ORGANISATION > Les élections aux URPS-infirmiers, qui auront lieu le 7 décembre, se dérouleront pour beaucoup sur des territoires bien plus grands qu’en 2010. Le décret et les arrêtés qui les organisent sont parus, tardivement, le 22 mai.
Les syndicats ont beaucoup attendu les textes fixant les règles de l’élection des représentants des infirmiers libéraux aux Unions régionales des professionnels de santé (URPS), qui doit se tenir cette année, cinq ans après le premier scrutin de 2010. Elle doit en effet avoir lieu dans un contexte qui n’était pas prévu il y a cinq ans et dans des conditions qui ont tardé à être annoncées. « Aucun parti politique n’accepterait qu’on fixe des élections dans ces conditions-là. On nous fait lanterner », s’insurgeait mi-mai Philippe Tisserand, président de la FNI (Fédération nationale des infirmiers). Tous les syndicats ont déploré ce manque d’information.
Dans un arrêté paru au Journal officiel le 22 mai, la date du scrutin, aux dimensions des futures régions, est fixée au 7 décembre 2015. Les syndicats infirmiers auraient préféré que le scrutin ait lieu après les élections régionales, début 2016, et que sa préparation ne se déroule pas au même moment que l’examen de la loi de santé…
D’autres questions les ont préoccupés, comme la localisation du siège des URPS dans les nouvelles régions. Réglementairement, ils doivent se trouver dans la même ville que les Agences régionales de santé (ARS). Mais l’implantation des agences n’est pas encore connue. À Strasbourg, Metz ou Châlons-en-Champagne dans le futur ensemble Alsace, Lorraine et Champagne-Ardennes ? À Toulouse ou Montpellier dans le futur territoire Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon ? Le décret publié (petitlien.fr/ decreturps) indique que le siège des URPS sera dans la même ville que l’ARS qui organise le scrutin, « dans l’attente de la détermination du siège de l’ARS ». Un autre arrêté (petitlien.fr/arreteurps) paru le même jour désigne les ARS chargées des opérations électorales selon les futures régions, mettant fin « à titre transitoire » à une grande interrogation
Ces choix géographiques auront des conséquences en termes de déplacements (et donc de temps et d’argent). Il est beaucoup plus compliqué pour un élu de Compiègne de se rendre en réunion à Lille plutôt qu’à Amiens, souligne Marie-Odile Guillon, présidente de l’URPS de Picardie. Patrick Experton, président de l’URPS d’Aquitaine (et de l’Onsil, Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux), souligne que la région qui regroupera l’Aquitaine, le Poitou-Charentes et le Limousin s’étendra sur près de 580 kilomètres… Ses projections des conséquences de cette réforme sur les frais de déplacements à charge de l’URPS « font peur », estime-t-il. Les moyens d’information et de communication numériques permettront peut-être de résoudre ce problème, estime Claudine Gillant, présidente de l’URPS-infirmiers de Lorraine.
L’extension du rayon d’action des élus à l’URPS va rendre plus difficile le travail de terrain et de proximité, regrette-t-elle aussi. Certains présidents d’URPS espèrent pouvoir s’appuyer sur des délégations territoriales, au moins dans les anciennes capitales de région, histoire que les libérales des “petites” régions fusionnées ne se sentent pas complètement satellisées mais rien n’est encore prévu à ce sujet…
Le nombre d’élus et la façon dont il sera fixé pose également question. Aujourd’hui, l’Aquitaine compte 24 élus… Comme c’est le nombre maximum à l’heure actuelle, souligne Patrick Experton, la grande région comprenant l’Aquitaine, le Limousin et le Poitou-Charente n’en comptera donc théoriquement pas un de plus… De même pour celle qui réunira l’Alsace, la Lorraine et Champagne-Ardennes (30 élus au total aujourd’hui), remarque aussi Hervé Fraré, président de l’URPS-infirmiers d’Alsace. Ceux qui seront réélus et ont l’habitude de travailler à 9 ou 12 devront juste apprendre à travailler à 18 ou 24…
En Picardie, Odile Guillon se demande aussi comment les 2 000 infirmières picardes seront représentées “face” aux 6 500 du Nord-Pas-de-Calais. Les ARS de Bourgogne et de Franche-Comté ont apporté des précisions aux représentants des URPS lors d’une réunion organisée en mai. Selon Marc Burkiewicz, secrétaire général de l’URPS de Bourgogne, qui y a participé, le nombre d’élus à l’URPS-infirmiers passera de 18 actuellement (9 pour chaque région) à 15 en tout dans la nouvelle région. « On nous a dit que chaque liste devra compter 18 personnes, comprendre des candidats de tous les départements et être déposée en août », rapporte-t-il. Mais d’autres représentants d’URPS ont entendu parler de fin septembre… Des délais de toute façon trop courts, estiment les syndicats. Même si les textes publiés répondent à certaines questions, « il est difficile de mobiliser des gens », remarque Patrick Experton. Les syndicats ont toutefois commencé à travailler sur des listes de candidats… à l’échelle des grandes régions là où la réforme s’applique.
Les logiques syndicales territoriales seront donc forcément chamboulées et les “rapports de force” syndicaux s’en ressentiront probablement. Pour Annick Touba, présidente du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil), un des objectifs de ce scrutin est d’obtenir la majorité absolue dans le plus de régions possibles afin d’éviter que le scénario de 2010 ne se reproduise. Malgré son bon résultat (35,9 %), le Sniil n’avait en effet obtenu la présidence que de six URPS du fait de l’alliance, au moment de la désignation des présidents, des trois autres syndicats (FNI, Onsil et Convergence), souligne-t-elle. Un scénario qui pourrait tout à fait se répéter. Cette deuxième élection aux URPS mobilisera-t-elle au final davantage que la première (75 % d’abstention en 2010) ? Six ans après leur création par la loi HPST (2009), les URPS ne sont toujours pas bien connues. Les plus actives se demandent comment les actions mises en place seront poursuivies ou si elles seront étendues. Par exemple en Picardie : Marie-Odile Guillon s’interroge sur l’avenir du dispositif Isipad (Intervention soins infirmiers post-ambulatoire à domicile), sur la manière dont seront lancés les projets avancés comme la mise à disposition de terminaux de mise à jour des cartes Vitale, et sur le devenir des partenariats tissés avec d’autres acteurs locaux.
* Elle perdurerait dans le cas de Mayotte, selon le Sniil.
Lire aussi notre édito p. 5.