L'infirmière Libérale Magazine n° 316 du 01/07/2015

 

HANDICAP

Actualité

Claire Pourprix  

INTERVIEW > À l’occasion de son intervention sur la communication avec la personne handicapée aux Assises de la Fédération nationale des associations d’aides-soignants, rencontre avec Leila Belhaouari, psychologue spécialisée en santé au travail, à Marseille.

L’ILM : Quels conseils donneriez-vous aux infirmiers pour bien communiquer avec leurs patients handicapés ?

L.B. : Il faut déjà accepter de voir le handicap. Souvent, on se réfugie derrière les termes “personne porteuse d’un handicap” ou “en situation de handicap” pour ne pas la nommer. Les handicapés eux-mêmes peuvent être dans le déni, car la technique concourt de plus en plus à masquer le handicap. Or la technique, si elle permet de mieux l’intégrer, voire de l’effacer, ne règle pas la question. Les soignants doivent donc veiller à ne pas se laisser leurrer : au-delà des outils, il y a la personne. Et cette personne, à domicile, peut être isolée et coupée du monde. Son seul lien avec l’extérieur est parfois cette “blouse blanche” qui lui rend visite. Le soignant doit donc veiller à considérer le handicapé dans toute sa personnalité et instaurer une relation d’aide tout en posant un cadre, des limites comme avec tout patient esseulé. La communication entre les deux parties repose sur l’intersubjectivité, à savoir la rencontre de deux subjectivités, qui génère une relation particulière.

L’ILM : Le temps du soin est-il propice à cette communication ?

L.B. : Oui, les actes des aides-soignants ou des infirmiers se prêtent plus à la communication que ceux des médecins qui viennent poser un diagnostic par exemple. En revanche, le temps dont dispose l’infirmier à domicile n’est pas adapté au temps nécessaire au handicapé pour nouer une relation. Par manque de temps, l’infirmier se focalise sur sa priorité, à savoir le soin à prodiguer, au détriment de l’aspect relationnel. Bien souvent, les patients se sentent plus proches des auxiliaires de vie, en qui ils trouvent un soutien, un accompagnement dans leur vie de tous les jours. Dans leur quotidien, à domicile, les Idels peuvent se sentir isolés, démunis, en perte de sens.

L’ILM : Comment y remédier ?

L.B. : La prise en charge du patient handicapé regroupe plusieurs intervenants qui peuvent travailler en pluridisciplinarité, avec le risque de travailler chacun à côté de l’autre et non ensemble. Il faut donc penser transdisciplinarité, mettre en place des dispositifs de coordination des actes et créer, dans un espace tiers, des comités de pilotage pour assurer le suivi en se centrant sur la personne. Cela permet à chaque intervenant de prendre du recul sur son intervention et de se rendre compte que ses actes ont un sens parmi un tout. Il s’agit donc de co-construire la prise en charge du handicap, en associant directement le handicapé. Cela nécessite de l’accepter comme il est, d’avoir à l’esprit que les normes ne font pas la normalité.

Un moindre accès à la prévention

Une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes) pointe un moindre accès aux soins et à la prévention des personnes en situation de handicap résidant à domicile. L’étude s’appuie sur l’enquête Handicap-santé ménages (HSM), réalisée par la Drees et l’Insee en 2008, sur quatre actes de dépistage ou de prévention : les dépistages des cancers du col de l’utérus, du sein, du côlon et la vaccination contre l’hépatite B. Les écarts dans l’accès à la prévention sont valables quel que soit l’indicateur de handicap (limitations fonctionnelles ou reconnaissance administrative). Ils sont particulièrement importants pour les dépistages du cancer du col de l’utérus et du côlon. La situation sociale défavorisée et les problèmes d’accès des personnes en fauteuil sont les principaux facteurs en cause. De plus, il y a une concentration des inégalités d’accès aux soins pour les bénéficiaires de l’Allocation aux adultes handicapés (AAH).