L'infirmière Libérale Magazine n° 316 du 01/07/2015

 

Yoann Boisseau, responsable Spasad à Anjou soins services, Angers (Maine-et-Loire)

La vie des autres

Laure Martin  

L’association de services à domicile Anjou soins services offre à ses patients depuis 2013 un Service polyvalent d’aide et soins à domicile (Spasad). Yoann Boisseau, responsable Spasad au sein de l’association, raconte la démarche qu’il encadre depuis environ deux ans.

Anjou soins services est une association d’aide et de soins à domicile, née d’une fusion, en 2008, de trois associations : une qui regroupait un Service d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) et un Service de soins infirmiers à domicile (Ssiad), et deux autres associations de Saad. Les trois structures ont décidé de fusionner pour avoir une meilleure visibilité sur le territoire. « Les trois lieux physiques et l’ensemble du personnel des associations ont été maintenus car il n’y avait aucune volonté d’économie d’échelle mais bien de visibilité sur le territoire », explique Yoann Boisseau, personne ressource et représentant du Spasad vis-à-vis des personnes de terrain. La fusion n’a pas pour autant entraînéde regroupement des trois structures sur un seul et même lieu, chaque équipe continuant d’intervenir sur son territoire dédié. Cependant, un siège social a été créé, tout comme un local uniquement dédié au Ssiad.

98 lits

Après la fusion, l’association a progressivement souhaité évoluer pour créer un Spasad, qui repose lui aussi sur un projet “politique”. « L’association a voulu jouer sur sa particularité d’être la seule du Maine-et-Loire à rassembler un service de soins et un service d’aide », fait savoir Yoann Boisseau. Le projet a pris forme en 2013 avec l’obtention de l’autorisation conjointe de l’Agence régionale de santé (ARS) et du Conseil général. La création de cette nouvelle structure de 98 lits est aussi liée « à l’envie de travailler davantage en rapprochant l’aide et le soin, et de faire en sorte que les professionnels travaillent ensemble », souligne Yoann Boisseau. L’idée a donc mûri avec une démarche qualité etune démarche de certification, pour anticiper les difficultés pouvant être liées au fait de faire travailler ensemble des soignants et des aidants professionnels ayant leur propre mode de fonctionnement. L’équipe de l’association a monté une formation de deux jours mixant les équipes aide et les équipes soins, dans l’idée de développer un esprit de co-responsabilité dans les interventions, et de coopération, pour ne pas que chacun travaille dans son coin. « Cette formation a eu une visée pédagogique auprès des professionnels », rapporte Yoann Boisseau. Et d’ajouter : « Auparavant, les professionnels travaillaient peu ensemble. Avec la formation, l’idée était de leur faire prendre conscience que nous faisons tous partie de la même association, d’autant plus qu’en étant répartis par secteurs géographiques, nous ne nous côtoyons pas tous régulièrement. »

Patients “sécurisés”

Une démarche d’autant plus importante que, parfois, pour le patient, le fonctionnement de l’association n’était pas clair. « Il fallait que nous fassions comprendre aux patients, via les personnels, qu’il y a une unité malgré l’existence de trois équipes, précise Yoann Boisseau. On les a donc sécurisés. » L’équipe a pu rencontrer l’ARS à deux reprises avant de déposer son dossier et présenter son projet. « Ces rencontres étaient nécessaires car il n’y a pas de cahier des charges concernant l’ouverture d’un Spasad, rapporte Yoann Boisseau.

Nous nous sommes donc définis Spasad en créant une formation, en développant un dossier unique à domicile, en rédigeant un projet personnalisé pour les patients ainsi qu’une évaluation commune aide et soins du patient. »

Évaluation multidimensionnelle

La coopération aidants-soignants se manifeste désormais dès l’arrivée chez un patient du Spasad où l’infirmière coordonnatrice et le responsable de secteur – responsable des équipes auxiliaires de vie et aides à domicile – réalisent conjointement une évaluation multidimensionnelle du patient. « Chez le patient, il y a un dossier unique aide et soins à domicile, explique Yoann Boisseau. Alors qu’auparavant, il y avait un classeur de liaison et un dossier de soins. » À l’issue de l’évaluation partagée, les deux responsables rédigent un projet individualisé qui est ensuite signé par le patient. Les équipes travaillent avec un système de salariés référents, c’est-à-dire que chaque patient dispose de deux salariés référents de terrain, un pour le soin, un pour l’aide, qui se concertent. Les équipes du Spasad demeurent sectorisées, mais, désormais, il y a des échanges entre les équipes aide et les équipes soins afin d’améliorer la prise en charge des patients. Les aides-soignantes et les infirmières se réunissent en effet toutes les semaines pendant deux heures pour faire le point sur la prise en charge des patients. « Dans l’accompagnement, cela peut permettre certains ajustements », note Yoann Boisseau. Les professionnels de terrain apprécient de travailler ensemble. « Cela donne une culture commune et fait tomber des barrières, se félicite Yoann Boisseau. L’idée était de démystifier le côté soin et de montrer ce que peut apporter l’aide à domicile dans la prise en charge du patient. » Car la porte d’entrée en Spasad se fait généralement au niveau de l’aide à domicile, et c’est seulement en cas de dégradation de l’état de santé qu’un service infirmier se met en place. « Les connaissances des aides-soignantes sur une personne peuvent donc faciliter l’arrivée d’une infirmière au domicile du patient », conclut Yoann Boisseau.

Il dit de vous !

« Je ne côtoie pas d’Idels au quotidien. Toutefois, pour le suivi de certains patients, il est impératif que je prenne du temps avec elles pour échanger sur l’évolution de l’état de santé et les difficultés rencontrées. Il s’agit de s’informer mutuellement pour se coordonner. En tant que responsable de Spasad, le postulat que je défends est le suivant : “Le travail d’équipe et partenarial doit permettre une meilleure prise en charge du patient car toutes les interventions à domicile sont complémentaires.” À mon avis, le travail infirmier à domicile requiert une multitude de valeurs et de savoir-être pour le réaliser dignement. Il faut être responsable de ses actes, être disponible, avoir de l’attention et être à l’écoute des patients, des familles, des autres professionnels. Il faut créer une relation de confiance, tout en apportant une touche d’humour car c’est l’Idel qui humanise le soin à domicile. »

DISPOSITIFS

De Ssiad en Spasad

À l’origine des Spasad, le décret n° 2004-613 du 25 juin 2004, qui définit leurs missions ainsi que leurs conditions d’organisation et de fonctionnement. Les Spasad doivent élaborer un projet individualisé d’aide, d’accompagnement et de soins, sur la base d’une évaluation de la situation du patient. À ce jour, il existe à peine plus de 80 Spasad. Lors des 5es Assises de l’aide à domicile, en septembre 2014, la secrétaire d’État chargée de la Famille, des Personnes âgées et de l’Autonomie, Laurence Rossignol, a annoncé sa volonté d’une « réforme organisationnelle et culturelle afin de décloisonner les interventions et les métiers de l’aide et des soins à domicile ». Et l’objectif de transformer en cinq ans les 2 300 Ssiad en Spasad.