L'infirmière Libérale Magazine n° 316 du 01/07/2015

 

Cahier de formation

Savoir faire

Mme M., 68 ans, DT2 depuis quinze ans, est sous trithérapie orale. Après son dernier bilan rénal, son médecin vient d’instaurer une insulinothérapie pour laquelle elle a sollicité votre intervention. Elle est inquiète et regrette d’avoir négligé son traitement, la surveillance de sa glycémie et les conseils des soignants.

Vous découvrez qu’elle n’a jamais compris pourquoi son médecin lui imposait ces contraintes ni en quoi les mesures hygiéno-diététiques pouvaient l’aider. Vous pouvez l’aider dans ces apprentissages, d’autant qu’elle semble enclineà observer les conseils.

DÉLIVRER DES MESSAGES INDIVIDUALISÉS

La notion d’adhésion

Parce qu’elle fait référence à la notion d’obéissance incompatible avec les principes de l’ETP, la notion d’observance fait aujourd’hui place à celle d’adhésion au traitement ou d’alliance thérapeutique. « Un patient observant son traitement prend entre 80 et 100 % des médicaments prescrits », indique le Dr Mosnier Pudar(1). Or, selon le Livre blanc sur l’observance(2), l’adhésion des diabétiques à leur traitement varie de 31 à 87 %. De même, Observia(3) indique que 80 % des diabétiques ne suivent pas le régime alimentaire recommandé, 50 % oublient de prendre leurs comprimés au moins deux fois par semaine et 25 % continuent de fumer.

La réduction des risques de complication

« En pratique, poursuit le médecin, on observe une corrélation directe entre l’adhésion au traitement, l’HbA1c et les complications du diabète. Ainsi, sous metformine et sulfamide hypoglycémiant, les patients ayant une HbA1c inférieure à 7 % ont respectivement un taux d’observance de 77 et 82 %. Il est important d’expliquer aux patients que chaque tranche de 10 % d’observance gagnée (passer de 50 à 60 % par exemple) permet un gain d’HbA1c de 0,1 point et réduit statistiquement les risques de complications. » Un message d’autant plus important à diffuser que les facteurs de non-observance sont multiples (lire le cahier de formation de notre numéro 310 de janvier 2015). Si des moyens existent déjà en complément de l’ETP (rappels par SMS, piluliers “intelligents”, hotline, Sophia, stages…), pour Kevin Dolgin, président d’Observia, améliorer l’alliance thérapeutique passe avant tout par la proximité du contact et la fréquence et l’individualisation des messages(4).

CRÉER LES CONDITIONS DU CHANGEMENT

L’acceptation

Prendre un comprimé, surveiller sa glycémie, préparer un repas équilibré, avoir une activité physique sont des actions relevant d’actes volontaires sous-tendus par le désir de se soigner. Or cette intention ne peut émerger que si le patient accepte sa maladie. « L’acceptation est une étape capitale que nous devons accompagner pour que le patient ne reste pas dans le déni, la révolte et le refus du traitement, explique Véronica Anglade, Idel à Château-Thierry (Aisne). C’est compliqué car le patient est en décalage entre sa perception de sa maladie (il ne ressent rien), ce qu’on lui annonce (la maladie chronique) et les perspectives que cela implique (un traitement à vie). »

Les connaissances

De fait, évoquer les complications futures d’une maladie silencieuse pour convaincre le patient qu’il doit observer un traitement dont il ne perçoit pas les bénéfices mais ressent quotidiennement les effets secondaires est souvent voué à l’échec, comme en témoigne Marie Angèle (lire sont point de vue ci-contre). « Il faut que le patient ait une raison profonde de se soigner et cela passe par une meilleure connaissance des freins qui l’incitent à ne pas le faire pour l’amener à comprendre pourquoi le traitement a du sens », explique le Dr Mosnier-Pudar. Le soignant doit donc travailler à compléter et structurer les connaissances du patient (elles donnent les moyens d’agir et l’autonomie), reconnaître voire réviser certaines de ses croyances, entendre et tenir compte de ses émotions et de ses désirs. « Les désirs et les croyances forment les raisons de l’action et participent à convaincre le patient de l’utilité pour lui d’opérer un changement, commente Helen Mosnier-Pudar. Quant aux émotions, elles jouent un rôle majeur dans le processus de décision. L’angoisse suscitée par le diagnostic ou l’apparition des complications influe sur la relation à la maladie et au traitement, et incite à mettre en place des stratégies d’adaptation qui vont permettre au patient de sortir du déni, de la minimisation du risque et de mobiliser ses ressources pour résoudre les problèmes posés au quotidien par la maladie. » Les soignants savent que ces périodes sont des moments clés pour faire avancer les patients dans le fait de “vivre avec la maladie diabétique”. Par leurs compétences et leurs capacités d’écoute, d’empathie, ils peuvent créer un climat de confiance, négocier des objectifs en respectant le rythme du patient, reconnaître et gérer les résistances, créer un environnement motivant susceptible de favoriser et de consolider l’alliance thérapeutique.

(1) Intervention à la conférence FFD novembre 2010.

(2) L’observance des traitements, un défi aux politiques de santé. Une analyse de la commission santé de la Fondation Concorde. Sous la direction de Denis Fompeyrine, mars 2014.

(3) Opérateur de services e-santé spécialiste de l’observance http://observia.fr

(4) Cf. son intervention lors du Second carrefour de l’observance, en juin 2014.

Point de vue

Sortir de l’engrenage

Souffrant de DT2 depuis plus de vingt ans, Marie Angèle, 62 ans, participante au stage “Diabète et remise en forme” organisé par le réseau Adiammo

« Être en immersion totale avec d’autres diabétiques permet de sortir de son isolement, de se rendre compte que l’on n’est pas une exception et d’être plus disponible et réceptif aux enseignements utiles à la prise en charge de sa maladie. Mais ce qui a été le plus décisif, ce qui m’a fait prendre conscience que je devais avant tout compter sur moi pour aller mieux, c’est la pose d’un capteur de glycémie. Pendant cinq jours, j’ai pu surveiller ma glycémie en temps réel, de jour comme de nuit, et comprendre comment elle évolue en fonction de mon alimentation, de mes activités. Ce fut une révélation douloureuse car j’avais régulièrement des glycémies au-dessus de 3 g et j’ai enfin compris pourquoi j’ai des problèmes de vue et de sensibilité dans les doigts de pieds. Je paye vingt ans de négligence et de laxisme parce que je n’ai pas voulu entendre au début de ma maladie que je risquais des complications, qu’il fallait que je surveille régulièrement ma glycémie et mon hygiène de vie. Ce stage d’Adiammo m’a véritablement éclairée sur les comportements à favoriser et ceux à éviter. Depuis, j’ai perdu 15 kilos, mon HbA1c est passée de 11 à moins de 7 %, j’ai réduit mes doses d’insuline. On peut vivre vieux et bien avec un diabète, à condition d’accepter d’emblée que c’est une maladie qui peut s’aggraver mais que l’on peut “facilement” gérer avec l’aide et l’accompagnement bienveillant des soignants. »