison de Claude Monet. Puis enfants et adultes ont réalisé, lors du premier atelier, leur propre tableau en essayant de reproduire la technique de Monet. Et, au cours du second atelier, toujours assistés par Céline et Cédric, ils ont appris à faire des nénuphars, thème cher au peintre impressionniste, qui avait trouvé l’inspiration de sa série Les Nymphéas à Giverny.

Cédric est passionné par l’art, essentiellement par le street art et le pochoir. « Je ne peux pas vraiment dire d’où cela me vient, reconnaît-il, au moment où Louis, un petit garçon de sept ans qui assiste à l’atelier, lui demande plus de peinture orange pour peindre les pétales de son nénuphar. J’ai découvert il y a quelques années un artiste qui s’appelle Seth et je me suis plongé dans son travail. » Petit à petit, il s’est lui-même mis à créer. « J’ai fait pas mal de choses chez moi, seul mais aussi avec mes enfants qui ont repeint toute la montée d’escalier avec la technique du pochoir. » Il fait également partie d’une autre association cergyssoise, La Ruche, organisatrice d’événements autour de la culture urbaine.

Vers d’autres formes d’art

Pour le moment, l’association se concentre sur des ateliers d’arts plastiques puisque Céline, bénévole, pratique cette discipline depuis le collège. Mais les trois fondateurs aimeraient progressivement élargir les cycles à d’autres formes d’art comme le théâtre, la musique, la photographie, la danse, le cirque ou encore le cinéma, ce qui impliquerait l’intervention de professionnels extérieurs. « Nous ne pouvons pas les solliciter actuellement, informe Cédric. L’association, ayant moins d’un an d’existence, ne peut pas bénéficier d’aides publiques qui permettraient de rémunérer ces intervenants. » Les fonds de l’association proviennent des adhérents ainsi que d’une opération de crowdfunding (financement participatif) qui a permis l’achat du premier matériel : peintures, pinceaux, feutres, blouses. La ville de Cergy offre toutefois des formations sur la façon de gérer une association, la législation, la comptabilité, et la manière dont une association peut embaucher. Une information qui a toute son importance puisque l’objectif à terme serait de salarier Céline. À la rentrée, elle organisera d’ailleurs, dans le cadre de l’association, des temps d’activités périscolaires mis en place par Éragny pour les écoles de la commune. Les trois complices souhaiteraient également proposer des ateliers pendant la semaine aux parents en congé paternité ou maternité, et à leurs enfants en bas âge. Et si les lieux culturels sont trop éloignés, le coût d’une sortie trop élevé ou que le public n’est pas en mesure de se déplacer, ils voudraient instaurer des projections et des rencontres avec des artistes à Éragny. « J’aime pouvoir transmettre, notamment aux enfants, et participer à une activité qui permet de tous nous réunir, explique Cédric. Ce type d’animation développe la culture des enfants, ils apprennent les différences de techniques entre les artistes, et cela semble leur plaire puisque ce sont souvent les mêmes qui reviennent. » Très pris par son métier d’Idel, Cédric fait toujours son possible pour assister aux expositions et aux ateliers. « Parfois, entre mes deux tournées, je gare ma voiture à Enghien-les-Bains et je prends le train pour Paris, afin de rejoindre le groupe à l’exposition », raconte-t-il.

À l’origine, Cédric ne s’orientait absolument pas vers une carrière paramédicale. Il était parti pour devenir pilote de ligne. « Depuis tout petit, je savais que je voulais exercer ce métier », se souvient-il. Il décide de suivre sa formation tout seul, à l’aérodrome de Cormeilles-en-Vexin. Après plus de cent heures de vol à son actif et la validation de plusieurs modules, il passe la visite médicale obligatoire à l’exercice de ce métier. Les médecins lui découvrent alors un trouble à l’oreille gauche, inopérable, rendant l’exercice du métier impossible. Le rêve s’effondre. « Déçu, j’ai tout arrêté, même la pratique du vol en loisir. » À la même période, pour des raisons économiques, Cédric perd son emploi de commercial à Stag’Air, l’école où il emmenait les futurs élèves en vol découverte. « C’est arrivé au moment de la naissance de ma fille. J’ai décidé de prendre un an pour m’occuper d’elle. »

Par la suite, Cédric est épaulé par une association de reclassement pour réfléchir à son avenir professionnel. Cédric a toujours été attiré par la profession qu’a exercée son père (aujourd’hui décédé), médecin, « mais faire médecine avec un enfant, c’était trop compliqué », relève-t-il. Il décide de s’orienter vers le métier de brancardier, mais la personne en charge de son reclassement estime qu’il va vite s’ennuyer, et lui suggère l’exercice infirmier. « L’idée me plaisait, mais faire trois ans d’études sans revenu, cela me semblait impossible. Heureusement, cette même personne a cherché des solutions. » C’était en 2002, une période où la démographie des infirmiers n’est pas au beau fixe. Des mesures exceptionnelles permettent alors aux personnes au chômage de suivre la formation en instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi), tout en gardant leur allocation. Cédric réussit le concours, et après son cursus à l’Ifsi de Beaumont-sur-Oise, situé sur le site du centre psychothérapique Les Oliviers, exerce au sein de cette structure. « J’ai adoré y travailler, se rappelle-t-il. J’y suis resté trois ans, jusqu’en 2008. Mais il y a eu une baisse de budget et, progressivement, j’ai eu l’impression de faire du “gardiennage” de patients, alors que c’est le relationnel qui me plaît. »

« Partager la même vision du métier »

À cette période, il apprend qu’une infirmière souhaite monter un cabinet non loin. « Il est possible de prendre un congé pour s’occuper d’un enfant de moins de sept ans, explique-t-il. J’ai sauté sur cette occasion pour me mettre en disponibilité et monter ce cabinet. »

Après quelque temps de pratique, il n’a plus de doute, l’exercice libéral lui plaît vraiment et il quitte définitivement la fonction publique hospitalière. Il travaille pendant trois ans avec sa consœur, jusqu’à ce qu’elle ait l’opportunité d’ouvrir un cabinet à côté de chez elle. « J’ai gardé le cabinet, mais j’ai changé d’adresse et j’ai trouvé un nouveau collègue. »

Très vite, Cédric constate cependant qu’ils n’ont pas la même façon de travailler – « nous avons rapidement été en conflit ». Finalement, son confrère monte son propre cabinet, et Cédric perd « du jour au lendemain » de nombreux patients du cabinet qu’il a fondé. Une situation « cauchemardesque ». Depuis quelques mois, il parvient à reconstruire une patientèle – encore insuffisante, malgré une vingtaine de patients, « car les charges à payer sont toujours là ». Cette séparation « a été un coup dur » et à la fois, à l’écouter, un soulagement.

Cédric a trouvé depuis une nouvelle associée et, cette fois, ils ont signé un contrat. « Ce n’est jamais facile de trouver un confrère ou une consœur avec qui partager la même vision de l’exercice du métier », conclut Cédric.

EN SAVOIR

→ Les Arts des villes, les arts des champs, sur Facebook : http://on.fb.me/1ef9aUP

→ La Ruche, sur Internet : www.assolaruche.fr